EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Jose SEPULVEDA
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 6 juin 2006 à Longueuil, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le prestataire a travaillé pour Service d'Entretien Advance Inc. du 15 juillet 2004 au 21 décembre 2005. Le 31 janvier 2006, il présenta une demande de prestations d'assurance-emploi qui fut établie à compter du 29 janvier 2006. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée prenant effet le 29 janvier 2006.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit son appel. La Commission porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Montréal, Québec le 2 avril 2007. Le prestataire était présent et représenté par Me Hans Marotte.
La raison fournie par l'employeur pour avoir congédié le prestataire était qu'il avait pris des vacances qui lui avaient été refusées par l'employeur. L'employeur avait ajouté que le refus de la demande du prestataire de prendre un mois de vacances du 21 décembre 2005 au 24 janvier 2006 lui avait été communiqué par écrit (pièce 12-11).
Le syndicat du prestataire avait déposé un grief à l'égard du congédiement dans lequel on avait indiqué que le prestataire avait été congédié parce qu'il avait déposé une plainte devant le comité paritaire et qu'il avait eu gain de cause. La plainte était fondée sur le refus de l'employeur de payer des congés mobiles (pièces 17 et 20).
Le prestataire s'est présenté devant le conseil arbitral. À la lecture de la transcription de l'audience, il est évident que le prestataire avait un problème de langage. Devant le conseil, il a réitéré qu'il n'avait pas pris de vacances depuis 2003 dans le but de pouvoir prendre des vacances pour visiter sa famille au Chili pour une période plus longue que les trois semaines habituelles. Il a indiqué qu'un autre employé avait pu prendre un mois de vacances du 19 octobre au 19 novembre mais qu'on lui avait refusé les vacances qu'il demandait. Il a réitéré qu'il n'avait pas pris de vacances depuis 2003 pour pouvoir prendre un mois pour visiter sa famille. Il a insisté que la raison du refus de l'employeur de lui accorder un mois de vacances pour ensuite le congédier était qu'il avait déposé une plainte au comité paritaire. Le prestataire a aussi indiqué qu'il avait informé son employeur en juin 2005 qu'il désirait prendre un congé d'un mois en décembre pour visiter sa famille au Chili et qu'on lui avait dit qu'il n'y aurait aucun problème. Il avait donc acheté quatre billets d'avion pour sa famille.
Le représentant de l'employeur qui s'est présenté devant le conseil fut invité à fournir ses commentaires suite au témoignage du prestataire. Il a tout simplement indiqué:
"Je n'ai aucune observation à faire dans ce dossier-là. On m'a demandé d'être présent pour observer et écouter et je n'ai aucune observation ...(inaudible). »
En appel, la Commission a soumis que le conseil arbitral avait erré en fait et en droit en décidant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a soumis que la preuve avait démontré que le prestataire avait perdu son emploi pour avoir pris des vacances qui lui avaient été refusées, ce qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploi.
Me Marotte a soumis que la décision du conseil arbitral était bien fondée sur la preuve qui avait démontré que le prestataire s'était vu refuser un congé qui avait été préalablement approuvé pour ensuite être congédié pour avoir déposé un grief et une plainte contre son employeur. Il a souligné que le représentant de l'employeur, qui avait assisté à l'audience devant le conseil, n'avait pas réfuté le témoignage du prestataire.
J'ai obtenu une copie de la transcription de l'audience devant le conseil arbitral, qui était malheureusement de peu d'utilité, compte tenu de l'enregistrement de très mauvaise qualité. La grande partie des représentations du prestataire n'avait pu être transcrite. Par contre, la transcription a confirmé que l'employeur n'avait présenté aucune preuve ou soumission. Le témoignage du prestataire, en autant qu'on peut le constater, était tel que résumé ci-haut.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96):
"De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »
La jurisprudence (Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), McCarthy (A-600-93), Ash (A-115-94), Ratté (A-255-95) et Peace (A-97-03)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait:
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »
Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (supra), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite "à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».
Et plus récemment, dans Peace (supra), le juge Sexton ajoutait:
"Dans l'arrêt Budhai, précité, la Cour a conclu que l'application de l'analyse pratique et fonctionnelle, lorsqu'un juge-arbitre examine une décision rendue par conseil, laquelle décision comporte une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Sacrey, 2003 CAF 377, la Cour a également conclu que la question de savoir si un employé est fondé à quitter son emploi est une question mixte de droit et de fait qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.
Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC. 20, la Cour suprême a déclaré qu'une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l'a fait sur la base de la preuve soumise. »
Le conseil a revu et accepté la preuve non réfutée du prestataire à l'effet que son congédiement représentait en effet un congédiement déguisé parce qu'il avait déposé une plainte contre son employeur et avait eu gain de cause. La décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier.
Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 19 octobre 2007