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  • CUB 68645

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    DENNIS WHALEN

    et

    d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue le 10 août 2006 à Gander (T.-N.-L.)

    DÉCISION

    Le juge-arbitre David G. Riche

    Il s'agissait en l'espèce de déterminer si le prestataire était fondé à quitter son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières qui a pris effet le 21 septembre 2003, et il a touché des prestations dans le cadre d'une demande continue. On a subséquemment appris qu'il avait quitté l'emploi qu'il occupait au sein d'une entreprise de camionnage du nom de Southport Products Ltd. (SPL) parce qu'il considérait que l'employeur ne le traitait pas bien. Le prestataire a déclaré que lorsqu'il travaillait pour cette entreprise à titre de camionneur, il devait assumer lui-même ses frais de repas et d'hébergement, et il a ajouté que l'employeur ne lui avait donné que 200 $US et 40 $CAN pour les dépenses liées au camion quand il s'était rendu aux États-Unis. Il a dit qu'en Ontario, il avait manqué d'argent et avait dû en emprunter à sa soeur. Il a en outre indiqué qu'il avait eu des problèmes sur une autoroute en Californie, et que l'employeur lui avait fait une remarque désobligeante. Il a dit à l'employeur qu'il allait démissionner à son retour. Le jour suivant, l'employeur lui a téléphoné pour s'excuser. Le prestataire a tout de même remis sa démission à son retour en Ontario.

    Le conseil arbitral estimait que s'il voulait prouver qu'il était fondé à quitter volontairement son emploi, le prestataire devait démontrer qu'il n'avait d'autre choix que de démissionner lorsqu'il l'a fait, compte tenu de toutes les circonstances. Il a renvoyé à l'arrêt Tanguay (A-1458-84). Ayant établi que le prestataire avait quitté son emploi volontairement, le conseil a fait valoir que c'était à lui qu'il incombait de démontrer qu'il était fondé à agir ainsi. Il a examiné les déclarations de l'employeur et celles de l'employé en ce qui a trait à l'allégation de harcèlement. Le conseil a déterminé que l'employeur, contrarié, avait fait une remarque au prestataire sur son surplus de poids et lui avait dit que si jamais le poids du camion dépassait la limite permise, il pourrait toujours le réduire en mangeant une partie du chargement. Selon le conseil, comme l'employeur s'est excusé, ses propos ne constituent pas du harcèlement. Le conseil a dit ne pas être convaincu que l'on ait demandé au prestataire de falsifier son carnet de route, même si c'est ce qu'affirme ce dernier. Toutefois, le conseil n'a pas expliqué pourquoi il avait considéré la preuve de l'employeur comme plus crédible que celle du prestataire. Il a dit que le prestataire avait mal interprété les paroles de l'employeur et déduit qu'on lui demandait de conduire pendant un nombre d'heures supérieur à celui pendant lequel il était autorisé de le faire aux termes de la loi.

    Le conseil a jugé que les autres raisons fournies par le prestataire ne constituaient pas des justifications. Selon lui, le prestataire a signé le contrat de son propre gré et il ne s'entendait pas bien avec l'employeur.

    Le conseil arbitral n'a aucunement fait état de la pièce 25, qui contient une déclaration d'un chauffeur qui a déjà travaillé pour l'employeur en question et a connu des difficultés similaires à celles du prestataire. Si on lui donnait une amende parce que le camion était trop chargé, il devait la payer lui-même.

    En outre, on trouve à la pièce 21-3 une lettre du prestataire dans laquelle ce dernier déclare que l'entreprise lui doit toujours l'équivalent de deux semaines de salaire.

    J'ai examiné la preuve en l'espèce et je considère que le prestataire n'aurait pas dû avoir à supporter ce que lui a fait vivre son employeur (SPL). Les remarques formulées par l'employeur étaient insultantes et le prestataire ne recevait pas les sommes dont il avait besoin pour faire son travail de façon appropriée. Le prestataire n'aurait pas dû avoir à emprunter de l'argent pour pouvoir faire son travail. Le conseil arbitral, dans sa décision, semble considérer que les déclarations de l'employeur sont acceptables. Par ailleurs, le conseil n'a pas pris en considération la preuve présentée par l'autre chauffeur, qui avait lui aussi éprouvé des problèmes avec le même employeur. Je ne crois pas qu'un prestataire doive, aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, continuer de travailler pour son employeur à tout prix. En l'espèce, on se doit de conclure, en examinant dans leur ensemble les problèmes auxquels le prestataire faisait face au travail, qu'il était victime de harcèlement. Il est également important de souligner que lorsque est venu le temps de déterminer si c'était le prestataire ou l'employeur qui était à l'origine du problème, le conseil arbitral n'a pas tenu compte du dossier d'emploi du chauffeur, qui avait déjà travaillé pour plusieurs employeurs. Le prestataire est un camionneur expérimenté et je suppose qu'il connaissait ses droits et qu'il savait à quoi il pouvait s'attendre.

    Compte tenu des points qu'a soulevés le prestataire en appel, je considère que le conseil ne lui a pas donné le bénéfice du doute, comme il devait le faire aux termes du paragraphe 49(2) de la Loi. Certains faits ne concordaient peut-être pas, mais cela pouvait en partie s'expliquer. Il ne fait toutefois aucune doute que le prestataire a subi des insultes et qu'il n'a pas été remboursé comme il se doit. Vu les faits exposés, je crois que le conseil arbitral aurait dû trancher l'affaire en faveur du prestataire et conclure qu'il n'avait eu d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

    Pour les raisons susmentionnées, l'appel du prestataire est accueilli et la décision du conseil arbitral est annulée puisque ce dernier a tiré une conclusion de fait erronée et n'a pas donné le bénéfice du doute au prestataire en ce qui a trait aux éléments de preuve contradictoires qui ont été présentés. Par conséquent, l'appel est accueilli. La décision du conseil arbitral et celle de la Commission sont annulées.

    David G. Riche

    Juge-arbitre

    St. John's (T.-N.-L.)
    Le 31 juillet 2007

    2011-01-16