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  • CUB 70567

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Saskatoon (Saskatchewan) le 5 juin 2007

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi, qui a pris effet le 20 mars 2005. Dans une lettre datée du 25 juin 2005, la Commission a informé le prestataire du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations qu'il avait touchées, et qu'elle lui infligeait une pénalité et lui donnait un avis de violation, parce qu'il avait fourni des renseignements faux ou trompeurs. Le 11 septembre 2006, la Commission a reçu une lettre du prestataire où il décrivait les circonstances entourant la perte de son emploi et, le 6 novembre 2006, elle lui a écrit pour l'informer du fait qu'elle maintenait sa décision. Cette lettre lui a été retournée; elle n'avait pu être livrée au prestataire. Le 16 avril 2007, la Commission a reçu la lettre d'appel de ce dernier.

    La Commission a refusé de prolonger la période de trente jours prévue pour interjeter appel de ses décisions, parce que le prestataire n'avait pas démontré qu'il avait des raisons spéciales justifiant son retard.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a rejeté l'appel. Le prestataire a alors appelé de cette décision. Cet appel a été instruit à Saskatoon (Saskatchewan) le 7 mai 2008, en présence du prestataire.

    Le prestataire a justifié son retard en indiquant qu'il se trouvait en prison, où il lui était difficile d'obtenir les ressources dont il avait besoin pour rédiger sa lettre d'appel. Il n'a pas précisé la date où il avait été incarcéré ni combien de temps il était resté en prison. Lorsque le prestataire a communiqué avec la Commission pour lui demander de réexaminer sa décision, il lui a donné une adresse à Edmonton (Alberta). C'est à cette adresse que la Commission lui avait envoyé une lettre le 6 novembre 2006, lettre qui lui a été retournée par le service postal. Le prestataire a indiqué qu'il avait déménagé à plusieurs reprises. Aux termes du paragraphe 50(9) de la Loi sur l'assurance-emploi, il incombait au prestataire de fournir à la Commission l'adresse postale de sa résidence. Les premières lettres que la Commission avait envoyées au prestataire pour l'informer de sa décision ne lui ont pas été retournées.

    Le prestataire s'est présenté devant le conseil arbitral et a indiqué qu'il n'avait pas interjeté appel plus tôt parce qu'il avait été incarcéré le 25 mars 2007. Il a expliqué de nouveau qu'il avait déménagé à plusieurs reprises; sa vie était mouvementée, et il ne voyait pas la nécessité de garder contact avec la Commission.

    Le conseil arbitral a examiné la preuve et a souligné que la Commission avait le pouvoir de prolonger la période prévue pour interjeter appel de ses décisions. Le conseil a rejeté l'appel du prestataire pour les raisons suivantes :

    Le conseil tient pour avéré que le prestataire n'était pas en prison lorsque les avis de décision lui ont été envoyés le 25 juin 2005 et lorsqu'il a envoyé sa lettre datée du 28 août 2006.

    La lettre du prestataire datée du 28 août 2006 prouve qu'il avait bel et bien reçu la lettre datée du 25 juin 2005 l'informant qu'il était exclu du bénéfice des prestations ainsi que l'avis relatif au processus d'appel de 30 jours.

    Le conseil conclut que le prestataire n'a pas prouvé qu'il avait des raisons spéciales pour retarder la présentation de son appel de 630 jours.

    Dans la lettre d'appel qu'il a adressée au juge-arbitre, le prestataire a expliqué de nouveau à quel point sa vie était mouvementée et a indiqué qu'il ne connaissait pas la marche à suivre pour interjeter appel. Il a donné une autre raison pour ne pas avoir interjeté appel plus tôt; il savait au départ qu'il n'avait rien fait de mal et considérait qu'il ne devrait pas être pénalisé pour une faute qu'il n'avait pas commise. Durant l'audience, le prestataire a présenté des arguments relativement à l'exclusion qui lui avait été imposée et à la pénalité qui lui avait été infligée. Il a indiqué qu'au moment où tout cela était arrivé, il était déprimé et n'avait pas bien saisi la gravité de la situation et l'importance d'interjeter appel.

    La Cour d'appel fédérale a indiqué, dans l'arrêt A-42-90, que la Loi sur l'assurance-emploi conférait à la Commission le pouvoir de prolonger la période d'appel au-delà des trente jours prévus, et ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre ne devaient intervenir pour modifier sa décision, à moins de pouvoir prouver que la Commission n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, c'est-à-dire en tenant compte de faits non pertinents ou en faisant abstraction de faits pertinents.

    Dans l'arrêt A-694-94, voici la définition qu'a donnée la Cour de l'expression « de manière judiciaire » :

    « L'avocat de la Commission reconnaît qu'un pouvoir discrétionnaire doit être exercé "judiciairement". J'entends par cela que si l'on parvient à établir que le décideur a agi de mauvaise foi, ou dans un but ou pour un motif irrégulier, qu'il a pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent ou qu'il a agi de manière discriminatoire, toute décision découlant de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire sera annulée. »

    Il est clairement établi dans la jurisprudence qu'un prestataire ne peut se justifier en déclarant simplement qu'il ignorait qu'il y avait une date limite pour interjeter appel, ou qu'il ne comprenait pas les décisions de la Commission ou n'était pas d'accord avec elles. Il incombe au prestataire d'agir comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'informer de ses droits et obligations au titre de la Loi, relativement à une demande (A-644-93 et A-172-85). Dans les lettres que la Commission a envoyées au prestataire pour l'informer de ses décisions initiales, il était indiqué que les gestes que ce dernier avait posés pourraient avoir des répercussions sur les demandes qu'il présenterait dans le futur et qu'il pouvait communiquer avec elle s'il souhaitait obtenir plus de renseignements. Il était également clairement indiqué qu'il disposait de trente jours pour interjeter appel de ses décisions. Ces lettres n'ont pas été retournées à la Commission. Le prestataire a attendu plus d'une année avant de faire part à la Commission de son désaccord concernant les décisions qu'elle avait rendues et de lui demander de les réexaminer, puis encore huit mois avant de communiquer de nouveau avec elle.

    Ce n'est pas sans raison que la Loi prévoit des limites relativement à certaines procédures. Dans la décision CUB 12818, le juge McNair explique très bien la raison d'être de ces exigences :

    « En promulguant des dispositions établissant les exigences relatives à une demande initiale de prestations, le législateur avait un but précis, c'est-à-dire s'assurer de l'administration efficiente et efficace du régime d'assurance-chômage. Ces dispositions ne sont ni inutiles ni superflues. Bien au contraire, elles font partie de la Loi et doivent être observées, à moins qu'un prestataire soit en mesure de prouver qu'il avait un motif le justifiant de ne pas le faire. »

    Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil ait omis d'observer l'un des principes de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.

    Dans l'arrêt A-547-01, le juge Létourneau a indiqué que le rôle d'un juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.

    Le prestataire n'a pas démontré que le conseil arbitral avait rendu une décision entachée d'erreur. La décision du conseil était, bien au contraire, tout à fait compatible avec la preuve qui lui avait été soumise et avec les dispositions législatives qui s'appliquent, selon l'interprétation qu'en donne la jurisprudence. Le prestataire a attendu vingt et un mois avant d'interjeter appel des décisions de la Commission.

    En conséquence, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 15 mai 2008

    2011-01-16