TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'un appel interjeté par l'employeur à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Belleville (Ontario) le 10 août 2006
Le juge David G. Riche
Il s'agissait de déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.
En se basant sur l'alinéa 29c) de la Loi, le conseil arbitral a conclu que le prestataire était fondé à quitter son emploi; il a en effet invoqué le sous-alinéa 29c)(vii), dont voici le libellé : « modification importante de[s] conditions de rémunération ». Le prestataire a travaillé dans une entreprise de textiles avant de travailler pour une usine de bonneterie Apparemment, l'entreprise de textiles était la propriété de quelqu'un; le prestataire a alors été inscrit au livre de paie de 'usine de bonneterie, propriété de l'épouse du propriétaire. Le prestataire, qui a travaillé pendant environ dix ans pour la compagnie de textiles, recevait un salaire fixe, mais après sa mutation chez l'usine de bonneterie, il était rémunéré à l'heure. Selon le relevé d'emploi délivré par la compagnie de textiles, le prestataire était mécanicien tandis que sur celui de l'usine de bonneterie, on indique qu'il était technicien en bonneterie.
Dans son argumentation devant le conseil arbitral, l'employeur a signalé qu'il arrivait que les employés ne travaillent pas 40 heures chaque semaine et que les changements vécus par le prestataire n'avaient pas été clairement établis. Or ce dernier était préoccupé par le fait qu'il travaillerait dorénavant par quarts de travail alternatifs, qu'il passerait d'un salaire fixe à un taux horaire et qu'il n'aurait aucun avantage. L'employeur a confirmé que le prestataire bénéficiait d'un régime de soins médicaux, mais qu'il ne toucherait pas d'avantages sociaux chez l'usine de bonneterie; il a toutefois ajouté que les fonctions du prestataire étaient demeurées les mêmes.
L'employeur (usine de bonneterie) a soutenu que le prestataire avait volé des produits à l'usine et qu'on lui avait demandé de remettre sa démission.
Selon la Commission, le prestataire était fondé à quitter son emploi étant donné que ses fonctions et ses conditions de rémunération avaient fait l'objet d'importantes modifications.
Dans sa constatation des faits, le conseil a déterminé que les deux entreprises avaient fait preuve de négligence en n'informant pas correctement les employés des changements qui s'annonçaient lors du passage d'une entreprise (textiles) à une autre (usine de bonneterie). Le conseil a également constaté que les conditions de travail du prestataire avaient été considérablement modifiées.
Pour ce qui est de la question relative au vol, le conseil a conclu qu'elle avait été soulevée uniquement après le départ du prestataire et que les éléments de preuve fournis à cet égard étaient, au mieux, contradictoires.
Lorsque j'ai instruit la présente affaire, le représentant de l'employeur considérait que le conseil arbitral n'avait pas dûment étayé sa décision, tel que le prescrit l'article 114 de la Loi. Il a fait valoir que le conseil aurait dû mieux exposer le raisonnement qui l'a mené à tirer une conclusion. Par ailleurs, il considérait qu'il n'avait pas eu assez de temps pour plaider sa cause devant le conseil.
Compte tenu de ces allégations, l'employeur a demandé la tenue d'une nouvelle audience devant un conseil arbitral composé de membres différents.
Afin de donner plus de poids à ses allégations de vol, le représentant de l'employeur m'a ensuite demandé de consulter les pièces 9-4 à 9-6.
J'ai examiné attentivement les faits dans cette affaire et j'estime qu'il est inutile de la renvoyer devant un conseil arbitral formé d'autres membres; selon moi, le conseil a fourni suffisamment de détails dans sa décision, qui tient sur trois pages. Les membres du conseil se sont penchés sur toutes les questions portées à leur connaissance et ils ont tenu compte de la preuve présentée par l'employeur et de celle du prestataire. Après avoir examiné les éléments de preuve, ils ont conclu que les conditions de travail du prestataire avaient fait l'objet d'importantes modifications.
Lorsque j'ai instruit la présente affaire, le représentant de l'employeur a admis que le prestataire était passé d'employé salarié à employé horaire. Par ailleurs, il n'a pas prétendu que le conseil s'était trompé en concluant que le prestataire avait perdu le bénéfice de ses avantages sociaux au moment du passage d'une entreprise (propriété de textiles) à une autre (propriété de son épouse, usine de bonneterie). Le conseil a fondé sa décision sur l'alinéa 29c)(vii) de la Loi. Compte tenu de la preuve, il ne fait aucun doute que les conditions de travail du prestataire ont changé considérablement lors du passage d'une entreprise à l'autre; cette situation constituait en soi une preuve suffisante pour conclure que le prestataire était fondé à quitter son emploi, si tant est que les membres du conseil étaient convaincus que le prestataire n'avait d'autre choix que de quitter son emploi dans les circonstances.
Il ne faut pas oublier que le prestataire travaillait depuis dix ans pour l'entreprise de textiles, où il touchait un salaire et bénéficiait d'avantages sociaux. Par la suite, sans son consentement, il a été muté chez l'usine de bonneterie, où on a modifié sa méthode de rémunération ainsi que ses avantages sociaux.
En l'espèce, j'ai examiné les arguments présentés par l'employeur, le prestataire et la Commission. J'estime que je dois trancher l'appel en faveur du prestataire et confirmer que la décision du conseil arbitral est judicieuse tant sous l'angle de la preuve que de la loi. Je dois donc me prononcer en faveur du prestataire. Pour ces raisons, je rejette l'appel interjeté par l'employeur.
David G. Riche
Juge-arbitre
Le 15 avril 2008
St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)