TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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d'une demande de prestations
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d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 30 mai 2007 à Sarnia (Ontario)
CUB CORRESPONDANT : 70206A
DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-231-08
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 10 août 2005 et une période de prestations prenant effet le 1er août 2005 a été établie à son profit. Le prestataire a demandé que les prestations soient versées directement dans son compte de banque et il a rempli ses déclarations par voie électronique au moyen du système Télédec, avec le code d'accès qui lui avait été fourni. Par la suite, la Commission a déterminé que, pendant sa période de prestations, le prestataire avait été incarcéré du 3 octobre au 8 décembre 2005 et du 1er mars au 1er avril 2006 et qu'il avait continué de toucher ses prestations pendant ses périodes d'incarcération. La Commission l'a déclaré inadmissible aux prestations pendant les périodes où il a été incarcéré, ce qui a donné lieu à un trop-payé de 1 843 $.
Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, lequel a rejeté l'appel. Il a porté en appel la décision du conseil. Cet appel a été instruit le 19 février 2008, à Sarnia, en Ontario. Le prestataire a assisté à l'audience et était représenté par un représentant.
Avant l'audience devant le conseil arbitral, la Commission avait déterminé que le prestataire n'avait pas été incarcéré du 8 au 13 octobre 2005 et qu'il était donc admissible au bénéfice des prestations pendant cette période. Le représentant a fait savoir que le prestataire ne contestait pas la période d'inadmissibilité du 1er mars au 1er avril 2006. La seule question en litige consistait à déterminer si le prestataire devait rembourser un trop-payé pour avoir touché des prestations pendant les périodes s'étendant du 3 au 7 octobre 2005 et du 14 octobre au 8 décembre 2005.
Le prestataire a soutenu tout au long de son appel que pendant les périodes visées, il n'avait pas présenté de déclarations et il n'avait touché aucune prestation. Le prestataire a été informé seulement après sa sortie de prison que ses prestations avaient continué de lui être versées pendant sa période d'incarcération. Il soupçonnait sa petite amie, qui était la mère de son fils et qui avait habité avec lui avant son arrestation, d'avoir transmis ses déclarations par téléphone et d'avoir accédé à son compte bancaire pour y retirer des sommes, y compris les prestations versées dans son compte. Il a soutenu qu'il ne lui avait pas donné son code d'accès Télédec, mais qu'elle pouvait l'avoir obtenu à partir de renseignements qu'elle aurait pu trouver dans son portefeuille, qu'il avait laissé dans son appartement. Le prestataire n'a jamais retrouvé son portefeuille et quand il est sorti de prison, son compte de banque était vide. Il n'avait aucune preuve que sa petite amie avait transmis ses déclarations ou eu accès à son compte de banque. Il a ajouté que sa petite amie n'avait pas besoin de l'argent pour prendre soin de leur enfant parce qu'il séjournait chez ses parents pendant sa période d'incarcération. La Commission avait envisagé de demander à une tierce partie de mener une enquête sur la petite amie du prestataire, mais elle a été incapable de le faire car la petite amie n'était pas disponible, celle-ci étant en réhabilitation pendant une longue période et détenue à domicile.
Devant le conseil arbitral, le prestataire a reconnu que ses prestations avaient été déposées dans son compte de banque pendant ses périodes d'incarcération en octobre et en décembre 2005. Il a soutenu qu'aucune de ces prestations ne lui a été versée directement.
Le conseil arbitral a examiné la preuve et rejeté l'appel du prestataire pour les raisons suivantes :
« Le conseil est d'avis que le prestataire a permis que la présumée fraude soit commise en ne protégeant pas son identité. L'information au dossier porte à croire que bien qu'il n'ait peut-être pas appelé pour faire ses déclarations pendant qu'il était incarcéré, quelqu'un d'autre peut l'avoir fait et l'a probablement fait (pièce 41-3).
Si un tiers était impliqué - et comme l'a suggéré le prestataire, il s'agissait probablement de sa petite amie, - les moyens de commettre cette fraude et de demander des prestations lui avaient nécessairement été donnés par le prestataire, directement ou indirectement.
C'est ce que présume le conseil, compte tenu de la prépondérance des probabilités concernant les faits. Des déclarations ont été transmises à l'assurance-emploi, et des versements ont été effectués par l'assurance-emploi sur le compte bancaire du prestataire (pièce 41-3).
Deuxièmement, le prestataire a donné accès à son compte bancaire à un éventuel tiers de manière à ce que l'argent déposé sur son compte par l'assurance-emploi, pendant son incarcération, puisse être sorti du compte par quelqu'un d'autre que lui.
L'assurance-emploi a versé des prestations directement sur le compte bancaire du prestataire (pièce 2-3), conformément aux directives qu'il a données en présentant sa demande de prestations le 10 août 2005.
L'engagement de l'assurance-emploi vis-à-vis du prestataire a été respecté. Toutefois, du point de vue du prestataire, pendant deux des périodes au cours desquelles il était incarcéré, ce n'est pas lui, mais quelqu'un d'autre qui a pu avoir accès à son compte bancaire et retirer l'argent déposé par l'assurance-emploi.
Il se peut que le prestataire ait été la victime d'un tiers - sans doute son ancienne petite amie - mais pas de la Commission de l'assurance-emploi.
Le conseil conclut que le prestataire n'avait pas droit à des prestations pendant les périodes où il était incarcéré et non disponible pour travailler. »
En l'espèce, il y a aucune preuve que pendant la période d'incarcération du prestataire d'octobre à décembre 2005, il a communiqué son code d'accès au système Télédec à sa petite amie l'a autorisée à retirer des sommes de son compte de banque. Le prestataire a soutenu qu'il n'avait donné aucune autorisation de ce genre à sa petite amie.
En l'espèce, les faits sont semblables à ceux qui sont exposés dans l'affaire A-419-99 et A-420-99 dans laquelle, à l'insu du prestataire et sans son consentement, son ex-conjointe avait rempli ses déclarations et encaissé ses chèques de prestations. La Cour d'appel fédérale avait accueilli l'appel du prestataire pour les raisons suivantes :
« Comme nous comprenons leurs motifs, le conseil arbitral, à la majorité, et le juge-arbitre ont conclu que puisque des sommes ont été versées, il y avait un trop payé, que ce trop payé devait être remboursé et que la personne qui devait effectuer ce remboursement était la personne avec laquelle la Commission avait un lien, donc le demandeur puisque la fraude a été faite dans le cadre de sa demande de prestations.
Cette conclusion ne saurait tenir. Le demandeur n'a jamais prétendu avoir droit à des prestations pendant la période en litige. Il n'a pas omis de déclarer la rémunération reçue (paragraphe 19(3) de la Loi sur l'assurance-emploi). Il n'a pas reçu les prestations. Il ne saurait dès lors être question, en ce qui le concerne, de trop-payé au sens de la Loi. (Voir l'arrêt récent de notre Cour, rendu le 5 février 2002, dans A-47-00, 2002 CAF 46.) »
Dans la décision CUB 65424B, le juge Stevenson est allé jusqu'à conclure que même si un prestataire a divulgué son code d'accès à une personne, et si cette personne a perçu frauduleusement des prestations d'assurance-emploi à l'insu du prestataire, ce dernier ne pouvait être tenu de rembourser un trop-payé.
La preuve a établi que le prestataire n'avait pas rempli ses déclarations et qu'il n'avait pas reçu ses prestations pendant les périodes visées par l'appel. Les prestations ont été perçues frauduleusement par une tierce partie à l'insu du prestataire et sans son consentement. Conformément à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire A-419-99 et A-420-99 (supra), le prestataire ne pouvait être tenu responsable du remboursement de ces prestations.
Je conclus donc que le conseil arbitral a commis une erreur de droit et de fait en rendant sa décision.
Par conséquent, l'appel du prestataire est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée et l'appel du prestataire de la décision de la Commission est accueilli.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 14 avril 2008