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  • CUB 71047

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'un appel interjeté par le prestataire devant le juge-arbitre à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Red Deer (Alberta) le 7 septembre 2007

    DÉCISION

    Le juge-arbitre Max M. Teitelbaum

    Le prestataire interjette le présent appel à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral, qui a confirmé la décision de la Commission selon laquelle la demande d'antidatation du prestataire devait être rejetée parce que ce dernier n'avait pas montré qu'il avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande de prestations aux termes de l'article 10 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Le 19 juin 2007, le prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi, qui a pris effet le 17 juin 2007 (pièce 2). Dans sa demande, le prestataire a indiqué que sa dernière journée de travail avait été le 28 mars 2007 (pièce 2-5). Lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il avait tardé à présenter sa demande, le prestataire a répondu qu'il avait agi ainsi parce qu'il croyait qu'il pourrait retourner travailler pour la même entreprise de forage peu après sa mise à pied. Le prestataire a souhaité que sa demande soit antidatée pour qu'elle prenne effet le 1er avril 2007 (pièce 3).

    À la lumière des renseignements qui lui ont été transmis, la Commission a conclu que le prestataire n'avait pas montré qu'il avait, pendant toute la période où il avait tardé à présenter sa demande de prestations, un motif valable pouvant expliquer son retard. Selon la Commission, rien n'indiquait que quoi que ce soit avait empêché le prestataire de communiquer avec le bureau d'assurance-emploi pour obtenir des conseils sur la procédure à suivre pour présenter une demande de prestations. Pour cette raison, la Commission a rejeté la demande d'antidatation du prestataire aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi (pièce 4).

    Le prestataire a interjeté appel devant un conseil arbitral en faisant valoir qu'il avait tardé à présenter sa demande parce qu'il ne connaissait rien à l'informatique et qu'il avait eu de la difficulté à trouver quelqu'un qui pouvait l'aider à présenter sa demande. Il a ajouté que son ancien employeur se montrait toujours évasif lorsqu'il lui demandait à quel moment il pourrait retourner au travail.

    Le conseil arbitral a rejeté l'appel du prestataire pour un certain nombre de raisons, notamment les suivantes :

    Le prestataire qui veut demander des prestations pour une période antérieure doit d'abord prouver qu'il était admissible aux prestations à partir du début de la période pour laquelle il veut recevoir des prestations, puis prouver qu'il avait un motif valable pour ne pas présenter sa demande pendant toute la période en question. Il doit démontrer qu'il a agi comme une personne raisonnable l'aurait fait dans la même situation pour s'assurer de ses droits et obligations découlant de la Loi.

    En l'espèce, le prestataire a dit qu'il avait présenté sa demande en retard parce qu'il ne pensait pas que le puits de pétrole où il travaillait serait fermé pendant aussi longtemps (pièce 3). Dans son avis d'appel, il ajoute qu'il est incapable de travailler avec un ordinateur et qu'il ne savait pas qu'il n'avait que quatre semaines pour présenter sa demande de prestations (pièce 5).

    L'arrêt [...] (A-172-85) de la Cour fédérale se lit comme suit :

    « [L]e motif valable de retard vise la manière d'agir du prestataire ».

    Il appartient toujours au prestataire de prendre connaissance de ses droits et obligations lorsqu'il présente une demande de prestations et qu'il en reçoit. D'après la jurisprudence, l'ignorance de la loi n'est pas une excuse pour le prestataire qui n'a pas pris des mesures raisonnables et qui ne s'est pas informé auprès de la Commission ou d'une autre façon de la nécessité de présenter une demande de prestations immédiatement après avoir perdu son emploi.

    En l'espèce, le prestataire n'a pas présenté sa demande de prestations avant le 19 juin 2007 (pièce 2).

    Le conseil conclut donc que le prestataire n'a pas prouvé qu'il avait un motif valable justifiant sa demande d'antidatation pour la période du 1er avril au 19 juin 2007.

    Le conseil a par ailleurs trouvé le prestataire sincère et crédible.

    Le prestataire interjette maintenant appel devant un juge-arbitre, invoquant les trois motifs énoncés au paragraphe 115(2) de la Loi, à savoir que le conseil n'a pas observé un principe de justice naturelle, qu'il a commis une erreur de droit en rendant sa décision et qu'il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Il ne donne toutefois aucun détail supplémentaire.

    Le paragraphe 10(4) de la Loi permet à un prestataire, dans certaines circonstances, de présenter sa demande initiale après la date où elle aurait dû être présentée. Pour que sa demande soit antidatée, le prestataire doit établir, d'une part, qu'il était admissible au bénéfice des prestations à la date demandée et, d'autre part, qu'il avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande entre la date d'antidatation demandée et la date à laquelle il a présenté sa demande (Canada (P.G.) A-371-93, [1994] A.C.F. No 359 (C.A.F.)).

    La question qui se pose le plus souvent dans les affaires d'antidatation est celle de déterminer si le prestataire a montré qu'il avait un « motif valable » pour tarder à présenter sa demande. Pour montrer qu'il avait effectivement un « motif valable », le prestataire doit démontrer qu'il a fait ce qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances pour clarifier sa situation d'emploi ou pour s'enquérir des droits et obligations que lui confère la Loi. Il faut juger chaque cas à la lumière des faits qui lui sont propres, ce qui signifie qu'il n'existe pas de principe clair et facilement applicable en la matière (Canada (P.G.) A-172-85, [1985] 1 C.F. 710 (C.A.F.); Canada (P.G.) A-395-85, [1986] A.C.F. No 85 (C.A.F.); Canada (P.G.) A-549-92, [1993] 3 C.F. D-10 (C.A.F.); Canada (P.G.) A-360-95, [1996] A.C.F. No 179 (C.A.F.); A-205-96 Canada (P.G.), [1997] A.C.F. No 1136 (C.A.F.); Canada (P.G.) A-242-05, [2005] A.C.F. No 1850 (C.A.F.)).

    Pour montrer l'existence d'un motif valable, il n'est pas nécessaire que le prestataire prouve que des circonstances indépendantes de sa volonté l'ont empêché de présenter sa demande plus tôt. Le prestataire doit plutôt démontrer qu'il a fait ce qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances (A-175-87 Canada (P.G.), [1988] A.C.F. No 269 (C.A.F.); Canada (P.G.) A-360-95, [1996] A.C.F. No 179 (C.A.F.)).

    En l'espèce, le conseil a appliqué le bon critère juridique mais a conclu que les éléments de preuve au dossier ne permettaient pas d'établir que le prestataire avait agi comme une personne raisonnable l'aurait fait, étant donné qu'il lui incombait de s'enquérir de ses droits et de ses obligations en matière d'assurance-emploi.

    J'ai examiné les éléments de preuve portés à ma connaissance et je dois conclure que la décision du conseil arbitral est erronée. Premièrement, la preuve indique que le prestataire a continué de communiquer avec son employeur pour savoir quand il pourrait recommencer à travailler, mais qu'on l'a mal informé. En outre, le prestataire croyait que sa mise à pied serait de courte durée. Le conseil arbitral a d'ailleurs accepté la déclaration du prestataire et a trouvé ce dernier crédible et sincère. Deuxièmement, il a été établi que le prestataire a pris des mesures pour présenter sa demande. En effet, le prestataire savait qu'il pouvait utiliser le système TELEDEC pour présenter sa demande, mais il s'est rendu compte qu'il n'était pas assez habile en informatique pour le faire lui-même. Il a donc demandé de l'aide, ce qui a pris un certain temps. Enfin, il faut noter que le prestataire n'a pas beaucoup tardé à présenter sa demande. En effet, il est vrai qu'il a attendu deux mois après sa dernière journée de travail pour présenter sa demande, mais on accorde habituellement un délai de grâce de quatre semaines aux prestataires, entre la date de cessation d'emploi et la date à laquelle ils présentent leur demande. En résumé, il existe en l'espèce des circonstances montrant que le prestataire avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande et qu'il a fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans sa situation.

    Pour les raisons susmentionnées, l'appel est accueilli.

    Max M. Teitelbaum

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 2 septembre 2008

    2011-01-16