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  • CUB 67492

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Ryad HASSANI

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 13 avril 2006 à Montréal, Québec

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    Le prestataire a travaillé pour Sitel Canada du 12 octobre 2004 au 18 novembre 2005. Le 31 janvier 2006, il présenta un demande de prestations qui fut établie prenant effet le 29 janvier 2006. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée à compter du 29 janvier 2006.

    Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Montréal, Québec le 22 novembre 2006. Le prestataire était présent.

    Le motif de congédiement fourni par l'employeur était que le prestataire s'était absenté et n'avait pas fourni la preuve documentaire du motif de son absence tel que requis par la politique de l'employeur. L'employeur avait indiqué que le prestataire n'avait pas envoyé de message électronique expliquant la prolongation de son absence et qu'il n'avait pas laissé de message téléphonique.

    Le prestataire avait, pour sa part, expliqué qu'il avait reçu un message que son grand-père se mourrait en Algérie. Il s'était rendu au travail mais n'avait pas pu parler à un de ses supérieurs car ils étaient tous en réunion. Il avait alors acheté son billet d'avion pour se rendre en Algérie. Il avait parlé avec son gérant et lui avait expliqué la situation et indiqué qu'il serait parti pour au moins 15 jours et peut-être plus. Le gérant lui aurait dit qu'il pouvait partir et lui aurait demandé de fournir des nouvelles en laissant un message par téléphone ou courriel. Le gérant n'avait pas indiqué que le prestataire aurait à fournir un document justifiant son absence. Le prestataire a par la suite reconnu qu'il avait reçu une copie de la politique de l'employeur mais a déclaré qu'il ne l'avait pas toute lue. Il s'agissait d'un document de plusieurs pages.

    Une fois en Algérie, le prestataire n'avait pas pu envoyer de message électronique compte tenu de la distance pour accéder à ce service. Il a ajouté qu'il avait laissé un message téléphonique quelques jours avant Noël avisant que son que son grand-père était décédé, que les funérailles auraient lieu en janvier et que la succession serait alors réglée. Par après, il avait laissé un autre message indiquant qu'il n'avait pas pu se trouver un billet de retour avant le 19 janvier 2006. Le prestataire avait éventuellement fourni un acte de décès attestant du décès de son grand-père le 28 novembre 2005.

    La directrice des ressources humaines de l'employeur avait indiqué à la pièce 5-1 qu'il n'était pas impossible qu'un message téléphonique soit parfois manqué.

    Le prestataire s'est présenté devant le conseil arbitral et a réitéré les explications qu'il avait déjà fournies à l'effet qu'il avait discuté de son départ avec son gérant qui lui aurait dit d'envoyer une message, ce qu'il a maintenu avoir fait. Il ajoute qu'à son retour, il avait d'abord offert un acte de décès rédigé en Arabe mais que l'employeur avait exigé un document en français ou en anglais, ce qui avait requis du temps à obtenir.

    Le conseil arbitral a revu la preuve et a accueilli l'appel du prestataire pour les motifs suivants:

    "Les faits présentés au dossier et les preuves présentées par l'appelant à l'audience démontrent que l'appelant avait des motifs raisonnables pour s'absenter de son travail et de prolonger son séjour dans son pays. Le Conseil arbitral conclut que le témoignage de l'appelant est crédible. Dans les circonstances, même les règlements internes « parachute » de la compagnie lui donnent raison de s'absenter et prolonger son séjour dans sa famille dans le cas du décès de son grand-père.

    DÉCISION
    Le Conseil arbitral conclut que les gestes posés par l'appelant, soit de s'absenter pour une longue période dans le cas du décès de son grand-père, ne constituent pas des gestes d'inconduite. Le Conseil arbitral est d'avis que l'appelant avait des motifs raisonnables de s'absenter de son emploi et la prolongation de son séjour était justifiée."

    En appel, la Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en décidant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a soumis que le geste reproché au prestataire n'était pas de s'être absenté mais plutôt de ne pas avoir communiqué avec l'employeur durant la prolongation de son absence et de ne pas avoir fourni une preuve documentaire confirmant la raison de son absence.

    Le prestataire avait maintenu avoir obtenu la permission de s'absenter et avait laissé deux messages téléphoniques à l'égard de la raison de la prolongation de son absence. La directrice des ressources humaines de l'employeur avait reconnu qu'il était possible que des messages téléphoniques soient perdus. Le prestataire avait indiqué qu'il ne savait pas lors de son absence qu'il avait à fournir un document justificatif mais qu'il en avait plus tard obtenu un. La politique de l'employeur prévoyait qu'un employé pouvait bénéficier d'un congé allant jusqu'à douze semaines dans la situation de maladie ou décès d'un membre de sa famille. Il n'a pas été contesté que le prestataire rencontrait les conditions pour pouvoir bénéficier d'un tel congé. Le conseil pouvait accepter le témoignage du prestataire à l'effet qu'il avait laissé deux messages téléphoniques puisque l'employeur avait reconnu qu'il était possible que des messages soient perdus.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96):

    "De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier."

    La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne en plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait:

    "Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité."

    Et dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite "à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier".

    Dans la présente affaire la décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier. Le prestataire avait indiqué qu'avant son départ, il avait fourni à son gérant le motif de son absence et qu'il avait par la suite laissé des messages téléphoniques tel que son gérant lui avait dit de faire. Après son retour, à la demande de l'employeur il avait obtenu et fourni le document justificatif requis. Il s'agissait là d'une preuve sur laquelle le conseil arbitral pouvait fonder sa décision à l'effet que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

    Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.

    La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 15 décembre 2006

    2011-01-16