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  • CUB 67679

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Bartosz JARGULINSKI

    et

    d'un appel interjeté par l'employeur, Common Sense Automotive Inc., à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Hamilton (Ontario) le 15 mai 2006

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour Common Sense Automotive Inc. du 3 août 2004 au 27 janvier 2006. Il a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi le 30 janvier 2006, laquelle a pris effet le 29 janvier 2006. La Commission a déterminé que le prestataire avait démontré qu'il était fondé à quitter son emploi et il a informé l'employeur de sa décision.

    L'employeur a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a rejeté l'appel à l'unanimité. L'employeur a ensuite interjeté appel de la décision du conseil. Cet appel a été instruit à Hamilton (Ontario) le 19 janvier 2007. Le prestataire et l'employeur ont assisté à l'audience. Ce dernier était représenté par M. John Moran.

    Le prestataire travaillait pour l'employeur à titre d'apprenti mécanicien. Il a déclaré qu'on lui avait dit qu'il accomplirait toutes sortes de travaux sur les véhicules, c'est-à-dire qu'il ferait, notamment, des réparations de moteur, des réparations de matériel électrique et des diagnostics. Au départ, on lui a assigné ce genre de travaux, mais il a ensuite eu des différends avec son employeur au sujet de questions personnelles, et ses tâches ont alors été modifiées. On ne lui donnait plus à faire que des travaux de moindre importance, comme nettoyer l'atelier et faire des vidanges d'huile. Il avait l'impression de ne plus rien apprendre et voulait trouver un autre emploi qui allait lui permettre de continuer d'acquérir les connaissances nécessaires pour devenir un technicien de l'automobile. Il jugeait que l'employeur avait apporté des modifications importantes à ses tâches. Il a ajouté qu'il avait tenté de discuter du problème avec son employeur, mais que ce dernier l'évitait constamment.

    L'employeur a déclaré que le prestataire avait été embauché à titre d'aide-mécanicien, mais qu'il avait ensuite été promu à un poste d'apprenti. Selon l'employeur, le prestataire ne s'est pas montré à la hauteur lorsqu'on lui a demandé d'accomplir des travaux importants sur les voitures. L'employeur a embauché deux mécaniciens diplômés de sorte que le prestataire n'avait plus que des tâches de moindre importance à accomplir.

    Le prestataire et l'employeur se sont présentés devant le conseil. L'employeur a indiqué que lorsque le prestataire avait été embauché, on lui avait dit qu'il devrait accomplir diverses tâches dans l'atelier, et qu'il devrait entre autres faire du ménage et des vidanges d'huile. Au départ, le prestataire s'est vu confier des travaux plus importants, mais la situation a changé après l'embauche d'un autre mécanicien diplômé. L'employeur a insisté sur le fait qu'il avait toujours été disponible pour discuter avec le prestataire, en cas de problème.

    Le prestataire a pour sa part de nouveau fait état des renseignements consignés au dossier d'appel.

    Le conseil a examiné la preuve et déterminé que le prestataire était devenu un apprenti inscrit en août 2005, et qu'on lui avait au départ confié plusieurs tâches exigeant des connaissances mécaniques. La situation a changé lorsque l'employeur a embauché un autre mécanicien diplômé. Le conseil a conclu que les tâches du prestataire avaient été modifiées de façon importante, et que ce dernier était donc fondé à quitter son emploi aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi. Le conseil a rejeté l'appel de l'employeur.

    Pendant l'audience d'appel, l'employeur a soutenu que le conseil arbitral avait commis une erreur en établissant les faits. Il a déclaré que lorsque le prestataire avait été embauché, on lui avait dit qu'il devrait accomplir diverses tâches dans l'atelier, et il a affirmé que les fonctions du prestataire n'avaient pas changé. Il a soutenu que la décision du prestataire de démissionner était fort probablement liée au fait qu'on lui avait dit que son épouse ne pouvait plus venir dîner à l'atelier. Il a également déclaré que le prestataire avait commis plusieurs erreurs en réparant les voitures. Il a souligné qu'il avait beaucoup appris au prestataire, qui aurait dû trouver un autre emploi avant de quitter celui qu'il occupait.

    Le prestataire a nié avoir fait plusieurs erreurs lorsqu'il travaillait pour l'employeur. Il a répété que des modifications importantes avaient été apportées à ses tâches, et qu'il n'apprenait plus rien dans le cadre de son programme d'apprentissage. Il a ajouté qu'il avait cherché un autre emploi avant de démissionner et qu'il avait finalement trouvé un autre poste, qu'il occupait depuis six mois. Il a précisé que le fait qu'on lui ait dit que sa femme ne pouvait plus venir à l'atelier n'avait rien à voir avec sa décision de quitter son emploi.

    Comme le conseil arbitral a, selon la Commission, fondé sa décision sur la preuve qui lui a été présentée et sur les dispositions pertinentes de la Loi sur l'assurance-emploi, telles qu'elles sont interprétées dans la jurisprudence, la Commission a soutenu que l'appel de l'employeur devait être rejeté.

    Pour déterminer si un prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification, il faut avant tout, et ce, quelles que soient les circonstances, examiner et établir les faits. La jurisprudence a établi hors de tout doute que le conseil arbitral est la principale instance qui doit juger des faits dans les affaires ressortissant à l'assurance-emploi.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a indiqué ce qui suit :

    « Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-chômage se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.
    [...]
    De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. »

    En outre, dans l'arrêt Ash (A-115-94), la juge Desjardins s'est exprimée ainsi :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    Enfin, plus récemment, dans l'affaire Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle du juge-arbitre se limitait à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec la preuve portée à la connaissance du conseil.

    En l'espèce, le conseil a rendu une décision qui est tout à fait compatible avec la preuve qui lui a été présentée, et qui a permis d'établir que les tâches que devait accomplir le prestataire dans le cadre de son programme d'apprentissage avaient été modifiées de façon importante. Le prestataire avait l'impression de ne plus rien apprendre, et il a décidé de démissionner de façon à pouvoir trouver un autre emploi, qui allait lui permettre de poursuivre son programme d'apprentissage.

    L'employeur n'a pas démontré que le conseil avait commis une erreur en rendant sa décision.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 31 janvier 2007

    2011-01-16