CUB 70996
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EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 17 janvier 2008 à Gaspé, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, juge-arbitre
La prestataire a travaillé pour un hôtel jusqu'au 29 septembre 2007. Elle a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi qui fut établie à compter du 30 septembre 2007. La Commission a déterminé que la prestataire avait travaillé ailleurs dans la vente, qu'elle avait quitté cet emploi le 29 juin 2007 sans justification et que ceci ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée à compter du 29 juin 2007. La Commission a également déterminé qu'après avoir quitté son emploi sans justification, la prestataire n'avait pas accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable requis pour faire établir une période de prestations. Elle n'avait accumulé que 301 heures d'emploi assurable et le minimum requis en vertu du paragraphe 7(2) de la Loi sur l'assurance-emploi pour être admissible aux prestations était 420 heures.
La prestataire en appela des décisions de la Commission devant un Conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission a porté la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Percé, Québec le 24 juillet 2008. La prestataire n'était pas présente mais elle était représentée par avocate.
Dans sa demande de prestations ainsi qu'aux pièces 5 et 7, la prestataire indiquait qu'elle avait laissé un emploi à temps partiel où elle travaillait environ 20 heures par semaine pour accepter un emploi à temps plein mais qui était saisonnier. L'emploi qu'elle avait accepté offrait aussi un meilleur salaire et était plus près de sa résidence. Comme l'emploi était saisonnier, la prestataire prévoyait retourner aux études.
Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire indiquait qu'elle avait quitté son emploi de vendeuse dans le seul et unique but d'améliorer sa situation et que le travail chez son nouvel employeur rencontrait en tous points ses aspirations pour son avenir. Elle était inscrite en éducation pour adultes afin de terminer son Secondaire V dans le but de se diriger à une école d'hôtellerie. Elle soulignait qu'un emploi de vendeuse était mal rémunéré et peu valorisant. De plus, ce travail offrait peu de perspectives pour son futur. Elle avait donc pris la décision de travailler chez son nouvel employeur pour se permettre d'envisager un avenir plus prometteur.
La prestataire s'est présentée devant le conseil arbitral accompagnée de son avocate. Elle a indiqué qu'elle avait confirmé son emploi chez l'hôtel avant de quitter son ancien emploi. Elle a aussi déclaré qu'elle était assurée d'avoir un emploi chez son nouvel employeur dès la reprise des activités après la saison hivernale, soit en mai 2008.
Le conseil arbitral a revu et résumé la preuve au dossier et celle présentée à l'audience. Le conseil a souligné que la prestataire devait prouver qu'elle n'avait pas d'autres solutions raisonnables que de quitter son emploi dans ses circonstances. Le conseil a aussi fait référence à la décision du juge Stevenson dans le CUB 64045 où ce dernier indiquait que le fait de quitter un emploi à temps partiel pour accepter un emploi saisonnier mais mieux rémunéré pouvait constituer dans certains cas une justification pour ce faire. Le conseil avait considéré la situation de la prestataire qui est similaire à celle dans le CUB 64045. Le conseil a conclu que la prestataire avait démontré de façon efficace que tout ce qu'elle avait fait pour améliorer sa situation était très logique. Le conseil arbitral a accueilli l'appel de la prestataire.
En appel de la décision du conseil arbitral, la Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en décidant que la prestataire avait établi une justification au sens de la Loi sur l'assurance-emploi pour avoir quitté son emploi dans la vente puisqu'elle avait quitté un emploi permanent pour en accepter un qu'elle savait être saisonnier et qui allait se terminer dans un avenir prochain pour la saison hivernale. La Commission a soumis que la jurisprudence a bien établi que le fait de quitter un emploi permanent pour en accepter un autre qui est saisonnier et qui doit se terminer dans un avenir rapproché ne constitue pas une justification au sens de la Loi pour avoir quitté un emploi. La Commission a aussi soumis que le conseil arbitral avait erré en négligeant de déterminer si le départ volontaire représentait pour la prestataire la seule solution raisonnable dans ses circonstances.
L'avocate de la prestataire a souligné que la prestataire avait quitté un emploi de vendeuse à temps partiel afin d'accepter un emploi plus rémunérateur et plus près de chez elle dans le but d'améliorer ses chances d'avoir un meilleur avenir. Elle a aussi souligné que la prestataire avait l'assurance de travailler pour son nouvel employeur dès le début de la saison 2008 et qu'il s'agissait donc d'un emploi permanent. L'avocate de la prestataire a aussi indiqué que la Cour fédérale d'appel dans le A-75-07 avait déterminé que le fait de quitter un emploi à temps partiel pour en accepter un qui était permanent mais saisonnier pouvait dans certaines circonstances constituer une justification au sens de la Loi sur l'assurance-emploi pour avoir quitté ce premier emploi. Elle a soumis que le fait de quitter son emploi à temps partiel représentait pour la prestataire la seule façon de changer de carrière et de s'assurer un meilleur avenir. Elle a aussi souligné la situation difficile dans le marché du travail en Gaspésie où les emplois sont souvent saisonniers. Elle a soumis que le conseil avait bien fondé sa décision sur l'ensemble de la preuve présentée et que l'appel de la Commission devrait être rejeté.
Dans ce dossier, le conseil devait déterminer si la prestataire avait établi une justification au sens du paragraphe 29(c) de la Loi sur l'assurance-emploi et si son départ volontaire représentait la seule solution raisonnable dans son cas. Dans sa conclusion, le conseil arbitral a souligné que la prestataire devait prouver qu'elle n'avait pas d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand elle l'a fait. En accueillant l'appel du prestataire, le conseil a, de toute évidence, conclu que tel était le cas.
Dans la décision A-75-07, rendue la journée même où le conseil arbitral rendait sa décision dans le cas de la prestataire, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question de la justification pour laisser un emploi permanent pour accepter « un autre emploi permanent, mais saisonnier, plus rémunérateur ». La Cour avait indiqué qu'entre autres, les circonstances à l'égard du moment du départ volontaire ainsi que le nombre de semaines restant dans la période avant l'arrêt de travail saisonnier étaient pertinents à la question de la justification au sens de la Loi pour avoir quitté l'emploi. La Cour avait aussi fait référence à la possibilité que le nouvel emploi vers lequel se dirigeait le prestataire était un emploi permanent même s'il était saisonnier.
Devant moi, l'avocate de la prestataire a souligné l'aspect régional des problèmes d'emploi en Gaspésie. Cette question avait d'ailleurs été soulevée dans deux autres dossiers présentant des situations analogues durant la même semaine d'audience dans la région gaspésienne. Elle a souligné que la prestataire travaille toujours pour le même employeur.
Dans le processus de révision et d'appels en matière d'assurance-emploi, le législateur a prévu un tribunal constitué de trois membres de la communauté de la région du prestataire. Ceci assure que ce tribunal sera au courant, et tiendra compte, des circonstances régionales pertinentes aux questions en litige.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt A-1036-96:
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »
La jurisprudence (A-547-01, A-600-93, A-115-94, A-255-95 et A-97-03) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt A-115-94 (supra) la juge Desjardins écrivait:
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »
Dans l'arrêt A-547-01 (supra), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.
Et plus récemment, dans le A-97-03 (supra), le juge Sexton ajoutait:
« Dans l'arrêt A-610-01, précité, la Cour a conclu que l'application de l'analyse pratique et fonctionnelle, lorsqu'un juge-arbitre examine une décision rendue par conseil, laquelle décision comporte une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) A-123-03, 2003 CAF 377, la Cour a également conclu que la question de savoir si un employé est fondé à quitter son emploi est une question mixte de droit et de fait qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.
Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, la Cour suprême a déclaré qu'une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l'a fait sur la base de la preuve soumise. »
Dans la présente affaire, le conseil a bien résumé et analysé la preuve au dossier et à l'audience. Malheureusement, la décision du conseil est quelque peu laconique. Toutefois, le conseil a souligné les circonstances qui avaient porté la prestataire à laisser son emploi à temps partiel pour en accepter qui serait permanent à un salaire plus élevé dans le domaine où elle voulait faire carrière.
La décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier et à l'interprétation de la Cour d'appel fédérale dans le A-75-07 (supra) de la question de la justification dans des circonstances telles celles de la prestataire dans ce dossier.
Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et que cette décision est déraisonnable, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 8 août 2008