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  • CUB 70719

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire de la décision d'un Conseil arbitral rendue le 11 juillet 2007 à St-Romuald (Québec).


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-397-08


    DÉCISION

    L'honorable R.J. Marin

    [1] Cet appel, entendu à Québec (Québec) le 5 juin 2008, est un appel représentatif qui vient lier environ 118 autres prestataires; ma décision viendra lier les personnes dont le nom apparaît à la pièce 13 du dossier d'appel. La pièce 13 constitue une liste complète des personnes assujetties à ma décision. Ma décision s'appliquera à tous mutatis mutandis.

    [2] Le conflit qui oppose la Commission et les prestataires en cause est une répartition des montants versés à certains employés d'une industrie relativement à une paye de vacances (à titre de dividende) versée le 24 octobre 2001; cette paye de vacances a été versée aux employés dont le nom apparaît à la pièce 13. Les vacances devaient être payées avant la mise en faillite. En raison de difficultés financières, l'entreprise était incapable de le faire. La pièce 15.6 prévoit le remboursement du montant accumulé sur les vacances, payé en même temps que la dernière paye. Le syndic explique, à la pièce 4, l'entente qui prévoit la paye de vacances en cas de cessation définitive des opérations.

    [3] La société avait déposé une demande en faillite; le syndic responsable chargé de l'obligation de liquider les biens de l'industrie s'est acquitté de certaines dettes dans la mesure où les avoirs de la compagnie pouvaient le faire. Ces dettes avaient une priorité. Le syndicat proteste que ce bénéfice devait être versé à chaque paye, selon la convention; le fait de faire un seul versement ne devrait pas déclencher la répartition.

    [4] Le prestataire avait reçu, en vertu du règlement avec le syndic, un montant de 1 420,97$ à titre de dividende de salaire. La répartition du montant réduit les bénéfices à partir de la semaine commençant le 4 novembre 2001.

    [5] Les prestataires s'opposent et à l'appui portent à mon attention la pièce 6 du dossier d'appel qui traite d'une convention collective qui vient énoncer clairement que le syndic et le syndicat s'entendent que le montant soit versé sur chaque paye. Si l'entente était soutenue, le résultat aurait pu être différent; toutefois, les événements ne se sont pas déroulés comme prévus. La faillite est intervenue et le contexte des ententes a changé.

    [6] La pièce 7.2 émise par la Cour supérieure du Québec le 24 octobre 2001 désigne un syndic relativement à la proposition de l'industrie et les choses changent, comme je l'ai constaté. Une consolidation des avoirs s'ensuit.

    [7] L'argumentation du représentant des prestataires devient complexe lorsque celui-ci vient assimiler la convention collective 2001-2003 au contexte de la proposition en faillite puisque celle-ci ne reflète aucunement le contexte de la convention collective. La Loi de la faillite met en échec les conventions collectives.

    [8] La Commission prend comme position que la répartition devait avoir lieu en raison des paragraphes 35 et 36 du Règlement et que les parties en causes ne contestent pas que les sommes en question constituent de la rémunération au sens du paragraphe 35. Le débat toutefois se situe à savoir si, en l'espèce, le paragraphe 36(19) trouve application.

    [9] Le paragraphe 36(19) traite d'une somme « payée ou payable » et il se lit comme suit :

    36. (19) La rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18) est répartie :

    a) si elle est reçue en échange de services, sur la période où ces services ont été fournis;

    b) si elle résulte d'une opération, sur la semaine où l'opération a eu lieu.

    [10] La prétention du procureur des prestataires est à l'effet que cet article ne trouve pas application et que je devrais plutôt étaler le montant versé sous une autre rubrique qui est moins restreinte dans son application, en l'occurrence, les sous-alinéas 36(1) à (18) plutôt que le paragraphe 36(19).

    [11] La décision majoritaire du Conseil arbitral note l'argumentation du prestataire mais refuse l'interprétation du syndicat. Pour ma part, je m'en remets à la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire A-560-94 et la décision du juge MacKay dans le CUB 40137.

    [12] En un premier temps, dans le CUB 25305, les circonstances sont presque identiques au présent dossier, et le juge-arbitre Rouleau, qui a traité de la décision, mentionne à la page 2 de sa décision :

    Il ne fait aucun doute, à mon avis, qu'un syndic de faillite qui reprend les activités d'une entreprise en faillite n'est pas le même employeur. Il agissait au nom du porteur de débentures, la Banque qui, en raison des titres de créances qu'elle détenait, avait le droit de reprendre les actifs de l'industrie laquelle était sans contredit en défaut. Certains éléments de preuve versés au dossier indiquent que le syndicat a négocié avec le procureur du syndic afin d'en arriver à une nouvelle entente puisque le syndic voulait que les employés retournent au travail pour terminer certaines des maisons préfabriquées. Les éléments de preuve de ce dossier particulier montrent un arrêt de rémunération puisqu'il y avait eu une interruption de l'emploi de 17 jours, délai beaucoup plus long que les sept jours requis avant que l'arrêt de rémunération n'entre en vigueur. Il est manifeste que les 4 000 $ versés à cet employé, moins les retenues d'impôt, l'ont été par l'entremise du Programme de protection des salaires des employés de l'Ontario. Si je comprends bien, ce programme fournit une indemnité de départ au titre de préavis lorsqu'une entreprise fait faillite. Le montant versé varie en fonction des années de service de chaque employé. De toute évidence, ces montants n'ont pas été versés par la Banque ni tirés d'un fonds spécial visant à protéger les employés de l'industrie, ni versés par le syndic. Ces sommes ont été versées aux employés grâce au Programme de protection des salaires des employés de l'Ontario, et ces versements ne sont faits que dans le cas d'une faillite; celle-ci a eu lieu le 5 octobre 1990, et non pas le 14 décembre suivant.

    Le paragraphe 58(9) du Règlement prévoit, en partie, les dispositions suivantes :

    58.(9) Sous réserve des paragraphes (9.1) et (10), toute rémunération payée ou payable à un prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la nature de la rémunération et de la période pour laquelle elle est censée être payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi...

    Je suis convaincu que les 3 600 $ reçus par le prestataire étaient payables au moment de la cessation d'emploi, au moment de la faillite, et non pas en raison de la mise à pied par le syndic le 14 décembre 1990. Cette somme devrait donc être répartie à partir de la date de la faillite, c'est-à-dire le 5 octobre 1990.

    [13] La Cour d'appel fédérale n'est pas intervenue et a affirmé la décision du juge Rouleau; non seulement la décision est affirmée mais elle confirme certains courants jurisprudentiels. Je m'en remets à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire A-560-94 où le juge Hugessen écrivait ce qui suit :

    Nous sommes tous d'avis qu'il était loisible à l'arbitre et à la majorité des membres du conseil arbitral de conclure, au vu des documents soumis, que l'emploi de l'intimé avait pris fin au moment où son employeur avait fait faillite. Qu'aux termes du paragraphe 57(6) de la Loi sur l'assurance-chômage, le syndic soit réputé être le mandataire du failli ne change rien au fait que l'embauchage subséquent de l'intimé par le syndic a été fait en vertu d'un nouveau contrat de travail signé dans le cadre d'une nouvelle convention collective conclue entre le syndicat et le syndic après la date de la faillite. À l'évidence, il s'agissait pour l'intimé d'un emploi différent. Il s'ensuit que le paiement qu'a reçu ce dernier dans le cadre du Programme de protection des salaires des employés de l'Ontario résultait du fait qu'il avait cessé de travailler par suite de la faillite, et que ce paiement a été affecté à bon droit aux semaines suivant la date de la faillite.

    [14] Dans la décision du juge MacKay, siégeant à titre de juge-arbitre dans le CUB 40137, plus particulièrement, le contexte de cette décision ainsi que le paragraphe suivant que l'on retrouve à la page 2 de 3 ainsi que sa conclusion :

    Pour ces raisons, la seule question qui demeure dans le présent appel est de savoir si les paiements ont été répartis correctement. Dans l'affaire du 6 février 1996, dossier A-560-94, la Cour d'appel fédérale a conclu que les gains tirés du régime de protection du salaire des employés de l'Ontario étaient déclenchés par la cessation d'emploi du prestataire attribuable à la faillite de l'employeur et qu'ils avaient été répartis de façon appropriée aux semaines suivant la date de la faillite. Dans la présente affaire, la date coïncide avec la première semaine suivant la cessation d'emploi du prestataire. Ainsi, les fonds du régime de protection du salaire ont été répartis correctement comme rémunération commençant le 17 février 1991, comme l'exige l'article 58(9) du Règlement.

    [...]

    En accord avec la décision de la Cour d'appel dans l'affaire A-560-94, la période de répartition coïncidait avec les neufs premières semaines de la période de prestations d'assurance-chômage, qui a commencé en 1991. Cette répartition rétroactive n'a pas été empêchée par le passage du temps, et la Commission était obligée, à la découverte du paiement des fonds du régime de protection du salaire, de les répartir et de demander le recouvrement du trop-payé de prestations d'assurance-chômage qui en découle.

    [15] En l'espèce, le règlement peut sembler difficile à accepter pour un justiciable, mais il s'agit d'un règlement auquel a consenti le Gouverneur en Conseil. Son application, à mon avis, est bien établie, en l'espèce. Je ne peux écarter la décision du Conseil pour donner droit à la revendication des prestataires.

    [16] Je rejette donc l'appel du prestataire et des autres qui se sont joints à cet appel représentatif. La décision majoritaire du Conseil est affirmée ainsi que l'avis de la Commission.

    R.J. Marin

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 30 juin 2008

    2011-01-16