EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Michel DOLBEC
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un Conseil arbitral rendue le 12 janvier 2007, à Montréal, QC
DÉCISION
M.E. Lagacé, juge-arbitre
La Commission interjette appel de la décision unanime du Conseil arbitral qui rescinde sa décision ayant pour effet de déclarer le prestataire inadmissible aux prestations au motif que la perte de son emploi résulte de sa propre inconduite selon les articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.
Le prestataire est présent et est entendu lors de son appel devant le Conseil arbitral; tandis que l'employeur, bien que convoqué, ne se présente pas. Lors de l'audition de l'appel par le juge-arbitre soussigné, le prestataire est présent et est entendu.
Question en litige
Est-ce que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite?
Information en dossier
L'employeur indique avoir congédié le prestataire à cause de ses absences lors de périodes de pointe stratégique et son attitude face au personnel. Il lui reproche plus précisément d'avoir omis de se présenter au travail, du 16 février au 18 février 2005, nuisant ainsi au bon fonctionnement de la cuisine et de l'auberge dont il était le chef et au climat de travail, vu l'obligation de la brigade de la cuisine de devoir compenser pour son absence.
Le prestataire pour sa part déclare s'être présenté au travail le 16 février, contrairement à ce que déclare l'employeur; et il a profité de sa présence ce jour-là pour laisser une note à l'employeur pour lui réclamer une rencontre pour discuter avec lui de la situation.
L'employeur déclare pour sa part que le prestataire n'a pas demandé à le rencontrer, se fiant pour affirmer ainsi sur une vérification auprès de son directeur d'opération qui n'aurait pas reçu une telle demande de rencontre. Toutefois la demande de rencontre par le prestataire a été laissée dans le casier de l'employeur, et non pas dans celui du directeur d'opération.
Preuve à l'audience
Lors de l'audience, l'appelant réitère les faits mentionnés dans sa déclaration au dossier : Il s'est présenté au travail le 16 février et dépose dans le « pigeonnier » (casier) de l'employeur une note lui demandant une rencontre. À sa grande surprise, il constate plus tard que la note est revenue dans son « pigeonnier » sans aucune indication.
Faute de pouvoir obtenir une rencontre avec l'employeur dans le but de clarifier l'atmosphère de travail, le prestataire décide de prendre congé les 17 et 18 février. Avant de quitter, il informe toutefois la réceptionniste qu'il prend congé ces jours-là, en avise son cuisinier et prend les mesures nécessaires avec sa brigade pour que les opérations continuent sans lui.
Par la suite, il reçoit la lettre de congédiement de l'employeur.
Décision du Conseil arbitral
Après avoir entendu le prestataire, le Conseil conclut à la constance de ses dires et qu'il n'a pas agi de façon insouciante ou délibérée mais bien dans le but de régler une situation dérangeante entre l'employeur et la brigade sous les ordres du prestataire.
Après avoir déploré l'absence de l'employeur et l'impossibilité pour le Conseil de peser la crédibilité de sa déclaration écrite, le Conseil note une contradiction entre la lettre de congédiement de l'employeur, où celui-ci déclare avoir congédié le prestataire pour défaut de se présenter au travail les 17 et 18 février sans aviser, alors que dans une conversation téléphonique l'employeur déclare que le prestataire s'est absenté du travail pour plus de trois jours.
Cette contradiction devient importante puisqu'elle porte sur les jours d'absence qui motivent l'employeur à congédier le prestataire. De plus, si l'employeur parle dans sa lettre de congédiement d'absences en périodes stratégiques, il ne contredit pas par ailleurs la version du prestataire à l'effet qu'il pouvait prendre congé, en s'assurant comme il l'a fait, que sa brigade prenait la relève. Et s'il a pris congé ces jours-là, c'était pour susciter une rencontre avec l'employeur dans le but d'éclaircir la situation dérangeante créée par l'employeur parmi la brigade de la cuisine dirigée par le prestataire.
Notons de plus que si l'employeur déclare que l'appelant n'a pas demandé à le rencontrer, il est permis de se demander qui, autre que lui, pourrait avoir retourné au prestataire sa demande de rencontre laissée dans le « pigeonnier » de l'employeur.
Et s'il est exact que le prestataire prenait des congés occasionnels après d'être assuré que la brigade prenait la relève, ce qui n'est pas contredit, pourquoi lui en faire soudainement un reproche et le congédier? Si de plus l'employeur était si insatisfait de voir le prestataire s'absenter ainsi depuis plusieurs mois, pourquoi alors lui avoir consenti une augmentation salariale de 10 000 $ par année six mois avant les faits reprochés?
Conclusion
Prouver l'inconduite d'un employé c'est établir qu'il s'est comporté autrement qu'il n'aurait dû. Or, ici le prestataire déclare avoir pris congé comme il avait le droit de le faire, mais cette fois là avec le but précis de susciter une rencontre avec l'employeur. Non seulement l'employeur n'a pas répondu à cette attente mais il a congédié le prestataire sans avis préalable et sans lui donner l'occasion de s'expliquer.
Considérant l'ensemble de la preuve et le fait que l'employeur a choisi de ne pas être présent pour soutenir ses prétentions, on ne saurait reprocher au Conseil d'avoir conclu comme il l'a fait et d'avoir ajouté foi à la version du prestataire. Chose certaine, sa décision est loin d'être déraisonnable et ne justifie pas une intervention du soussigné.
Au contraire, après avoir accordé foi à la version du prestataire, voulant qu'il avait droit de prendre congé et qu'il avait agi ainsi sans reproche dans le passé, le Conseil pouvait se demander pourquoi le fait pour lui d'exercer aujourd'hui ce droit, dans le but de provoquer une rencontre avec l'employeur, lui vaudrait soudainement un congédiement sans avis ou reproche préalable et le droit d'être entendu? On voit par cette question, que le Conseil pouvait se poser même s'il ne l'a pas exprimé de cette façon, qu'il ne pouvait décider autrement qu'il l'a fait.
En conséquence, je rejette l'appel de la Commission.
« Maurice E. Lagacé »
JUGE-ARBITRE
Montréal (Québec)
Le 31 mai 2007