TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi
L.C. 1996, ch. 23
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à New Glasgow (Nouvelle-Écosse) le 19 avril 2007
Appel instruit à New Glasgow (Nouvelle-Écosse) le 14 mai 2008.
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
La prestataire a porté en appel la décision rendue par un conseil arbitral, lequel a rejeté son appel interjeté contre la décision de la Commission de l'exclure du bénéfice des prestations de chômage parce qu'elle n'était pas fondée à quitter son emploi volontairement.
La prestataire a quitté l'emploi qu'elle occupait à Woodstock (Ontario) pour déménager en Nouvelle-Écosse afin de prendre soin de sa soeur malade. Selon la preuve au dossier, aucun autre membre de la famille de sa soeur n'était dans une situation qui lui aurait permis de prodiguer à celle-ci les soins dont elle avait besoin.
La prestataire était elle-même malade au moment où l'audience devant le conseil arbitral a été tenue et elle n'a pas assisté à cette audience.
Le conseil arbitral s'est exprimé comme suit :
CONSTATATION DES FAITS ET APPLICATION DE LA LOI : Le fait en cause est que la prestataire a quitté son emploi volontairement pour retourner en Nouvelle-Écosse afin de prendre soin d'une soeur malade. La décision de quitter son emploi pour prendre soin d'un membre de sa famille atteint d'une maladie se fonde sur des motifs personnels et ne donne pas lieu à une justification au sens de la Loi. Le conseil constate que, selon une abondante jurisprudence établie, le fait de quitter son emploi pour prendre soin d'un membre de sa famille atteint d'une maladie s'appuie sur un motif purement personnel et ne correspond pas à une justification, au sens de la Loi. Le conseil note également que l'agent de l'assurance-emploi a cité des arrêts de la Cour fédérale et des décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) à titre de jurisprudence établie relative à des cas similaires à l'affaire en cause; il a conclu que, si la prestataire avait peut-être une bonne raison ou un motif valable pour quitter son emploi, elle ne répondait pas aux exigences plus strictes relatives à la justification, aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi.
[Traduction]
Le conseil n'a fourni aucune référence à l'appui de ce qu'il a appelé une « abondante jurisprudence établie ». Dans les observations écrites qu'elle a présentées au conseil arbitral, la Commission a affirmé qu'elle ne pouvait pas « considérer la soeur de la prestataire comme un membre de la famille immédiate, visé par l'article susmentionné de la Loi, à la lumière de la jurisprudence » [Traduction].
Les sous-alinéas 29c)(v) et 29c)(xiv) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoient ce qui suit :
c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
[...]
(v) nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent,
[...]
(xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
L'article 51.1 du Règlement sur l'assurance-emploi porte que :
Pour l'application du sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi, sont notamment prévues les circonstances raisonnables suivantes :
[...]
b) le prestataire est dans l'obligation de prendre soin d'un proche parent au sens du paragraphe 55(2).
L'article 55 du Règlement énumère les exceptions à la règle qui veut qu'un prestataire ne soit pas admissible au bénéfice des prestations tandis qu'il séjourne à l'étranger. Ces exceptions incluent une absence ne dépassant pas sept jours pour assister aux funérailles d'un proche parent, pour visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé, ou pour accompagner un proche parent pour un traitement médical suivi à l'étranger. Les personnes considérées comme des proches parents du prestataire sont listées au paragraphe 55(2). Les enfants du père ou de la mère du prestataire - c'est-à-dire les frères et soeurs ou demi-frères et demi-soeurs de ce dernier - figurent dans cette liste.
Il y a en outre lieu de noter que l'article de la Loi qui contient les dispositions sur le paiement limité de prestations de soignant, soit l'article 23.1, renferme une définition restrictive du terme « membre de la famille », définition à laquelle l'article 41.11 du Règlement sur l'assurance-emploi a donné une portée plus vaste, afin qu'elle inclue un grand nombre de catégories de personnes, dont les frères et soeurs. Selon le Canadian Oxford Dictionary, le terme « famille immédiate » désigne « les personnes dont les liens familiaux sont les plus rapprochés (habituellement les parents, enfants, époux et frères et soeurs » [Traduction].
On peut également citer la décision CUB 27081, qui a été rendue sous le régime d'une version antérieure de la Loi et qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt A-395-92.
Le conseil arbitral a omis de prendre en considération les sous-alinéa 29c)(v) et (xiv) de la Loi. La norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la décision correcte eu égard aux questions de droit. L'interprétation de la notion de justification donnée par le conseil ne respecte pas cette norme.
L'appel est accueilli.
Ronald C. Stevenson
JUGE-ARBITRE
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 6 juin 2008