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  • CUB 69878

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi

    - et -

    d'une demande de prestations

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Regina (Saskatchewan) le 25 juillet 2007

    DÉCISION RENDUE SUR LA FOI DU DOSSIER

    LE JUGE W.J. HADDAD, c.r. JUGE-ARBITRE

    La prestataire interjette appel et demande que le juge-arbitre rende une décision sur la fois du dossier.

    La Commission a refusé la demande d'antidatation de la prestataire.

    Durant la période visée par l'appel, la prestataire travaillait à temps partiel comme enseignante pour le conseil scolaire de la division scolaire où elle faisait de la suppléance. On lui a offert un contrat temporaire, et lorsqu'il a pris fin le 28 juin 2006, elle a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi, qui a été approuvée. À la fin du mois d'août, elle s'est fait offrir un contrat temporaire à mi-temps allant jusqu'au 22 décembre 2006, afin de remplacer un enseignant en congé de maladie.

    Lorsque ce contrat a pris fin, la prestataire a communiqué avec le bureau de Service Canada, où on l'a informée qu'elle ne serait pas admissible au bénéfice des prestations. La prestataire a demandé à sa mère, enseignante depuis 30 ans, si elle y était admissible, et sa mère lui a expliqué qu'elle n'avait pas accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable et que de toutes façons, il y avait une période de carence de deux semaines. La prestataire a également discuté de son admissibilité au bénéfice des prestations avec le président de son syndicat, qui l'a informée que les enseignants occasionnels n'étaient admissibles que pendant le congé estival, lorsqu'ils reçoivent un relevé d'emploi. Le directeur de l'école, qui a 30 années d'expérience, a par ailleurs émis la même opinion. La prestataire s'est donc fiée aux renseignements que lui ont donnés ces personnes; malheureusement, elle a été mal informée.

    En mars 2007, une suppléante a informé la prestataire qu'elle touchait des prestations pendant les vacances des Fêtes; après s'être informée auprès de Service Canada, la prestataire a appris qu'elle pouvait renouveler sa demande initiale. Elle a donc demandé une antidatation le 12 mars 2007, afin que sa demande renouvelée prenne effet le 2 décembre 2006. Sa demande a été rejetée par la Commission puis par le conseil arbitral, devant qui elle avait interjeté appel de cette décision et qui a conclu qu'elle n'avait pas démontré qu'elle avait un motif valable pour avoir tardé à présenter sa demande. Le conseil arbitral s'est rangé à l'opinion de la Commission selon laquelle la prestataire « [...] n'a pas assumé ses responsabilités consistant à demander à la Commission la procédure encadrant sa demande. Elle aurait dû s'adresser immédiatement à la Commission après les vacances de Noël pour déposer de nouveau une demande de prestations. Pour une quelconque raison, elle ne l'a pas fait. »

    Pour que sa demande d'antidatation soit acceptée, il aurait fallu que la prestataire puisse justifier la présentation tardive de sa demande renouvelée en démontrant qu'elle avait agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans sa situation afin de se renseigner sur ses droits et obligations au titre de la Loi; il s'agit là d'un critère établi par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (P.G.) A-172-85, (1985) 1 C.F. 710. Le conseil arbitral a énoncé ce critère dans sa décision et il mentionne dans sa constatation des faits que la prestataire a sollicité l'avis de plusieurs personnes, mais conclut qu'elle « [...] n'a pas fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait, compte tenu des circonstances. »

    Le conseil n'a pas tenu compte du fait que la prestataire avait fait des efforts pour essayer de savoir à quoi s'en tenir dans sa situation; en janvier, elle a téléphoné à Service Canada pour savoir combien d'heures d'emploi assurable elle devait avoir accumulées pour être admissible au bénéfice des prestations, et on lui a seulement répondu qu'elle n'en avait pas accumulées suffisamment. Elle a également cherché, sans succès, à obtenir des renseignements sur Internet. Elle ne savait pas qu'elle pouvait renouveler sa demande initiale, et on ne l'en avait pas informée.

    Plus important encore, le conseil n'a pas tenu compte du fait que les personnes à qui la prestataire a demandé conseil, en particulier le représentant syndical et le directeur d'école, sont des personnes qui, en raison de leur expérience, devraient connaître les règles à suivre pour toucher des prestations et devraient normalement pouvoir donner des conseils judicieux. Le conseil arbitral aurait dû reconnaître que la prestataire a fait des efforts pour essayer de savoir à quoi s'en tenir et qu'elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l'aurait fait dans des circonstances similaires.

    Dans le CUB 16773, la prestataire a tardé à présenter une demande de prestations parce qu'elle a été induite en erreur par son représentant syndical. Elle a présenté sa demande dans un délai raisonnable, et le conseil arbitral a rejeté sa demande d'antidatation. L'appel qu'elle a interjeté devant un juge-arbitre a été accueilli, tout comme sa demande d'antidatation. Le juge-arbitre a conclu que la prestataire avait satisfait au critère énoncé dans le A-172-85 et il a expliqué la jurisprudence établie de la façon suivante :

    « Il y a une abondante jurisprudence pour établir que lorsqu'un(e) prestataire se fie sur les conseils d'une personne de laquelle il ou elle est en droit de recevoir des renseignements exacts, il ou elle a une raison valable pour expliquer son retard s'il ou si elle s'est réellement fié(e) sur le conseil reçu pour se mettre ainsi en retard. »

    Dans la décision CUB 28163, le conseil arbitral a rejeté la demande d'antidatation d'un prestataire de 19 ans qui s'était fié à l'opinion de son père selon laquelle il n'était pas admissible au bénéfice des prestations. En appel, le juge-arbitre a déterminé que les raisons invoquées par le prestataire pour justifier son retard étaient celles d'une personne raisonnable et il a accueilli la demande d'antidatation.

    En refusant la demande d'antidatation de la prestataire, le conseil arbitral ne s'est pas conformé à la jurisprudence établie pour déterminer si la personne avait agi de manière raisonnable et prudente. Il a donc commis une erreur de droit.

    La prestataire a le droit de faire antidater sa demande. J'accueille l'appel.

    « W.J. Haddad »

    W.J. Haddad, c.r. - Juge-arbitre

    Edmonton (Alberta)
    Le 17 décembre 2007

    2011-01-16