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  • CUB 67243

    EN VERTU DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à la demande de prestations faite par
    LALLA HAIDARA

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté par la Commission auprès d'un juge-arbitre à l'encontre d'une décision d'un Conseil arbitral rendue le 13 octobre 2005 à Montréal, Québec.

    DÉCISION

    A. Gobeil, juge-arbitre

    La Commission en appelle d'une décision d'un conseil arbitral renversant celle qu'elle avait prise à l'endroit de la prestataire à l'effet que sa demande de prestations ne pouvait débuter le 13 mars 2005 parce qu'elle n'avait pas établi que du 13 mars 2005 au 13 août 2005, elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande. Sa demande débutait donc à partir du 14 août 2005.

    La décision arbitrale repose sur des faits que le conseil exprime ainsi :

    « À l'audience l'appelante a déclaré qu'elle est arrivée au Canada en juillet 2003. Son emploi avec Cause Canada était le premier emploi. En plus cet emploi était à l'extérieur du pays. Elle n'avait reçu aucun bordereau pour ses salaires. Elle ne savait pas avoir cotisé de l'assurance-emploi. C'est seulement à son retour au Canada, en se présentant à Emploi-Québec qu'on l'a référée au centre local d'emploi Canada où elle a appris qu'elle devait avoir le relevé d'emploi et c'est seulement le 19 août 2005 qu'elle a obtenu le relevé d'emploi de son employeur (p.3). »

    Et le conseil conclut :

    « Dans les circonstances, le Conseil estime que l'appelante a pris toutes les mesures d'une personne raisonnable. Le Conseil juge que c'est un cas exceptionnel et accueille l'appel UNANIMEMENT. »

    Je ne saurais trouver d'erreur de faits ou de droit dans cette décision qui m'apparaît raisonnable vu les faits particuliers et exceptionnels que comporte cette affaire.

    Au soutien de ses prétentions, la Commission invoque l'arrêt Daniel Beaudoin, A-341-04, a l'effet que la bonne foi et l'ignorance de la loi ne peuvent constituer un motif valable justifiant l'antidatation d'une demande de prestations.

    Elle énumère ensuite plusieurs décisions à l'effet que le fait de procéder à des recherches d'emplois en épuisant ses économies avant de demander d'avoir recours à des prestations d'assurance-emploi, bien que louable, ne constitue pas une justification au retard de demande de prestations.

    Enfin la Commission plaide que le retard dans l'obtention du relevé d'emploi, qu'elle a obtenu le 19 août 2005, ne constitue pas non plus une justification au retard d'autant plus que la prestataire n'aurait fait aucune démarche pour l'obtenir plus tôt.

    Je considère que ces prétentions et cette jurisprudence ne sauraient s'appliquer au présent cas qui est tout à fait particulier.

    La preuve révèle donc, que la prestataire est arrivée au Canada en juillet 2003 et que son premier emploi a été pour Cause Canada, un organisme caritatif, du 15 septembre 2004 au 15 mars 2005. Elle est embauchée à titre de stagiaire. Le contrat est de six mois. Avant cette date, la prestataire n'avait aucune expérience de travail au Canada, donc aucune nécessité ou obligation de connaître les lois applicables à la situation de travail, dont celle concernant l'assurance-emploi. (Mon souligné).

    Selon le contrat (P. 9-1) sa rémunération consiste dans une allocation de 7,125$ en dollars canadiens, payable durant son stage en 6 paiements mensuels de 1,000$ et un paiement final de 1,125$ après avoir, de façon satisfaisante, complété son rapport final. S'y ajoutent différents bénéfices au logement, à la couverture d'assurance-maladie, ect.

    Durant son travail, elle ne reçoit aucun bordereau de salaire. Qu'elle ne s'en préoccupe pas peut dénoter de l'inexpérience ou de la naïveté mais ce ne saurait lui être reproché dans le cadre sous étude.

    Elle ne sait pas si elle paie une cotisation pour l'assurance-emploi. Le relevé d'emploi indique la somme de 7,148$ comme rémunération totale pour les six mois de stage, ce qui constitue, à quelques dollars près le rémunération brute convenue, voire un peu plus. Il n'y a donc aucun indice de ce coté. La Commission n'a fait aucune preuve sur le mode de paiement de la rémunération de la prestataire. De toute façon elle ignore alors complètement l'existence d'un tel régime et ses conditions. Cela ne peut lui être reproché dans le contexte particulier qui est le sien.

    À son retour au pays, vu la situation précédemment décrite, la prestataire se cherche un emploi en puisant dans ses économies. Il est important de noter qu'une fois ses économies épuisées elle s'adresse à un organisme provincial, Emploi-Québec, plutôt qu'à l'organisme fédéral responsable de l'application de l'assurance-emploi. Cela illustre sa méconnaissance et son ignorance des recours à sa disposition lorsqu'elle est en chômage, à la suite de son premier emploi en dehors du pays. Par contre, dès qu'elle connaît la bonne ressource, elle y recoure sans délai.

    Dans ce contexte tout à fait particulier je ne peux arriver à d'autre conclusion que celle voulant que la prestataire a agi en personne honnête et responsable.

    L'ignorance de la loi que l'on peut opposer à une demande de prestations, suppose d'abord que l'on sache qu'une loi existe, et que le sachant, on néglige de voir quels sont les droits et obligations qui s'en dégagent alors que cette loi nous concerne ou est susceptible de nous concerner en raison de sa pertinence à notre état.

    Il faut aussi que le fait d'ignorer la loi ne naisse pas de l'indifférence ou de la négligence personnelle ou par manque de volonté ou par insouciance à son égard, mais bien d'une situation exceptionnelle telle qu'elle permet et explique cette ignorance. Comment une jeune personne récemment émigrée, à qui est offert un premier travail, à l'extérieur du pays par surcroît, peut-elle dans le contexte connu être tenue responsable, dans la matière qui nous concerne, de ne pas connaître les droits et les obligations qui sont les siens dans le cadre de la loi sur l'assurance-emploi.

    C'est ici la situation dans laquelle le conseil arbitral a considéré que se trouvait la prestataire et qui fait en sorte qu'elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande.

    EN CONSÉQUENCE DE CE QUI PRÉCÈDE, j'arrive à la conclusion que la décision arbitrale est raisonnable et exempte d'erreurs en faits et en droit.

    EN CONSÉQUENCE, l'appel de la Commission est rejeté.

    Albert Gobeil

    Juge-arbitre

    Montréal, province de Québec.
    Le 8 novembre 2006

    2011-01-16