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  • CUB 66481

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Carmen GREEN

    et

    d'un appel interjeté par l'employeur, The Westchester Staffing Group Ltd., à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Kingston (Ontario) le 3 février 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour l'employeur, The Westchester Staffing Group Ltd., du 25 septembre au 28 octobre 2004. Le 15 novembre 2004, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et a indiqué qu'il avait perdu son emploi en raison d'un manque de travail. Il n'a pas fourni de copie de son relevé d'emploi. Une demande a été établie et a pris effet le 15 novembre 2004. Le 18 novembre 2004, le prestataire a présenté une demande renouvelée de prestations et à ce moment-là, il a fourni un relevé d'emploi, qui a permis à la Commission de constater qu'il avait quitté volontairement l'emploi qu'il occupait chez The Westchester Staffing Group Ltd. le 28 octobre 2004. La Commission a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et l'a exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée à compter du 24 octobre 2004. La décision de la Commission a donné lieu à un versement excédentaire de 921 $.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a accueilli l'appel. L'employeur a alors interjeté appel de la décision du conseil. Cet appel a été instruit à Kingston (Ontario) le 20 juillet 2006. Le prestataire a assisté à l'audience, mais l'employeur ne s'y est pas présenté. Le greffier a téléphoné au bureau de l'employeur et on l'a informé que celui-ci était retenu dans une autre ville en raison de problèmes de trafic aérien. On lui a indiqué que toutes les observations de l'employeur figuraient dans sa lettre d'appel et que ce dernier savait que la décision serait rendue en fonction des éléments versés au dossier d'appel, qui comprenait ses observations écrites.

    Le prestataire a soutenu que la décision du conseil était fondée sur la preuve et que l'appel de l'employeur devrait être rejeté. La Commission n'a pour sa part formulé aucun commentaire.

    Les événements ayant mené au congédiement du prestataire peuvent se résumer ainsi. Le prestataire a été embauché par l'employeur, The Westchester Staffing Group Ltd., pour travailler pour BFI Canada. Le prestataire a indiqué qu'un employé de The Westchester Staffing Group Ltd. lui avait dit qu'il pourrait prendre des vacances au début de novembre pour aller à la chasse. Lorsque est venu pour le prestataire le temps de prendre les vacances qu'il avait planifiées, BFI Canada a refusé de lui accorder son congé. Le prestataire a déclaré qu'il avait alors communiqué avec son employeur, The Westchester Staffing Group Ltd., et qu'on lui avait dit qu'il pouvait prendre son congé et qu'il pourrait travailler pour un autre client à son retour. Le prestataire est donc parti en vacances et lorsqu'il est revenu, un employé de The Westchester Staffing Group Ltd. l'a avisé que l'employeur considérait qu'il avait quitté son emploi et qu'il ne pouvait donc pas reprendre son poste. L'employeur a nié avoir approuvé les vacances du prestataire. Ce dernier a indiqué qu'il avait travaillé pendant près de deux ans sans prendre de vacances, et qu'il croyait avoir le droit d'en prendre. L'employeur a déclaré qu'il comprenait le point de vue du prestataire, mais que ce dernier n'était pas en droit de s'absenter du travail sans avoir au préalable obtenu l'autorisation de BFI Canada. Comme le prestataire a décidé de prendre ses vacances sans y avoir été autorisé, on a déterminé qu'il avait quitté son emploi. L'employeur, The Westchester Staffing Group Ltd., a tenté de lui trouver un emploi auprès d'un autre client, mais sans succès.

    Le prestataire et l'employeur se sont tous deux présentés devant le conseil s'en sont essentiellement tenus aux éléments de preuve contenus dans le dossier d'appel. L'employeur, The Westchester Staffing Group Ltd, a déclaré que certains points n'avaient jamais fait l'objet d'une entente entre lui et les entreprises à qui il fournissait de la main-d'oeuvre, et qu'en cas de désaccord sur ces points, c'est le client qui avait le dernier mot.

    Le conseil a examiné la preuve et déterminé que la relation entre les deux « employeurs » prêtait à confusion, et que le prestataire avait fait approuver ses vacances par son employeur principal, soit The Westchester Staffing Group Ltd. En outre, le conseil a établi que, lorsqu'il a quitté son emploi pour prendre ses vacances, le prestataire avait l'assurance raisonnable de travailler pour The Westchester Staffing Group Ltd. dans un avenir immédiat. Le conseil a également fait remarquer que le prestataire était sérieusement préoccupé par le fait de ne pouvoir obtenir de l'employeur l'autorisation de prendre des vacances auxquelles il avait droit, d'un point de vue légal. Le conseil a donc conclu que le prestataire avait prouvé qu'il était fondé à quitter son emploi aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi.

    L'employeur et le prestataire ont soumis des observations écrites au juge-arbitre, dans lesquelles ils ont essentiellement défendu de nouveau leur position respective. L'employeur a parlé de certains documents que le conseil avait refusé d'admettre en preuve. Le prestataire a lui aussi, dans ses observations, formulé des commentaires et fourni des explications à cet égard.

    Pour déterminer si un prestataire a réussi à démontrer qu'il était fondé à quitter son emploi et qu'il n'avait d'autre solution raisonnable que d'agir ainsi dans les circonstances, il faut essentiellement examiner et établir les faits. La jurisprudence a établi hors de tout doute que le conseil arbitral est la principale instance qui doit juger des faits dans les affaires ressortissant à l'assurance-emploi.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a déclaré ce qui suit :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier.
    [...]
    Le juge-arbitre, d'après nous, ne pouvait pas rejeter cette conclusion du conseil sur la seule base d'un raisonnement qui, en somme, ne fait que donner pleine priorité aux vues de l'employeur. »

    Dans l'arrêt Ash (A-115-94), la juge Desjardins s'est exprimé ainsi :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    En outre, dans l'affaire Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle du juge-arbitre se limitait à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec la preuve portée à la connaissance du conseil.

    En l'espèce, le conseil a examiné la preuve présentée par le prestataire et par l'employeur et a rendu une décision qui est compatible avec la preuve qui a été portée à sa connaissance. Pour reprendre les mots de la juge Desjardins, « les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité ».

    Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. Le juge-arbitre doit rejeter l'appel à moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    L'employeur n'a pas démontré que le conseil arbitral avait agi ainsi.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, (Ontario)
    Le 28 juillet 2006

    2011-01-16