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  • CUB 67043

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Danielle ARSENAULT

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 2 août 2005 à Baie-Comeau, Québec

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    La prestataire avait travaillé pour Cogeco Cable Canada Inc. du 18 février 2002 au 28 mai 2004 quand cet emploi cessa en raison d'une abolition de poste. Elle avait alors reçu une indemnité de départ de 13 682,25$. Elle avait aussi travaillé pour la Commission scolaire de l'Estuaire du 15 mai 1997 au 21 décembre 2004 quand elle fut mise à pied en raison d'un manque de travail. Elle présenta une demande de prestations le 22 mars 2005 et demanda que sa demande soit antidatée au 30 mai 2004. La Commission a conclu que la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle avait un motif valable justifiant son retard à soumettre sa demande de prestations et refusa d'antidater cette demande.

    La prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit son appel. La Commission en appela de la décision du conseil arbitral. Cet appel a été entendu à Baie-Comeau, Québec le 18 octobre 2006. La prestataire était présente.

    Dans sa demande d'antidate, la prestataire avait indiqué qu'elle avait tardé à présenter sa demande de prestations parce qu'elle avait reçu une indemnité de départ et croyait qu'elle devait attendre que les montants reçus soient écoulés avant d'avoir droit à des prestations d'assurance-emploi. De plus, elle avait continué de travailler à temps partiel pour la Commission scolaire de l'Estuaire jusqu'au 21 décembre et n'était donc pas en chômage. Elle avait aussi travaillé à son propre compte dans un projet qui s'était terminé en mars 2005. Elle savait donc qu'elle n'avait pas droit à des prestations et ne voyait pas l'utilité ou la pertinence de présenter une demande de prestations. Lorsqu'elle a déposé sa demande de prestations, la prestataire a découvert qu'elle n'avait pas accumulé, durant sa période de référence, le nombre d'heures d'emploi assurable pour faire établir une période de prestations. Elle a donc déposé sa demande d'antidate qui lui permettrait d'utiliser les heures d'emploi qu'elle avait accumulées avant le 30 mai 2004 afin de lui permettre de faire établir une période de prestations.

    Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire a souligné qu'elle ne plaidait pas l'ignorance mais plutôt qu'elle avait démontré, que durant la période de son délai, elle avait travaillé, s'était recherché un autre emploi et n'avait pas été en chômage. Elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû présenter une demande de prestations. Elle avait indiqué que son attitude en avait été une de gros bon sens et avait ajouté "c'est un peu comme cela dans la vie, les gens qui ne veulent pas abuser du système se font eux-mêmes abusés".

    La prestataire s'est présentée devant le conseil arbitral où elle a réitéré qu'elle savait qu'elle n'avait pas droit à des prestations pour les différentes raisons déjà énumérées et qu'elle n'avait pas, pour cette raison, déposé une demande de prestations. Elle a répété qu'elle considérait avoir agi comme une personne raisonnable et responsable.

    Le conseil arbitral a revu la preuve et les représentations et a accueilli l'appel de la prestataire pour les motifs suivants:

    "Le Conseil considère que la prestataire avait raison de croire qu'elle n'avait pas droit à des prestations compte tenu de ses revenus (salaires reliés à un emploi et à un travail autonome) et compte tenu de ces circonstances elle a agi comme une personne raisonnable en ne présentant pas sa demande de prestations immédiatement après la perte de son emploi chez Cogéco. De plus, le fait d'accorder l'antidation [sic] ne cause aucun préjudice à la Commission. Le Conseil appuie sa décision sur le texte de la jurisprudence cité à la pièce 802, 5e paragraphe."

    En appel, la Commission a soumis que le conseil arbitral avait erré en fait et en droit en décidant que la prestataire avait fait valoir un motif justifiant son retard à présenter sa demande de prestations aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi parce qu'elle avait négligé de s'informer de ses droits et obligations à l'égard d'une demande de prestations.

    Je reconnais que l'ignorance de la loi et de l'exigence de déposer immédiatement une demande de prestations ou le fait d'avoir reçu une prime de départ ainsi que l'espoir de pouvoir obtenir un emploi ne constituent pas, en soi, un motif valable pour un retard à présenter une demande de prestations. Par contre, la Cour d'appel fédérale a établi, dans Albrecht (A-172-85) que, même si le fait qu'un prestataire a omis de s'enquérir sur ses droits et obligations relativement à une demande de prestations, il est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances qui ont mené le prestataire à ne pas s'enquérir et déterminer s'il avait agi comme une personne raisonnable et qu'il s'agit là d'une appréciation au moins en partie subjective. Le juge Marceau écrivait:

    "A mon avis, lorsqu'un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un "motif valable" s'il réussit à démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi. Cela signifie que chaque cas doit être jugé suivant ses faits propres et, à cet égard, il n'existe pas de principe clair et facilement applicable; une appréciation en partie subjective des faits est requise, ce qui exclut toute possibilité d'un critère exclusivement objectif. Je crois cependant que c'est là, ce que le législateur avait en vue et c'est, à mon avis, ce que la justice commande."

    Il a aussi été déterminé que plusieurs facteurs doivent être pris en considération dans la détermination de la question du motif d'un retard à présenter une demande de prestations:

    Le conseil a pris toutes ces circonstances en considération pour arriver à sa conclusion que la prestataire avait agi comme une personne raisonnable.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96):

    "De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier."

    La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

    Dans la présente affaire, la décision du conseil est bien fondée sur la preuve soumise.

    En conséquence, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 21 novembre 2006

    2011-01-16