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  • CUB 69245

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations

    et

    d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Mississauga (Ontario) le 23 octobre 2006

    DÉCISION

    GUY GOULARD, juge-arbitre

    Le prestataire a travaillé pour une compagnie de transport du 15 août 1999 au 12 octobre 2004. Il a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi, laquelle a pris effet le 17 octobre 2004. Lorsque son emploi a pris fin, on lui a versé une paye de vacances de 674,60 $ et une indemnité de départ de 3 600 $. Ces sommes ont été réparties. Par la suite, l'avocat du prestataire a indiqué que ce dernier avait reçu en guise de règlement un montant supplémentaire de 14 050 $ de son employeur et que ce montant constituait une allocation de retraite. La Commission a déterminé que cette somme constituait une rémunération et l'a donc répartie. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 7 910 $.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, lequel a rejeté son appel. Le prestataire a ensuite porté la décision du conseil en appel. Ce dernier appel a été instruit à Toronto (Ontario) le 4 octobre 2007, en présence du prestataire.

    Dans l'affaire qui nous occupe, le prestataire a reconnu que son employeur lui avait versé les montants susmentionnés. Tout au long de l'audience, il a cependant fait valoir que les 14 050 $ qu'il a reçus ne devraient pas être considérés uniquement comme une allocation de retraite, puisqu'une partie du montant versé par l'employeur visait en fait à rembourser des heures supplémentaires demeurées impayées; selon lui, l'indemnité de départ à prendre en compte ne représente que l'équivalent de cinq semaines de salaire. Dans le document qu'il a présenté au conseil arbitral (pièce 12), le prestataire explique que son employeur lui devait 2 553 heures de temps supplémentaire réparties sur deux ans, ce qui représentait une somme de 21 918,38 $, sans compter les intérêts. Il affirme avoir demandé à son avocat d'essayer d'obtenir de l'employeur qu'il lui rembourse cette somme, en plus de lui verser une indemnité de départ.

    Le prestataire a également présenté trois lettres de son avocat. Dans la première, datée du 30 août 2006 (pièces 12-9 et 6), son avocat s'exprime ainsi : « ... nous avons négocié un règlement relativement à l'indemnité de départ et au salaire impayé de notre client, lequel représentait à lui seul une somme de plus de 20 000 $. L'employeur a accepté de lui verser 14 050 $ en contrepartie [...] » [TRADUCTION]. Dans la deuxième lettre, datée du 5 septembre 2006 (pièce 12-10), on peut lire : « Ensuite, vous nous demandez plus de détails sur la façon dont la somme se répartit. Il nous sera difficile de vous indiquer avec exactitude quelle partie de l'ensemble de la somme accordée à notre client dans le règlement correspond à l'indemnité de départ, car la somme en question, qui comprend aussi des frais et honoraires juridiques, avoisine le montant du salaire impayé réclamé, soit 21 918,38 $ » [TRADUCTION]. Dans la troisième lettre, datée du 22 septembre 2006, (pièce 12-12), l'avocat du prestataire explique que son client et lui avaient demandé à l'employeur de verser 20 semaines de salaire en guise d'indemnité de départ. L'avocat a indiqué ce qui suit :

    « Nous sommes en mesure de confirmer que pendant la médiation au cours de laquelle la question a été réglée, on nous a demandé de soustraire de la somme réclamée à titre d'indemnité de départ le nombre total de semaines déjà payées. Par conséquent, nous croyons que sur la somme versée, le montant maximal pouvant être considéré comme correspondant à l'indemnité de départ représente 15 semaines de salaire, ce qui fait que la date d'entrée en vigueur de la période de prestations serait le 12 octobre 2004, soit cinq semaines après la fin de l'emploi. »

    [TRADUCTION]

    Dans le règlement à l'amiable de la poursuite entamée par le prestataire contre son employeur (pièce 5-1), il est indiqué que des 22 000 $ que l'employeur doit verser, il faut retrancher 7 500 $ en frais juridiques et 450 $ pour la TPS : « de sorte qu'il reste 14 050 $, qui constituent une allocation de retraite visée par les remises obligatoires, les déductions et les réductions propres à l'A.-E. ».

    Le prestataire s'est présenté devant le conseil et a répété qu'il croyait que la totalité de la somme de 14 050 $ qu'il avait reçue dans le règlement intervenu l'issue de la poursuite contre son employeur aurait dû être considérée comme le salaire correspondant à ses heures supplémentaires impayées et n'aurait, par conséquent, pas dû être répartie. Il a rejeté la responsabilité sur son avocat, lui reprochant de ne pas avoir décrit la situation clairement dans le règlement à l'amiable.

    En ce qui a trait à l'allocation de 14 050 $ versée au prestataire aux termes du règlement à l'amiable, le conseil affirme ce qui suit :

    « Le conseil reconnaît que la Commission a par la suite appris de l'avocat du prestataire que ce dernier avait reçu une indemnité de départ de 14 050 $, qui a été répartie par la Commission conformément au paragraphe 36(9) du Règlement.

    [...]

    Le conseil conclut que, selon l'information au dossier, et en particulier en ce qui concerne les observations de l'avocat du prestataire (pièce 6), la Commission a agi de manière adéquate. »

    Le conseil a rejeté l'appel du prestataire.

    La règle générale en ce qui concerne les sommes allouées, les jugements rendues et les règlements conclu par suite de la cessation d'emploi est que ces montants constituent des gains provenant de l'emploi qui doivent être répartis conformément à l'article 58 du Règlement. Cette règle générale comporte des exceptions en ce qui concerne les sommes allouées en totalité ou en partie à l'égard de préjudices autres que ceux qui résultent de la perte d'un emploi ou de revenus, par exemple les frais juridiques encourus dans le recouvrement de dommages-intérêts (CUB 17849), de même que les dommages-intérêts pour atteinte à la réputation ou désordre émotif découlant de la conduite de l'employeur au moment de la cessation d'emploi (CUB 18646). La jurisprudence indique clairement que c'est au prestataire qu'incombe le fardeau de prouver que le paiement n'était pas lié à la perte d'emploi.

    Dans la décision CUB 44266, le juge Houston déclare :

    « Selon la jurisprudence, il est clair que la Commission n'est d'aucune façon liée par une entente conclue entre l'employé et son employeur. Cela signifie que la Commission a droit d'examiner les circonstances entourant le versement de l'argent à un employé au moment d'une cessation d'emploi et de décider, conformément à la Loi, si la somme versée était en fait une « rémunération » telle que définie par la Loi, peu importe ce que les parties prétendent qu'elle est. Le conseil arbitral a raison de dire que la présomption selon laquelle l'argent versé constitue une « rémunération » est réfutable, mais, la jurisprudence indique que le niveau minimal est très élevé. »

    [...]

    Je me rends bien compte que la Commission croit que les sommes versées au prestataire devraient être réparties parce qu'il s'agit d'un revenu provenant d'un emploi (ou d'un congédiement) mais la preuve au dossier démontre le contraire.

    Je conviens que le prestataire a réussi à combattre la présomption que le règlement constitue une « rémunération ». Comme le juge Marceau l'a précisé dans l'affaire du Procureur général du Canada A-34-91 :

    « [...] Ainsi, une somme versée en règlement du préjudice causé à la santé ou à la réputation d'une personne ou, de fait, en indemnisation de ses frais de justice, ne serait pas répartie à titre de rémunération ».

    En l'espèce, le prestataire a démontré qu'une partie des sommes qu'il a reçues visait à rembourser des heures supplémentaires demeurées impayées. C'est ce que son avocat a écrit dans les lettres dont il est fait mention précédemment. L'avocat a indiqué clairement que l'on cherchait par là à faire en sorte que les 15 semaines de salaire soient considérées comme une indemnité de départ comprise dans le montant versé dans le règlement. La preuve permet d'établir que le prestataire a reçu 3 600 $ pour cinq semaines de travail à titre d'indemnité de départ, c'est-à-dire 720 $ par semaine. Donc, pour trouver quelle partie des 14 050 $ versés au prestataire devait être considérée comme une indemnité de départ, il fallait calculer 15 x 720 $, ce qui représente 10 800 $. Le conseil aurait dû tenir compte de ce calcul lorsqu'il a tenté de déterminer quel montant de la somme versée au prestataire devait être répartie aux termes du paragraphe 36(9) du Règlement, à compter du moment où l'emploi de ce dernier a pris fin. Le reste du montant obtenu dans le règlement, soit 3 250 $, aurait dû être considéré comme un remboursement des heures supplémentaires impayées, comme l'indique l'avocat dans ses lettres. Il fallait donc répartir les sommes en question pendant la période où elles ont été gagnées, c'est-à-dire avant que la période de prestations ne soit établie.

    Je conclus donc que la décision rendue par le conseil relativement à la répartition des sommes versées au prestataire était entachée d'une erreur. Je conclus également que la preuve est assez claire pour que je rende la décision que le conseil aurait dû rendre.

    En conséquence, la décision du conseil est annulée et l'appel du prestataire est accueilli, dans la mesure où l'allocation de 14 050 $ qu'il a reçue sera répartie en fonction des conclusions que j'ai tirées ci-dessus.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 26 octobre 2007

    2011-01-16