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  • CUB 66501

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande présentée par
    SIMPSON WONG

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 18 novembre 2005

    DÉCISION

    PAUL ROULEAU, juge-arbitre en chef désigné

    Le prestataire interjette appel de la décision du conseil arbitral, laquelle confirme la conclusion de la Commission, à savoir que le prestataire n'avait pas présenté de preuve médicale indiquant qu'il était incapable de travailler, aux termes de l'alinéa 18b) et de l'article 50 de la Loi. Le conseil a également conclu que le prestataire n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler aux termes de l'article 18 de la Loi, et qu'il avait fait sciemment vingt-et-une (21) fausses allégations à la Commission, ce qui avait donné lieu à l'établissement d'un trop-payé de 10 997 $. La Commission a émis un avis de violation, tel que prévu à l'article 7.1 de la Loi, et infligé une pénalité de 154 $ au prestataire pour avoir fait une fausse déclaration dans sa demande, aux termes de l'article 38 de la Loi. Comme aucune audience n'a été demandée, l'appel sera tranché sur la foi du dossier.

    Le prestataire a déposé une demande de prestations, laquelle a pris effet le 29 août 2004. Dans sa demande, le prestataire a indiqué qu'il avait perdu son emploi en raison d'un manque de travail. Il a précisé qu'il se cherchait du travail comme cuisinier, qu'il était prêt et disposé à travailler et capable de le faire. Il a touché des prestations pendant une période de trente-six semaines qui s'est terminée le 21 mai 2005. Le 27 mai 2005, il a déposé une demande de prestations de maladie, soutenant qu'il souffrait d'une irritation des racines nerveuses. Il a fait valoir qu'il avait été incapable de travailler à partir de septembre 2004. Il a soumis un certificat médical indiquant qu'il se pouvait qu'il ne puisse pas travailler à temps partiel ou à plein temps comme chef cuisinier. La Commission a examiné la demande de prestations de maladie du prestataire et a conclu que celui-ci n'avait pas prouvé qu'il était incapable de travailler aux termes de l'alinéa 18b) de la Loi. La Commission a conclu que le certificat médical disait qu'il se pouvait qu'il ne puisse plus travailler comme chef cuisinier, et non qu'il était incapable d'occuper un autre emploi qui aurait été convenable pour lui.

    Après le refus de sa demande de prestations de maladie, sa demande de prestations régulières a été examinée, puisqu'il avait déclaré qu'il était incapable de travailler depuis le 1er septembre 2004. Le prestataire s'est présenté à une entrevue le 9 août 2005. Il a indiqué qu'il ne savait pas qu'il devait déclarer ses problèmes de dos lorsqu'il avait déposé une demande de prestations régulières et que, depuis la présentation de sa demande de prestations, il se cherchait un emploi où il ferait seulement des travaux légers (c.-à-d. un emploi où il travaillerait assis). Il a allégué avoir communiqué avec des employeurs après avoir consulté des annonces dans le journal et avoir fait des demandes d'emploi, mais qu'il n'avait pas le nom des compagnies en question. L'entrevue a également permis de révéler que le prestataire était incapable d'exercer un emploi qui exigerait de lui qu'il soit assis ou debout pendant de longues périodes ou qu'il soulève des objets lourds. Pendant l'entrevue, le prestataire a présenté un autre certificat médical indiquant qu'il ne pourrait pas travailler avant de subir une intervention chirurgicale et qu'il pourrait le faire uniquement après avoir suivi des séances de réadaptation. Il a cependant ajouté ne pas souhaiter se faire opérer.

    L'employeur, Hai Yonge Enterprises, a confirmé que le prestataire avait été congédié parce que son mal de dos l'empêchait d'exécuter ses tâches de chef cuisinier. L'employeur n'a pas inscrit qu'il y avait eu un manque de travail.

    Un troisième certificat médical a été présenté le 11 août 2005, lequel indique que le prestataire pouvait faire des travaux légers après le 1er septembre 2004, mais qu'il ne pouvait pas travailler comme chef cuisinier. La Commission a examiné la demande de prestations de maladie du prestataire et déterminé que ce dernier n'avait toujours pas prouvé qu'il était incapable d'occuper un emploi convenable, tel que le précise l'alinéa 18b) de la Loi. La Commission a également déterminé que le prestataire n'était pas admissible à des prestations régulières, à partir du 30 août 2004, parce qu'il était incapable de travailler comme chef cuisinier et qu'il avait indiqué dans sa demande initiale qu'il n'accepterait aucun autre emploi que celui de chef cuisinier. La Commission a également conclu que le prestataire n'avait pas prouvé qu'il avait fait des demandes d'emploi depuis qu'il avait présenté sa demande.

    La Commission a imposé rétroactivement une inadmissibilité à partir du 31 août 2004. Il en est résulté un trop-payé de 10 997 $. La Commission a conclu que le prestataire avait fait sciemment une fausse déclaration en indiquant, dans sa demande, qu'il avait cessé de travailler à cause d'un manque de travail. La Commission a également conclu que le prestataire avait fait une fausse déclaration dans sa demande en affirmant qu'il était prêt et disposé à travailler comme chef cuisinier. La Commission a donné un avis de violation au prestataire, aux termes de l'article 7.1 de la Loi, et lui a imposé une pénalité de 154 $ pour avoir fait une fausse déclaration sur sa demande.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral. Il a soutenu que, bien que les médecins lui aient recommandé de ne plus effectuer le travail de cuisinier, il était tout de même disposé à le faire et s'était cherché un emploi dans un restaurant. Le représentant du prestataire a également signalé que le relevé d'emploi de ce dernier indiquait que celui-ci avait perdu son emploi en raison d'un manque de travail, et non qu'il avait été congédié. Le représentant du prestataire a ajouté que ce dernier avait cherché d'autres emplois où il aurait à travailler dans une cuisine, notamment à préparer les ingrédients et les aliments. M. Wong a également présenté au conseil un relevé de recherche d'emploi en chinois, accompagné de sa traduction anglaise, laquelle indique qu'il avait effectué une recherche de travail intensive pendant sa période de prestations. Le prestataire n'a pas contesté son inadmissibilité aux prestations de maladie lorsqu'il s'est présenté devant le conseil, mais seulement l'inadmissibilité aux prestations régulières qui a donné lieu au trop-payé. Le conseil a examiné l'argumentation du prestataire ainsi que celle de la Commission, et a rejeté l'appel du prestataire sur la question de la disponibilité. Cependant, le conseil a accueilli l'appel du prestataire concernant la pénalité et l'avis de violation. Sur la question de la disponibilité, le conseil a conclu ce qui suit :

    Le conseil a jugé que la capacité de travailler du prestataire était peut-être limitée pour des raisons médicales mais qu'il était capable d'exécuter au moins des tâches légères et qu'il est donc capable de travailler.

    Le conseil doit donc déterminer si le prestataire a fait des démarches suffisantes aux termes de la Loi pour trouver un emploi, démarches qui permettraient de prouver qu'il était disponible pour travailler au sens de la Loi.

    En rendant sa décision, le conseil a examiné la jurisprudence applicable, en particulier la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Cornelissen-O'Neill (A-652-93), qui précise que la Loi exige que le prestataire prouve qu'il était disponible pour travailler, exigence qui ne peut être ignorée; pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi, le prestataire doit chercher activement un emploi, même s'il lui semble raisonnable de ne pas le faire
    [...]

    Le conseil a jugé que le prestataire n'avait pas prouvé qu'il avait cherché activement un emploi.

    Le conseil n'a pas jugé crédible la preuve présentée par le prestataire concernant sa recherche d'emploi. Initialement le prestataire a dit à la Commission qu'il n'avait pas gardé trace des endroits où il avait présenté une demande et qu'il avait consulté les offres d'emploi de divers journaux chinois. Il n'avait même pas les coupures des journaux. Il a dit qu'il ne savait pas qu'il devait tenir une liste. Il n'a même pas pu se souvenir où il avait cherché du travail pendant la semaine de l'entrevue.

    Le prestataire a également dit qu'il avait cherché un emploi n'exigeant que des tâches légères, comme celui de préposé de terrain de stationnement.

    Toutefois, à l'audience, le prestataire a produit une longue liste écrite à la main des employeurs qu'il avait contactés pour trouver un emploi. Cette liste était en très bon état et semblait avoir été écrite au même moment avec le même stylo. Elle ne ressemblait pas à une liste établie au cours d'une année bien que le prestataire ait prétendu que c'était le cas. De plus, les entreprises contactées étaient toutes des restaurants et rien n'indiquait que le prestataire ait cherché un emploi de préposé de terrain de stationnement, par exemple.

    À l'audience, le prestataire a dit qu'il savait très bien qu'il devait tenir un relevé de sa recherche d'emploi car il avait présenté des demandes de prestations auparavant. Cela contredit l'information qu'il a donnée à la Commission dans son entrevue.

    Bien que le prestataire ait fait valoir que la communication avec l'enquêteur de la Commission avait été difficile pour des raisons linguistiques, le conseil ne trouve pas cette explication crédible. Le fils du prestataire vit chez ses parents, avec le prestataire, et il est capable de communiquer avec son père. De plus, le fils du prestataire parle suffisamment bien anglais comme en atteste le fait que c'est lui qui a aidé le prestataire à remplir les formulaires de demande et les autres formulaires nécessaires.

    Le prestataire, n'ayant pas montré qu'il avait cherché activement un emploi comme il était tenu de le faire, n'a pas prouvé qu'il était disponible pour travailler; le conseil en conclut qu'il n'était pas disponible pour travailler au sens de la Loi.

    Le prestataire interjette maintenant appel de la décision du conseil devant un juge-arbitre sur la question de la disponibilité. Dans son appel, le prestataire a invoqué l'alinéa 115(2)c) de la Loi, alléguant que le conseil avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le prestataire soutient que pour produire le relevé de recherche d'emploi, il avait copié les annotations qu'il avait faites sur un calendrier à la maison pendant sa recherche d'emploi, ce qui expliquait l'état impeccable de la liste présentée, et la raison pour laquelle elle avait été rédigée avec le même stylo. Le prestataire s'est présenté au bureau de RHDCC en septembre 2004 pour obtenir un formulaire sur lequel consigner ses démarches d'emploi. Il soutient qu'on lui a dit que ce n'était pas nécessaire et qu'il pouvait les consigner comme bon lui semblait. Le prestataire a ajouté au dossier qu'il a présenté au juge-arbitre des photocopies des pages de calendrier sur lesquelles il avait noté les employeurs qu'il avait contactés. Le prestataire explique également pourquoi il n'a pas indiqué sur son relevé de recherche d'emploi qu'il avait postulé un emploi de préposé de terrain de stationnement : il s'était simplement informé pour savoir qui contacter en passant dans un stationnement un certain après-midi. Se rendant compte que le préposé ne possédait pas cette information, il avait laissé tomber. En fait, il n'avait pas présenté de demande d'emploi à cet endroit.

    En ce qui concerne les contradictions observées par le conseil entre les renseignements que le prestataire a fournis à l'entrevue et ceux qu'il a fournis à l'audience (dans son témoignage et son argumentation), le prestataire affirme que les réponses consignées au moment de l'entrevue ne sont pas celles qu'il a données. Il soutient qu'une erreur de traduction ou de transcription a pu être commise. Il soutient avoir toujours su qu'il devait consigner ses demandes d'emploi, puisqu'il connaît bien le régime d'assurance-emploi, étant donné qu'il avait déjà touché des prestations par le passé. Le prestataire a répété que son fils avait une piètre connaissance du cantonnais, mais que ce dernier parlait couramment l'anglais. Le prestataire a en outre ajouté qu'il est difficile de traduire d'une langue à une autre, même pour une personne parlant couramment le cantonnais et l'anglais. Le prestataire a fait valoir que la décision CUB 18126 s'appliquait à la présente affaire. Dans cette décision, mon collègue, le juge Strayer, a conclu ce qui suit :

    S'il est vrai que, en règle générale, il est certainement sage de considérer avec scepticisme les déclarations faites au nom d'un prestataire après qu'il a reçu un avis d'inadmissibilité, quand les déclarations en question contredisent des déclarations faites avant le prononcé d'inadmissibilité, il est inapproprié de s'en tenir à cette façon d'aborder la question sans tenir compte des éléments particuliers de l'affaire. En l'espèce, il semble que le conseil n'ait pas tenu compte des problèmes de langue de la prestataire ni des différences culturelles qui avaient une incidence sur la situation quand il a fondé sa décision exclusivement sur les déclarations antérieures de la prestataire.

    J'ai examiné la décision du conseil ainsi que le contenu du dossier d'appel, et j'estime que la décision du conseil n'est pas raisonnable. Le conseil, lorsqu'il a déterminé que le relevé de recherche d'emploi n'était pas crédible, a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Le conseil n'a pas demandé au prestataire si le document présenté était bien l'original ou s'il avait consigné ses recherches ailleurs. Il a plutôt conclu que le relevé présenté avait été fabriqué de toute pièce à la dernière minute par le prestataire. J'estime que le conseil a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en rejetant sommairement le relevé de recherche d'emploi et qu'il a été trop exigeant à l'endroit du prestataire. Il n'y a rien dans les textes législatifs qui régit la présentation du relevé de recherche d'emploi. Le conseil a commis une erreur en voulant imposer un tel critère.

    En ce qui concerne les contradictions observées entre les renseignements fournis par le prestataire à l'entrevue et ceux qu'il a fournis dans son témoignage lors de l'audience, j'estime que les conclusions tirées par le juge Strayer dans la décision CUB 18126 s'appliquent directement à la présente affaire. Le conseil ne s'est pas penché sur la question de savoir si le fils du prestataire maîtrisait le cantonnais; il n'a pas conclu que le fils de seize ans du prestataire parlait couramment le cantonnais, mais il a simplement indiqué qu'il pouvait communiquer avec son père à la maison. À mon avis, le conseil n'a pas tenu compte des problèmes de langue du prestataire, et s'est fié exclusivement sur une traduction faite par un adolescent de seize ans dont les connaissances en cantonnais étaient limitées. Comme l'affirme le juge Strayer dans la décision CUB 18126 : « En l'espèce, il semble que le conseil n'ait pas tenu compte des problèmes de langue de la prestataire ni des différences culturelles qui avaient une incidence sur la situation quand il a fondé sa décision exclusivement sur les déclarations antérieures de la prestataire. »

    En l'espèce, le conseil a rendu sa décision en se fiant, entre autres, sur une traduction qui comportait peut-être des erreurs. Le conseil n'a donc pas rendu une décision raisonnable. Pour cette raison, je dois accueillir l'appel, en vertu de l'alinéa 115(2)c) de la Loi.

    Pour les raisons précédemment énoncées, l'appel est accueilli.

    Paul Rouleau

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 4 août 2006

    2011-01-16