• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 67299

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande présentée par
    BARINDER KALKAT

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi du Canada, à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Burnaby (Colombie-Britannique) le 1er novembre 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre PAUL ROULEAU

    La Commission de l'assurance-emploi du Canada appelle de la décision rendue par le conseil arbitral, lequel a conclu que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi.

    Mme Kalkat a présenté une demande d'assurance-emploi le 11 juillet 2005 (pièce 2). Le relevé d'emploi joint à sa demande indiquait qu'elle avait travaillé comme ouvrière non qualifiée jusqu'au 8 juillet 2005, date à laquelle elle avait quitté volontairement son emploi (pièce 3). La prestataire a avisé la Commission qu'elle avait quitté son emploi parce qu'elle n'avait plus aucune famille ni aucun soutien à Edmonton depuis que son conjoint l'avait quittée, et qu'elle était seule pour élever ses deux filles. Elle a expliqué qu'elle avait trois frères et deux soeurs qui vivaient à Abbotsford et qu'ils l'avaient encouragée à déménager là-bas de manière à ce qu'ils puissent les aider, elle et ses filles. Sa belle-soeur lui avait promis de l'aider à trouver un emploi et ses enfants voulaient déménager pour se rapprocher de leurs cousins, qui allaient à l'école là-bas (pièce 4).

    S'appuyant sur l'information dont elle disposait, la Commission a déterminé que la prestataire n'était pas fondée à quitter volontairement son emploi, parce qu'elle n'avait pas démontré qu'il n'y avait pas d'autre solution raisonnable pour elle dans les circonstances. La Commission estimait que la prestataire avait fait un choix personnel en décidant de déménager en Colombie-Britannique et qu'il y avait une autre solution, plus raisonnable, soit celle de demander un congé non payé jusqu'à ce qu'elle trouve un emploi à plein temps à Abbotsford. Elle lui a par conséquent imposé une exclusion de durée indéterminée, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    La prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant un conseil arbitral, lequel a accueilli son appel, pour les raisons suivantes :

    PREUVE PRÉSENTÉE À L'AUDIENCE
    L'audience a eu lieu par téléphone et la prestataire était représentée par Gurcharan Dhillon, qui lui a servi d'interprète. Aucun nouvel élément de preuve n'a été présenté.

    En réponse à une question concernant l'aide qu'avait promis de lui apporter sa belle-soeur pour trouver un nouvel emploi en Colombie-Britannique, la prestataire a révélé les faits suivants :
    a) Chamo Kang (sa belle-soeur) l'avait présentée à trois employeurs potentiels à Abbotsford peu après qu'elle (la prestataire) soit déménagée d'Edmonton.

    b) Une ou deux semaines plus tard, l'un d'entre eux, propriétaire d'une champignonnière à Abbotsford, lui avait offert un emploi.

    c) Avant même d'avoir pu commencer à ce nouvel emploi, la prestataire a dû se rendre en Inde au chevet de son père, gravement malade.

    d) Dès son retour de l'Inde, le 27 août 2005, elle est retournée voir l'employeur en question, qui l'a embauchée 5 jours plus tard.

    CONSTATATION DES FAITS, APPLICATION DE LA LOI
    La seule question en litige est de savoir si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    La Loi dit que le départ volontaire est fondé dans certaines circonstances.

    Le conseil tient pour avéré que la prestataire avait « l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat », aux termes des dispositions du sous-alinéa 29c)(vi). La promesse que lui avait faite sa belle-soeur de lui trouver un emploi est étayée par le témoignage de la prestataire à l'audience, selon lequel un employeur était prêt à l'embaucher en dépit du fait qu'elle se soit absentée deux mois immédiatement après qu'il lui eut fait une première offre. La prestataire occupe toujours l'emploi que sa belle-soeur l'a aidée à trouver.

    [traduction]

    La Commission interjette maintenant appel devant le juge-arbitre, au motif que le conseil arbitral a commis une erreur de droit et de fait en concluant que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi. La Commission soutient que ce dernier a effectivement erré, d'une part en ne cherchant pas à déterminer s'il y avait d'autres solutions raisonnables pour la prestataire dans les circonstances, que de donner sa démission, et d'autre part, en établissant que celle-ci avait « l'assurance raisonnable d'obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat », du simple fait que sa belle-soeur avait promis qu'elle l'aiderait à trouver un emploi. La Commission soutient qu'il n'existe aucune preuve que la prestataire ait reçu une offre d'emploi quelconque d'un employeur potentiel avant de quitter l'emploi qu'elle avait à Edmonton, le 8 juillet 2005. Elle soutient que la prestataire a quitté son emploi pour déménager à Abbotsford parce qu'elle voulait se rapprocher de sa famille et que, s'il s'agit là d'une excellente raison personnelle, cela ne constitue pas une justification au sens de la Loi et de la jurisprudence.

    La prestataire a fait parvenir au Bureau du juge-arbitre une lettre datée du 19 octobre 2006, dans laquelle elle indique qu'elle ne sera pas présente à l'audience et demande au juge-arbitre de rejeter l'appel de la Commission.

    J'estime qu'il y a lieu de maintenir la décision du conseil et je la confirme par les présentes, pour les raisons suivantes. La Loi sur l'assurance-emploi ne définit pas le terme « justification », mais elle fournit à l'alinéa 29c) certains exemples ou certaines situations qui peuvent justifier un prestataire de quitter son emploi. Cette liste n'est toutefois pas exhaustive et c'est pourquoi le conseil arbitral et le juge-arbitre doivent examiner toutes les circonstances de l'affaire dont ils sont saisis pour déterminer si le prestataire avait une justification pour quitter son emploi. La définition de « justification » relève du droit, mais cette définition n'est pas si précise qu'elle permette toujours de déterminer avec certitude si le prestataire était ou non fondé à quitter son emploi; par conséquent il arrive que la question soit tranchée dans un sens ou dans l'autre, sans pour autant que cela aille à l'encontre du principe de droit dont relève la notion de justification (Tanguay c. C.E.I.C., [1985] A.C.F. N° 910 (C.A.F)).

    En l'espèce, il s'agit de circonstances particulières qui pourraient être considérées comme une justification. En effet, la prestataire est une mère monoparentale qui a à sa charge deux fillettes âgées respectivement de 8 et 13 ans, et que son conjoint a abandonnée alors qu'elle était enceinte de sept mois et portait leur deuxième enfant. Elle n'avait aucun soutien familial à Edmonton sur lequel elle pouvait compter, mais elle avait par contre de la famille à Abbotsford qui s'offrait à l'aider à élever ses enfants.

    Puis-je ajouter que quoi qu'il en soit, même si j'accueillais l'appel de la Commission, cela ne changerait rien au fait que la prestataire n'aurait pas été admissible au bénéfice des prestations, car après avoir déménagé et présenté une demande de prestations, Mme Kalkat était assujettie à une période de carence de deux semaines. Or la prestataire est alors partie pour l'Inde, où elle a séjourné deux mois, et dès son retour elle a trouvé un emploi à plein temps. Par conséquent il est clair qu'elle n'aurait eu droit à aucune prestation durant la période en question.

    L'appel est rejeté.

    Paul Rouleau

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 24 novembre 2006

    2011-01-16