TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Mark GRANT
et
d'un appel interjeté par l'employeur, Herwynen Saw Mill Ltd., à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue à Brampton (Ontario) le 10 février 2006
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a travaillé chez Herwynen Saw Mill Ltd. du 18 juin 2003 au 10 mai 2005. Le 14 octobre 2005, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et une demande initiale a été établie à son profit avec effet le 10 octobre 2005. Par la suite, la Commission a déterminé que le prestataire était fondé à quitter son emploi et a informé l'employeur, Herwynen Saw Mill Ltd., de sa décision.
L'employeur a porté en appel la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a rejeté son appel à l'unanimité. L'employeur a appelé de la décision du conseil. Cet appel a été instruit à Kitchener, en Ontario, le 14 juillet 2006, en présence du prestataire. L'employeur était représenté par M. John Herwynen.
Le prestataire a affirmé avoir quitté son emploi car son employeur avait un comportement agressif à son égard, tant verbalement que physiquement. Il a déclaré que son employeur l'avait déjà agressé. Il avait signalé le dernier incident à la police. Il a ajouté que son employeur était grand et fort et qu'il le craignait en raison de son tempérament colérique.
L'employeur avait essentiellement nié les allégations du prestataire et déclaré que ce dernier était agressif et qu'il lui était arrivé de se battre contre d'autres employés par le passé. L'employeur a ajouté que le prestataire, quand il avait commencé à travailler, était un très bon employé, mais que, par la suite, il avait commencé à avoir un problème d'assiduité.
Le prestataire s'est présenté à l'audience devant le conseil. L'employeur y a participé par téléphone. L'employeur a reconnu que, au cours d'une discussion avec le prestataire, il y avait eu des éclats de voix et que certaines choses étaient ressorties, mais il nie avoir agressé le prestataire. Il a ajouté que ce dernier avait exigé une indemnité de départ équivalant à deux semaines de paye et avait menacé de retourner à la police s'il ne l'obtenait pas. Le prestataire a affirmé avoir quitté les lieux de son travail de manière à ne pas être vu par son employeur afin d'éviter une autre altercation. Il a maintenu son allégation selon laquelle l'employeur l'avait agressé.
À la fin de l'audience, le conseil a conclu que les versions présentées respectivement par le prestataire et l'employeur étaient tout aussi crédibles l'une que l'autre, et que la preuve était équivalente de part et d'autre. Il a donc accordé le bénéfice du doute au prestataire en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi sur l'assurance-emploi, où on peut lire :
« 49(2) La Commission accorde le bénéfice du doute au prestataire dans la détermination de l'existence de circonstances ou de conditions ayant pour effet de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations aux termes des articles 31, 32 ou 33, ou de l'en exclure aux termes de l'article 30, si les éléments de preuve présentés de part et d'autre à cet égard sont équivalents. »
Le conseil a rejeté l'appel de l'employeur à l'unanimité.
Pendant l'audience d'appel devant le juge-arbitre, l'employeur a de nouveau nié avoir jamais agressé le prestataire. Il a répété qu'il avait abordé le prestataire afin de discuter du fait qu'il s'était absenté sans l'avoir averti par téléphone. Il a répété qu'il n'était pas agressif, comme l'avait affirmé le prestataire dans son allégation. L'employeur a indiqué que le prestataire avait retiré ses accusations contre lui et que, pour sa part, il n'avait jamais eu l'intention de plaider coupable, tel que l'avait mentionné le prestataire dans son allégation. Il a ajouté avoir déposé son appel pour une question de principe. L'employeur affirme qu'il n'est pas d'accord avec le fait d'accorder au prestataire l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi en se fondant sur les allégations de celui-ci selon lesquelles il aurait quitté son emploi à la suite d'une agression de l'employeur.
Le prestataire a affirmé que les éléments de preuve qu'il avait présentés au conseil étaient exacts et que le conseil l'avait cru. Il a ajouté qu'il avait déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail concernant son indemnité de départ et qu'il avait eu gain de cause.
La Commission a conclu que la décision du conseil était fondée sur la preuve qui lui avait été présentée et que l'appel devait être rejeté.
Pour déterminer si un prestataire a réussi à démontrer qu'il était fondé à quitter son emploi, quelles que soient les circonstances, il faut avant tout examiner la preuve et établir les faits. La jurisprudence a établi sans équivoque que c'est le conseil arbitral qui est le principal juge des faits dans les affaires d'assurance-emploi.
Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a écrit :
« Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-chômage se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.
[...]
De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. »
Dans l'arrêt Ash (A-115-94), le juge Desjardins a écrit :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »
Et, plus récemment, dans l'affaire Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle d'un juge-arbitre se limitait à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.
En l'espèce, le conseil s'est vu présenter des éléments de preuve qui sont équivalents de part et d'autre. Aux termes du paragraphe 49(2) de la Loi, le prestataire doit se voir accorder le bénéfice du doute. La décision du conseil est compatible avec la preuve qui lui a été présentée.
Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.
L'employeur n'a pas démontré que le conseil arbitral avait rendu une décision entachée d'erreur.
En conséquence, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 28 juillet 2006