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  • CUB 70551

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par l'employeur à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Brandon (Manitoba) le 11 janvier 2008

    DÉCISION

    Le juge David G. Riche

    Le prestataire ne s'est pas présenté à l'audience devant le conseil arbitral qui devait déterminer s'il avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Selon l'information au dossier qui a été portée à la connaissance du conseil arbitral, le prestataire a été congédié en raison de nombreuses violations de la confidentialité et enquêtes menées par les Services à la famille.

    Le relevé d'emploi indique que le prestataire a travaillé du 7 mars 2006 au 11 novembre 2007. Une lettre de l'employeur mentionne que le prestataire a été suspendu avec traitement et la lettre de cessation d'emploi indique qu'il a été congédié en raison de nombreuses violations de la politique de confidentialité.

    L'employeur a affirmé que le prestataire avait commis plusieurs infractions et avait reçu des avertissements oraux. Il avait fait l'objet d'enquêtes relativement à des accusations d'abus et de négligence à l'égard des finances des clients. Lorsque le dernier incident s'est produit, l'employeur n'a eu d'autres choix que de congédier le prestataire.

    Le dernier incident a eu lieu lorsque le prestataire a écrit une lettre à un groupe communautaire local dans laquelle il divulguait des renseignements financiers confidentiels concernant un des clients de l'employeur. Ce dernier a affirmé que le prestataire demandait deux abonnements au hockey pour son client et lui-même, mais que le client ne pouvait payer qu'un des abonnements. Il a ajouté que le prestataire n'avait pas procédé de la bonne façon pour formuler sa demande et qu'il n'aurait jamais dû donner par écrit des renseignements financiers sur le client sans en avoir obtenu l'autorisation. L'employeur estimait qu'en demandant un abonnement pour lui-même, le prestataire obtenait un avantage personnel aux dépens d'un de ses clients.

    L'employeur a soumis des documents tirés du dossier du prestataire. Il s'agit d'une promesse de confidentialité signée le 13 avril 2000, d'une lettre de réprimande remise au prestataire le 3 novembre 2003 indiquant que s'il agissait de nouveau de façon inappropriée il serait congédié sur-le-champ, et d'une lettre de congédiement datée du 11 octobre 2007.

    Selon la Commission, la politique de confidentialité de l'employeur a été transgressée et cela constitue une inconduite au sens de la Loi parce que le prestataire connaissait la politique interdisant la divulgation de renseignements confidentiels et qu'il avait déjà été averti du fait qu'un manquement à cette politique entraînerait son congédiement.

    Le prestataire soutient qu'il a été congédié injustement. Le prestataire a également affirmé qu'il avait été congédié injustement en février 2005 et qu'à ce moment-là, l'assurance-emploi avait déterminé que son congédiement était injuste. Lorsque le prestataire est retourné travailler pour cet employeur, il était entendu que son dossier redeviendrait vierge et qu'il recommençait à travailler en tant que nouvel employé. Il croyait que son dossier personnel serait supprimé et qu'on en ouvrirait un autre. Le prestataire a affirmé qu'après avoir été réengagé il n'avait fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire avant le 28 octobre pour des raisons de cette nature.

    En ce qui concerne la question des billets de hockey, le prestataire a affirmé qu'il avait envoyé la lettre parce que son client adorait assister à des parties de hockey, mais que son revenu était limité. Il devait également payer un employé pour venir avec lui, de sorte qu'il n'avait pas les moyens d'y aller aussi souvent qu'il le désirait. Le prestataire a précisé qu'il avait demandé à ces organisations si elles étaient prêtes à faire don d'un abonnement si son client en achetait un.

    En ce qui concerne les mesures disciplinaires, le prestataire s'attendait à ce qu'on lui donne un avertissement verbal à la première infraction, un avertissement écrit à la deuxième infraction et à être congédié à la troisième infraction. Il a déclaré qu'il n'avait jamais reçu d'avertissement écrit ni signé de document indiquant qu'il avait reçu un avertissement.

    Le conseil arbitral a fait référence aux articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi, lesquels portent sur la question de l'inconduite. Il a également affirmé ceci : « Pour que l'acte reproché constitue une inconduite au sens de l'article 30 de la Loi, il doit être volontaire ou délibéré ou de nature si négligente qu'il semble volontaire. Il doit aussi y avoir une relation de cause à effet entre l'inconduite et le congédiement. »

    À la dernière page de sa décision, le conseil a affirmé que la lettre constituant la pièce 10-3 a été rédigée le 3 novembre 2003, qu'elle n'est par conséquent pas liée aux allégations présentées au conseil arbitral et qu'il n'existe certainement pas de relation de cause à effet. En outre, le conseil a déclaré ceci : « Le conseil se demande pourquoi l'employeur a réembauché le prestataire si celui-ci était si inadéquat en tant qu'employé qu'il avait fallu le congédier. Il est clair que la relation employeur-employé n'avait pas été entachée par la négligence ou l'insouciance volontaires du prestataire au point où celui-ci ne pouvait être réembauché. Les incidents précédents ne devraient donc pas être pris en considération en l'espèce. »

    Le conseil a conclu qu'aucune preuve ne démontrait que les gestes posés par le prestataire étaient volontaires ou du moins procédaient d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire qu'il a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

    Dans la lettre constituant la pièce 10-3, datée du 3 novembre 2003, l'Association a écrit ce qui suit au prestataire : « Nous avons trouvé une lettre que tous les employés et les participants au programme peuvent consulter sur l'ordinateur du bureau et dans laquelle vous tenez des propos très personnels au nom de Monica concernant les activités de l'Association. En raison de la gravité de votre geste, la présente lettre vous est remise à titre de réprimande verbale et écrite. De plus, votre période probatoire sera prolongée de six mois et prendra fin le 7 octobre 2004. Si vous agissez de nouveau de la sorte, vous serez congédié sur-le-champ. Veuillez noter que vous devez demander et obtenir une autorisation pour pouvoir utiliser l'équipement de l'Association à des fins personnelles et que dans ce dossier, tous les documents personnels doivent être retirés de l'ordinateur. » [Traduction]

    Dans son appel, l'employeur a déclaré ce qui suit au sujet de la décision du conseil arbitral : Le conseil arbitral a décidé d'accueillir l'appel parce qu'il n'y a aucune mention du nom du client (point 1) et que rien n'indique que des mesures disciplinaires progressives ont été prises (point 2).

    La question qui me préoccupe est que le conseil n'a pas pris en considération le fait que, lorsque le prestataire a été réembauché, il avait été convenu qu'aucun geste inapproprié ne serait toléré, contrairement à ce que le prestataire a soutenu en affirmant qu'il avait repris son emploi avec un dossier vierge. J'ai mentionné ce point clairement à l'enquêteur de l'assurance-emploi après avoir discuté avec l'ancien directeur général, qui avait accepté avec réticence de donner une deuxième chance au prestataire à condition qu'il y ait une entente de « tolérance zéro ». En connaissant la portée et la gravité des infractions du prestataire et son dossier, nous n'aurions pas dû lui donner une deuxième chance. Par conséquent, il y a, selon moi, une nette progression dans les mesures disciplinaires imposées. Aucun employeur, particulièrement ceux qui s'occupent d'une clientèle vulnérable, ne prendrait de décisions sans tenir compte du dossier d'emploi de l'employé concerné. » [Traduction]

    L'employeur souligne qu'il mène ses activités dans une petite localité et que la confidentialité est très importante. Il signale également que l'organisation devait répondre aux besoins de personnes vulnérables et assurer leur sécurité. L'employeur conclut par cette déclaration : « L'appel est fondé sur les incidents précédents et sur un déni de justice naturelle. Les droits et la sécurité des personnes vulnérables - qui ont besoin que nos anciens employés et nos employés actuels veillent à leur intérêt en agissant de façon fiable et sécuritaire - ont dû être pris en considération lorsqu'il a fallu prendre la décision de congédier le prestataire. » [Traduction]

    La Commission a avancé que plusieurs documents fournis par l'employeur décrivaient les nombreux incidents auxquels le prestataire aurait participé pendant qu'il occupait cet emploi. Le conseil a fait observer à juste titre que même si ces documents pouvaient être pertinents dans le cadre de cette demande, ils se rapportaient à deux périodes entièrement distinctes. Il a constaté qu'une première période a eu lieu avant qu'il soit congédié en 2005 et réengagé en 2006. La seconde période a donc débuté en 2006 et s'est terminée en novembre 2007. La Commission a indiqué que comme aucun argument n'a été présenté lors de l'audience, le conseil arbitral avait rendu sa décision uniquement sur la foi de l'information figurant au dossier.

    En ce qui concerne le déni de justice naturelle, on a fait parvenir un avis d'audience devant le conseil arbitral à l'employeur, mais rien au dossier n'indique que le courrier a été retourné et que les parties n'ont pas reçu l'avis. Selon la Commission, la décision du conseil d'accueillir l'appel n'est entachée d'aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire et l'appel de l'employeur doit être rejeté. La Commission a aussi fait référence aux commentaires additionnels formulés par l'employeur, qui ne constituent pas des faits nouveaux puisqu'ils auraient pu être présentés au conseil lors de l'audience. Le conseil était au courant du dernier incident qui avait mené au congédiement du prestataire et avait pris connaissance de l'information figurant au dossier sur les difficultés passées du prestataire avec son employeur.

    Je constate que dans sa décision, le conseil arbitral a déclaré que la lettre de l'employeur décrivant les raisons du congédiement fait référence à de nombreuses infractions. Il a ensuite souligné que l'inconduite n'est pas liée aux nombreuses violations de la confidentialité, mais plutôt à un seul geste, soit la rédaction d'une lettre à l'intention d'une association de hockey mineur. Il a conclu que l'employeur avait peut-être agi correctement en tenant compte des nombreuses infractions au moment de décider de congédier le prestataire. Cependant, en ce qui concerne la notion d'inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, le conseil a constaté que la lettre ne mentionne pas le nom de l'Association de hockey ni celui du client handicapé et mentionne seulement que le client a des fonds limités. Le conseil a également souligné que « fonds limités » est un terme très relatif et qu'il ne constitue pas une description. Le conseil a conclu qu'il n'y a pas eu de violation volontaire de la confidentialité. Le prestataire n'a pas volontairement omis de tenir compte des intérêts de l'employeur.

    J'ai examiné la décision du conseil arbitral et je suis convaincu qu'elle doit être confirmée. Lorsque j'ai lu la lettre adressée à l'Association de hockey mineur telle qu'elle a été rédigée par le prestataire, je n'y ai pas trouvé le nom du client et, par conséquent, je ne crois pas qu'il y a eu violation de la confidentialité. Le prestataire aurait pu parler de n'importe quelle personne dont s'occupait l'employeur.

    Après avoir analysé cette lettre, je ne suis pas convaincu que sa rédaction constitue une inconduite. En fait, j'estime que cette lettre a été rédigée avec discrétion, car elle est très générale et parle simplement d'un grand amateur de hockey. Or, j'imagine qu'ils sont nombreux au Canada.

    Après avoir examiné les motifs fournis par le conseil et la preuve portée à sa connaissance, j'estime que l'employeur n'a pas réussi à démontrer que le prestataire s'est rendu coupable d'inconduite en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi. Je n'observe aucune violation de la confidentialité dans cette lettre.

    Pour ces raisons, je suis convaincu que la décision du conseil arbitral doit être confirmée et que l'appel de l'employeur doit être rejeté.

    David G. Riche

    Juge-arbitre

    Le 29 mai 2008
    St. John's (Terrre-Neuve-et-Labrador)

    2011-01-16