TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
L.C. 1996, ch. 23
et
d'une demande de prestations
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Hamilton (Ontario) le 23 janvier 2007
L'appel a été entendu à Hamilton (Ontario) le 25 septembre 2007.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON :
La prestataire interjette appel de la décision d'un conseil arbitral, lequel a rejeté l'appel qu'elle avait interjeté à l'encontre d'une décision de la Commission qui avait refusé d'antidater la demande de prestations de chômage de la prestataire.
L'emploi de la prestataire a pris fin le 12 mai 2006 mais, d'après le relevé d'emploi fourni par l'employeur, son salaire a continué de lui être versé jusqu'au 15 juin. La prestataire dit que les paiements ont continué pendant deux mois. L'interruption des revenus n'est survenue qu'au moment où le versement du salaire a cessé. Elle a présenté une demande de prestations le 4 octobre 2006. Quand elle a présenté sa demande en ligne, elle a dit qu'elle n'avait pas fait une demande dès la fin de son emploi parce qu'elle attendait de recevoir son relevé d'emploi.
Le 3 novembre, la prestataire a reçu de la Commission une communication dans laquelle on donnait toutes les informations dont elle avait besoin pour présenter ses déclarations bihebdomadaires à la Commission. On lui disait notamment qu'elle pouvait faire sa première déclaration à partir du 14 octobre. La lettre avait été livrée à une mauvaise adresse. Dès qu'elle a reçu la lettre, la prestataire a parlé à un agent de la Commission, qui lui a appris qu'elle avait droit non pas à 32 semaines, mais à seulement 24 semaines de prestations. Il lui a dit qu'elle aurait dû faire sa demande vers la fin de juin. Le 6 novembre, elle a rempli un demande d'antidatation, accompagnée d'une lettre dont voici un extrait :
J'ai expliqué à l'agent que je suis effectivement allée aux bureaux de l'A.-E. situés sur la rue Upper James à Hamilton, pendant la première semaine de juillet. J'avais avec moi les papiers de l'employeur qui avisaient les employés de la fermeture du service, etc. La dame à qui j'ai parlé m'a dit que j'avais besoin de mon relevé d'emploi pour remplir ma demande de prestations d'A.-E. Je n'avais pas encore reçu ce document. Quelque temps après, on m'a offert un travail pour la fin d'août ou le début de septembre (la date n'était pas confirmée). L'employé qui occupait le poste s'attendait à retourner aux études en septembre. Cette possibilité d'emploi ne s'est pas concrétisée puisque l'employé en question a décidé de reporter son retour aux études et de rester à l'emploi de la compagnie. Quand j'ai constaté que l'offre d'emploi n'aboutirait à rien, j'ai fait ma demande en septembre. L'agent m'a conseillé de remplir une demande d'antidatation dans laquelle j'expliquerais la situation. [Traduction]
La copie du relevé d'emploi qui figure au dossier est datée du 4 juillet 2006. Il s'agit d'une photocopie de la partie 2 - la copie que l'employeur envoie au bureau de RHDSC, à Bathurst (Nouveau-Brunswick). Le document n'indique pas quand RDHSC l'a reçu. Lors de l'audition du présent appel, le représentant de la prestataire a déclaré que la prestataire avait reçu la copie à la mi-août. Le conseil arbitral a dit ce qui suit :
La prestataire a déclaré que, même si le document datait de juillet, elle a ouvert son courrier au cours du mois d'août seulement, car elle rendait visite à son père malade à cette époque. [Traduction]
Dans l'argumentation qu'elle a présentée devant le conseil arbitral, la Commission a dit :
Même si les prestataires sont avisés qu'ils ont besoin de leur relevé d'emploi pour remplir leur demande de prestations, ils sont aussi avisés de présenter leur demande au cours des 4 semaines qui suivent l'interruption de leur rémunération, qu'ils aient reçu ou non le relevé d'emploi. Cet avis concorde avec l'information qui est publiée sur le site Web et dans les dépliants de la Commission; il est même imprimé à l'endos de la plupart des relevés d'emploi. On peut penser qu'une personne raisonnable aurait présenté une demande dès la réception de son relevé d'emploi, ou du moins qu'elle se serait informée du délai au terme duquel elle perdrait le droit au bénéfice des prestations. La prestataire savait qu'elle ne retournerait au travail qu'en septembre, sinon plus tard encore. Elle savait qu'elle aurait pu présenter une demande en juillet ou en août, mais elle a choisi de ne pas le faire. [Traduction]
Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de la première phrase. Des juges-arbitres entendent trop souvent des prestataires dire que des gens de la Commission leur avaient dit qu'ils ne pouvaient pas faire une demande de prestations tant qu'ils n'avaient pas reçu leur relevé d'emploi. La fréquence de ces déclarations m'amène à conclure que les propos des prestataires ne font que refléter la réalité.
Aux termes du Règlement sur l'assurance-emploi, c'est l'employeur, et non pas le prestataire, qui est obligé d'envoyer le relevé d'emploi à la Commission. Certes, le traitement de la demande est accéléré si le prestataire peut fournir une copie à son bureau local plutôt que de compter sur ce bureau pour coordonner la demande à partir d'un document envoyé par l'employeur au bureau de Bathurst.
Le père de la prestataire ayant été très malade durant l'été de 2006, la prestataire est allée le visiter à Guelph. Il est décédé le 8 septembre, et la prestataire a dû organiser les funérailles de son père et l'inhumation des cendres de ses deux parents. Dans la lettre d'appel qu'elle a adressée au conseil arbitral, la prestataire a déclaré : « ... j'ai dû m'occuper de nombreux détails, que ce soit avant ou après le service ». [Traduction]
La prestataire a été admissible au bénéfice des prestations dès le moment de l'interruption de sa rémunération, soit entre le 15 juin et la mi-juillet. Le paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi est libellé comme il suit :
Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.
Dans le résumé de la preuve qui lui a été présentée, le conseil a dit ce qui suit :
La prestataire a affirmé qu'elle avait une assurance raisonnable de trouver un autre emploi, lequel devait commencer en septembre 2006. D'après son raisonnement, comme elle recevait encore de l'argent de l'employeur, et comme son nouvel emploi devait débuter en septembre, elle ne comptait pas demander des prestations, et elle n'était d'ailleurs pas admissible aux prestations. La prestataire a dit qu'elle estimait avoir fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait. Elle estimait qu'une personne raisonnable commencerait par chercher un emploi et que, si elle ne trouvait rien, elle demanderait des prestations. C'est après avoir parlé à des anciens collègues qu'elle a décidé de demander des prestations en octobre 2006. [Traduction]
Le conseil arbitral n'a fait aucune constatation de fait, mais il a conclu que « la prestataire n'a pas fait la preuve qu'elle avait un motif valable pour présenter sa demande en retard durant toute la période en question, ce conformément à l'article 10(4) de la Loi ». [Traduction]
Il y a trois facteurs qui influent sur le retard de la prestataire: (1) l'information erronée que la Commission lui a fournie, (2) l'autre emploi que la prestataire comptait obtenir et (3) la maladie et le décès de son père. Ces facteurs permettent-ils de déterminer que la prestataire avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande pendant toute la période écoulée entre la date à laquelle elle souhaitait que sa demande prenne effet et la date où elle a présenté sa demande, soit le 4 octobre 2006?
Pour déterminer si la prestataire avait un motif valable pour présenter sa demande en retard, il faut déterminer si elle a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation.
Le fait de s'être fiée à des informations erronées communiquées par la Commission peut être un motif valable, tout comme le fait de s'attendre pendant quelque temps à trouver un autre emploi (voir par exemple la décision CUB 43320). Des circonstances personnelles ou familiales découlant de la maladie terminale et du décès d'un membre de la famille peuvent aussi constituer un motif valable.
Il a par ailleurs été décidé dans d'autres affaires que l'effet combiné des raisons invoquées par le prestataire peut constituer un motif valable de retard. Dans l'arrêt CUB 56558, le juge-arbitre Goulard a dit :
... on doit accorder le bénéfice du doute aux prestataires en pareilles circonstances plutôt que d'utiliser la Loi pour trouver un moyen pour refuser de leur verser des prestations.
Il a cité la décision CUB 9958, dans laquelle le juge Muldoon s'était exprimé ainsi :
La politique de la Loi est d'offrir des prestations pour lesquelles les prestataires ont payé leurs cotisations et non pas chercher des excuses pour retenir ces prestations. Ici encore, dans cette perspective, l'intention du Parlement lorsqu'il a décrété le paragraphe 20(4) semble assez claire: le juge-arbitre n'a qu'à déterminer si ce prestataire, dans ces circonstances particulières, a fait valoir « un motif justifiant son retard » lorsqu'il a formulé sa demande de prestations. Chaque fois qu'il blâme un prestataire de ne pas connaître cette Loi complexe, le juge-arbitre n'est pas obligé de faire rejeter sa demande tardive.
À l'instar du juge-arbitre qui a rendu la décision CUB 56558, je suis d'avis que le conseil arbitral n'a pas tenu compte de l'effet combiné des raisons que la prestataire avait invoquées pour expliquer la présentation tardive de sa demande, et que l'effet combiné de ces raisons constituait bel et bien un motif valable. J'accueille donc l'appel.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 11 octobre 2007