CUB 70452

Information archivée dans le Web

Information identifiée comme étant archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’a pas été modifiée ni mise à jour depuis la date de son archivage. Les pages Web qui sont archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes applicables au Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, veuillez, s’il vous plaît, nous contacter pour demander un format alternatif.

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

- et -

d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Moncton (Nouveau-Brunswick) le 28 mars 2007

DÉCISION

Le juge-arbitre GUY GOULARD

La prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 29 décembre 2006, laquelle a pris effet le 3 décembre 2006. La prestataire a fourni deux relevés d'emploi indiquant qu'elle avait travaillé pour une compagnie de foresterie du 4 juillet au 29 novembre 2006, et pour une compagnie en soins de santé du 1er octobre 2004 au 22 juin 2006. La Commission a établi que la prestataire n'était pas fondée à quitter l'emploi qu'elle occupait chez la compagnie en soins de santé et que les heures travaillées pour cet employeur ne pouvaient donc pas être utilisées aux fins du calcul du taux de prestations, établi à 334 $ pour la période de prestations, fixée à 16 semaines.

La prestataire a interjeté appel des décisions de la Commission devant un conseil arbitral, qui a accueilli l'appel. La Commission appelle maintenant de la décision du conseil. Cet appel a été instruit le 18 avril 2008 à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en l'absence de la prestataire. Cette dernière avait pris soin d'informer le Bureau du juge-arbitre qu'elle ne pouvait assister à l'audience et qu'elle voulait que l'affaire soit instruite en son absence.

Dans sa demande de prestations, la prestataire déclare qu'elle a quitté l'emploi qu'elle occupait en soins de santé parce qu'elle avait accepté un autre emploi, où elle a commencé le 4 juillet 2006. À la pièce 5, la prestataire indique qu'au moment où elle a donné sa démission à la compagnie en soins de santé, elle n'avait pas encore de confirmation d'emploi mais qu'elle a démissionné pour pouvoir se rendre en Colombie-Britannique, où elle voulait chercher du travail. Entre-temps, un ami l'a appelée pour lui dire qu'il y avait des possibilités d'emploi pour elle chez une compagnie de foresterie; elle est donc allée travailler pour cette entreprise.

Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire déclare qu'elle a quitté l'emploi qu'elle occupait en soins de santé pour se rendre dans l'Ouest, où elle espérait trouver un emploi offrant de meilleures conditions salariales. Elle explique que le salaire que lui offrait la compagnie en soins de santé n'était pas suffisant pour lui permettre de couvrir toutes ses dépenses. Elle ajoute qu'elle n'avait pas encore reçu de confirmation d'emploi au moment où elle a démissionné, mais qu'elle avait déjà reçu deux offres de vive voix. Par ailleurs, elle n'a attendu que neuf jours avant de trouver un nouvel emploi, beaucoup mieux rémunéré que son emploi précédent. Elle ajoute qu'on lui a laissé entendre que le fait de quitter son emploi pour un autre ne pourrait jouer contre elle.

La prestataire a participé par téléphone à l'audience tenue devant le conseil arbitral. Elle a déclaré qu'elle avait quitté l'emploi qu'elle occupait au Nouveau-Brunswick pour se rendre en Colombie-Britannique après qu'une amie lui eut dit qu'il y avait de l'emploi pour elle là-bas. Elle s'est donc rendue à Surrey, en Colombie-Britannique, mais voyant qu'elle n'aimait pas la ville, elle a décidé d'accepter une deuxième offre d'emploi avec l'entreprise en soins de santé, située en Alberta. Elle a déclaré qu'un ami lui avait confirmé qu'elle serait embauchée. Tous ces événements se sont déroulés dans les neuf jours suivant son départ de l'entreprise en soins de santé.

Le conseil arbitral a souligné que la prestataire avait paru tout à fait crédible dans son témoignage. Après avoir examiné la preuve figurant au dossier, celui-ci a conclu que la prestataire avait démontré qu'elle avait une justification pour quitter son emploi, aux termes de l'alinéa 29c)(vi) de la Loi sur l'assurance-emploi, compte tenu du fait qu'elle avait l'assurance raisonnable d'un autre emploi quand elle a donné sa démission à l'entreprise en soins de santé. Le conseil a donc accueilli l'appel de la prestataire.

En appel devant le juge-arbitre, la Commission a allégué que le conseil arbitral avait commis une erreur de droit en établissant que la prestataire avait démontré qu'elle était fondée à quitter son emploi, car la preuve permettait de conclure qu'au moment où elle a remis sa démission à l'entreprise en soins de santé, elle n'avait pas l'assurance d'obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat, au sens de l'alinéa 29c)(vi) de la Loi et selon l'interprétation qu'en donne la jurisprudence. La Commission a fait valoir que le conseil n'avait pas tenu compte de la déclaration faite par la prestataire en pièce 5, selon laquelle elle n'avait pas encore obtenu d'emploi chez la compagnie en foresterie au moment où elle a remis sa démission à l'entreprise en soins de santé, et que cette offre ne s'était présentée qu'après qu'elle eut démissionné et à la suite d'une discussion avec un ami de l'Alberta. La Commission a soutenu que la prestataire avait tout au plus de bonnes chances de trouver un emploi, mais qu'elle n'avait aucune assurance à cet égard. La Commission a souligné le fait que la prestataire s'était d'abord rendue en Colombie-Britannique et que, comme elle n'aimait pas la ville de Surrey, elle avait décidé de se rendre en Alberta, où elle a commencé à travailler pour la compagnie en foresterie.

Je remarque que, dans sa demande de prestations, la prestataire déclare qu'elle a quitté l'emploi qu'elle occupait à l'entreprise en soins de santé pour accepter un autre emploi, pour lequel l'entreprise en foresterie lui avait fait une offre, et qu'elle avait commencé à travailler pour cette entreprise le 4 juillet 2006. Je tiens à souligner que cette déclaration figure dans la demande de prestations signée par la prestataire. Pour ce qui est de la pièce 5, il s'agit là du résumé d'une conversation téléphonique entre la prestataire et un agent de la Commission, préparé par l'agent en question mais non signé par la prestataire. Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire indique clairement que même si elle n'avait pas de confirmation d'emploi, on lui avait fait deux offres verbales qui se sont finalement avérées fondées puisqu'elle a commencé à travailler moins de neuf jours après avoir quitté son emploi au Nouveau-Brunswick.

La Commission a fait valoir que, selon le jugement de la Cour d'appel fédérale rendu dans l'arrêt A-123-03, la prestataire ne pouvait démontrer qu'elle avait l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat à moins d'avoir au préalable reçu une offre officielle de la part d'un employeur.

Voici un extrait de la décision du conseil arbitral :

« La prestataire a reçu deux confirmations d'emploi avant de quitter l'entreprise en soins de santé. Ces confirmations lui avaient été faites de vive voix.

La prestataire s'est rendue à Surrey, en Colombie-Britannique, parce qu'une amie lui avait dit qu'il y aurait un emploi pour elle sur place.

À son arrivée à Surrey, elle a décidé que cette grande ville ne lui convenait pas et elle a préféré accepter le deuxième emploi qui lui était offert, soit celui auprès de l'entreprise en foresterie à Morin Ville, en Alberta, emploi qui lui avait été confirmé par un ami très proche. »

Dans la décision CUB 49237, on peut lire ce qui suit sous la plume du juge Simpson :

« Dans la plupart des cas, un prestataire devrait avoir plus qu'une "croyance raisonnable" d'obtenir un emploi particulier avant d'avoir un motif valable pour quitter volontairement un emploi existant. La norme est objective (CUB 43599) et est décrite dans l'article 29(c)(vi) de la Loi comme une "assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat". Si cette norme veut dire qu'un prestataire devrait avoir une offre d'emploi concrète de son employeur, la Loi le préciserait. À mon avis, l'expression a été choisie pour accorder une certaine souplesse d'interprétation afin que chaque cas soit considéré sur ses propres faits pour déterminer si une assurance raisonnable existe. »

Toutefois, dans le cas visé par la décision CUB 53890, le juge Rouleau a conclu que même si l'employeur avait indiqué qu'il n'avait jamais promis d'emploi au prestataire, n'étant pas certain du moment où un poste se libérerait, ce dernier pouvait raisonnablement penser et présumer qu'il serait embauché au moment où il a décidé de déménager, notamment compte tenu du fait qu'il avait déjà reçu une formation de cet employeur. Le juge-arbitre a donc accueilli l'appel du prestataire.

La jurisprudence a clairement établi que c'est au conseil arbitral qu'il incombe d'établir les faits dans les questions liées à l'assurance-emploi, et que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier (A-547-01, A-600-93, A-115-94, A-255-95 et A-97-03).

Dans l'arrêt A-115-94, la juge Desjardins s'exprime comme suit :

« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité ».

Et dans l'arrêt A-97-03 (supra), on peut lire ce qui suit sous la plume du juge Sexton :

« Dans l'arrêt A-610-01 précité, la Cour a conclu que l'application de l'analyse pratique et fonctionnelle, lorsqu'un juge-arbitre examine une décision rendue par conseil, laquelle décision comporte une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) A-123-03, 2003 CAF 377, la Cour a également conclu que la question de savoir si un employé est fondé à quitter son emploi est une question mixte de droit et de fait qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, la Cour suprême a déclaré qu'une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l'a fait sur la base de la preuve soumise. »

Dans le cas qui nous occupe, le conseil a examiné la preuve et, se fondant sur les éléments de preuve présentés par la prestataire, en est venu à la conclusion que celle-ci avait l'assurance raisonnable d'un autre emploi lorsqu'elle a remis sa démission. Un fait très important dans ce cas-ci est que la prestataire a bel et bien décroché l'emploi dont lui avait parlé son ami avant qu'elle ne déménage dans l'Ouest. Je ne peux donc conclure que le conseil a commis une erreur de droit ni qu'il aurait pu en arriver à une autre conclusion que celle à laquelle il en est venu compte tenu des motifs qu'il a présentés.

Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.

La Commission n'a pas démontré que le conseil avait commis une telle erreur.

Par conséquent, l'appel est rejeté.

Guy Goulard

JUGE-ARBITRE

OTTAWA (Ontario)
Le 2 mai 2008