EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Claude LABBÉ
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 23 février 2006 à Ste-Foy, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le prestataire a déposé une demande initiale de prestations qui a pris effet le 13 novembre 2005. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée prenant effet le 13 novembre 2005.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit son appel. La Commission porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Québec, Québec le 19 octobre 2006. Le prestataire était présent.
Dans sa demande de prestations, le prestataire avait indiqué que son emploi avait cessé en raison d'un congé de maladie. Il avait ajouté que son patron lui avait reproché de ne pas l'avoir averti de son absence.
L'employeur avait indiqué sur le relevé d'emploi que le prestataire avait été congédié. L'employeur avait expliqué qu'une enquête avait révélé que le prestataire avait, à plus d'une reprises, rapporté s'être rendu chez des clients alors que ce n'était pas le cas et qu'il avait demandé des remboursements de dépenses pour des visites où il ne s'était pas présenté.
Le prestataire avait expliqué que, suite à une visite chez son médecin, il ne se sentait pas bien et était retourné chez-lui. Il avait, par contre, communiqué avec au moins six clients qu'il n'avait pas pu visiter. Il a reconnu avoir demandé un remboursement pour des frais de transport d'environ 20 km. Le prestataire avait remis un certificat médical confirmant sa visite chez son médecin et le fait qu'il était en arrêt de travail pour quatre semaines.
Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, le prestataire a fourni de plus amples explications au sujet des visites chez des clients qu'il n'avait pas pu faire tel que prévu en raison de sa visite chez son médecin mais confirme qu'il avait communiqué avec ces clients par téléphone. Quand il a tenté d'expliquer la situation à son employeur, on n'a rien voulu entendre. Le prestataire a aussi expliqué qu'il recevait une allocation mensuelle de 350,00$ pour l'utilisation de son auto quelles que soit les distances parcourues. Il devait quand même remettre les détails de ses déplacements mais ceci n'affectait en rien le montant qui lui était versé. Il a donc soumis que le fait qu'il avait fourni un rapport de déplacement pour un contact par téléphone dans les circonstances de la journée en question n'était nullement frauduleux ou malhonnête.
Le prestataire a aussi ajouté qu'il devait subir une intervention chirurgicale et qu'il serait absent pour quelques semaines durant lesquelles il avait quand même droit à ses commissions et ses bénéfices d'assurance-groupe payés par l'employeur. Il était d'avis que son congédiement était en fait une abolition de poste déguisée et que son état de santé en était la cause. Il n'avait pas été remplacé. Le prestataire avait fourni un bon nombre de documents à l'appui de ses explications.
Le prestataire s'est présenté devant le conseil et a répété les explications qu'il avait déjà fournies. Le conseil a revu la preuve ainsi qu'une jurisprudence pertinente et a conclu que les gestes reprochés au prestataire n'impliquaient pas le caractère délibéré ou volontaire ou ne résultait pas d'une insouciance telle à frôler le caractère délibéré qui doit exister pour constituer une inconduite au sens de l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi tel qu'interprété dans la jurisprudence (Tucker (A-381-85)). Le conseil a aussi souligné que le fait qu'un employeur soit d'avis que les gestes d'un employé constituent de l'inconduite n'est pas suffisant pour en arriver à la conclusion que ces gestes démontrent une inconduite au sens de la Loi et qu'il doit y avoir une preuve d'inconduite (Fakhari (A-732-95)). Le conseil a accueilli l'appel du prestataire.
En appel, la Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en concluant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite parce que le conseil n'avait pas pris en considération les raisons de congédiement fournies par l'employeur dans la lettre de congédiement.
Le conseil avait en effet revu toute la preuve au dossier ainsi que le témoignage du prestataire lors de l'audience et a conclu que l'employeur ou la Commission n'avait pas établi que la conduite du prestataire pouvait constituer de l'inconduite au sens de la Loi.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96) :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »
La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »
Et dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».
Dans la présente affaire la décision du conseil est compatible à la preuve au dossier. Le prestataire avait fourni des explications pour les gestes reprochés qui n'ont pas été réfuté par l'employeur.
Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 21 novembre 2006