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  • CUB 71256

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 19 décembre 2007 à Moncton (Nouveau-Brunswick)

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour une société jusqu'au 1er septembre 2007. Il a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi qui a pris effet le 2 septembre 2007. La Commission a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et elle l'a exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée à partir du 2 septembre 2007. La Commission a en outre déterminé que le prestataire n'était pas disponible pour travailler parce qu'il suivait un cours de formation auquel il s'était inscrit de son propre chef. La Commission l'a donc déclaré non admissible au bénéfice des prestations pour une période indéterminée, en vertu de l'alinéa 18a) de la Loi sur l'assurance-emploi, à compter du 5 septembre 2007.

    Le prestataire a interjeté appel des décisions de la Commission devant un conseil arbitral, qui a rejeté l'appel relativement à la question de la disponibilité du prestataire pour travailler, mais qui l'a accueilli relativement à la question de la justification pour quitter son emploi. La Commission a interjeté appel devant le juge-arbitre de la décision du conseil. Cet appel a été instruit à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le 30 septembre 2008. Bien qu'un avis d'audience ait été envoyé au prestataire, celui-ci ne s'est pas présenté à l'audience et n'a communiqué ni avec le Bureau du juge-arbitre ni avec la Commission. Selon la Commission, le conseil arbitral a commis une erreur de droit et de fait en concluant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

    Les faits en l'espèce ne sont pas contestés. Le prestataire travaillait dans l'aire de service pour automobiles dans l'établissement de son employeur. Il a laissé un de ses amis entrer dans l'aire de service pour effectuer des travaux sur sa propre voiture. Aucun détail n'a été fourni en ce qui concerne la nature du travail effectué par l'ami du prestataire et l'équipement ou le matériel de l'employeur que l'ami en question aurait utilisé.

    La représentante de l'employeur a affirmé qu'il y avait des indications sur chaque porte de baie qui indiquaient que les personnes non autorisées et les clients n'étaient pas admis dans l'aire de service. L'employeur avait également adopté des mesures concernant le non-respect des politiques de sécurité. Il convient de noter que dans les commentaires qu'elle a formulés à l'intention d'un agent de la Commission, la représentante de l'employeur a affirmé que l'incident qui avait mené au congédiement du prestataire était très malheureux et que le prestataire était un très bon employé bien apprécié. À la suite de l'incident, le prestataire a été encadré dans l'espoir qu'il puisse continuer de travailler à cet endroit. Elle a également affirmé qu'on avait essayé de préserver l'emploi du prestataire, mais que le « district » avait décidé que compte tenu de la sévérité de l'infraction et de la gravité de la situation, il fallait congédier le prestataire même s'il n'y avait pas eu d'autres incidents antérieurement.

    Dans sa lettre d'appel à l'intention du conseil arbitral, le prestataire a reconnu qu'il avait laissé un ami utiliser l'aire de service chez son employeur. Il a indiqué qu'il ignorait complètement que ce geste pourrait entraîner son congédiement et que si cela était une possibilité, l'employeur aurait dû être très clair sur ce point. Il a souligné qu'il avait travaillé pour cet employeur pendant trois ans et qu'il était un très bon employé. Il n'avait jamais demandé de prestations d'assurance-emploi.

    Le prestataire ne s'est pas présenté devant le conseil arbitral, qui a examiné la preuve et accueilli l'appel relativement à la question du congédiement pour inconduite. Voici les motifs de sa décision :

    « À cet égard, il arrive souvent qu'un demandeur puisse être congédié pour cause d'inconduite, mais que l'inconduite en question ne corresponde pas nécessairement à une inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploi et de son règlement d'application, ainsi que le fait remarquer la décision CUB 16547.

    Le juge McNair a cité la décision CUB 21645 selon laquelle les erreurs de jugement ne constituent pas une inconduite, et le juge Grant a déclaré dans la décision CUB 9618 qu'une erreur de jugement est bien différente d'une inconduite et ne justifie ni un congédiement ni la perte de prestations en vertu de la Loi. Par conséquent, le conseil constate que les actes du demandeur et la gravité de son intention en commettant cette première erreur de jugement étaient peut-être contraires aux règles de l'employeur, mais qu'on peut difficilement conclure qu'ils étaient inconsidérés au point de friser l'insouciance ou délibérés au point d'être inexcusables. Le conseil doit faire preuve d'humanité en l'espèce et affirmer qu'au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, le demandeur n'a pas perdu son emploi en raison de son inconduite. »

    Dans son appel à l'encontre de la décision du conseil arbitral, l'avocate de la Commission a indiqué qu'on lui avait donné la directive de soutenir que le conseil avait rendu une décision entachée d'une erreur de droit.

    En l'espèce, le prestataire avait soutenu qu'il n'était pas au courant de la politique de l'employeur concernant les gestes qui ont mené à son congédiement. Dans l'arrêt A-72-02, la Cour d'appel fédérale a annulé la décision de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral, laquelle, jusqu'à un certain point, était fondée sur une situation semblable au cas qui nous occupe. La Cour a soutenu qu'il n'était pas manifestement déraisonnable de la part du conseil de conclure que la Commission n'avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire savait qu'il serait probablement congédié s'il ne respectait pas une politique de l'entreprise, ou faisait preuve d'insouciance en l'ignorant. Dans ses motifs, le juge Evans a indiqué ce qui suit :

    « La Cour est d'avis que le juge-arbitre a commis une erreur de droit en infirmant la décision du Conseil. La Cour n'est pas convaincue que le Conseil a mal interprété la signification du mot "inconduite" figurant au paragraphe 30(1). L'alinéa 115(2)c) de la Loi sur l'assurance-emploi autorise un juge-arbitre à accueillir un appel lorsque la décision du Conseil est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La question en litige en l'espèce est de savoir quel était l'état d'esprit du prestataire : savait-il qu'il serait probablement congédié s'il se faisait prendre à fumer de la marijuana dans les locaux de la société après la fin de son travail ou a-t-il fait preuve d'ignorance volontaire à cet égard? Il s'agit là d'une question purement de fait et, par conséquent, elle ne pouvait faire l'objet d'un appel au juge-arbitre qu'en vertu de l'alinéa 115(2)c). »

    Il est important de souligner que l'employeur direct du prestataire ne l'aurait pas congédié, mais que cette décision a été prise au niveau du district et repose sur le fait que le prestataire a enfreint une des politiques de l'employeur. Il n'y a aucune preuve qui démontre en quoi cette infraction pourrait avoir nui à l'employeur.

    Il est bien établi dans la jurisprudence que dans les cas d'inconduite qui justifient de déclarer un prestataire non admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi, il faut que les actes aient été posés volontairement et sans tenir compte des répercussions qu'ils auraient sur le rendement du prestataire au travail. Comme le juge MacGuigan le mentionne dans l'arrêt A-381-85, l'inconduite doit être de la nature d'un « comportement indésirable qui n'équivaut pas exactement au véritable chômage auquel la Loi entend remédier ». Dans sa décision, le juge MacGuigan a déclaré ce qui suit :

    « Le juge-arbitre a eu raison de conclure que, pour constituer de "l'inconduite", les actes reprochés doivent avoir été volontaires, ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Cette conclusion est appuyée par la définition fournie dans le dictionnaire pour le mot "inconduite", qui, dans un contexte de travail, désigne le "mépris délibéré et volontaire des intérêts de l'employeur". Il est encore plus important de remarquer que l'idée derrière l'article 41(1) est d'imposer une inadmissibilité en guise de châtiment pour un comportement indésirable qui n'équivaut pas exactement au véritable chômage auquel la Loi entend remédier. Cette idée sous-entend nécessairement la présence d'un élément psychologique, soit un caractère délibéré, soit une conduite à ce point insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré. »

    Et dans l'arrêt A-94-95, le juge Pratte a déclaré ce qui suit :

    « L'inconduite dont parle l'article 28(1), et qui, comme le fait de quitter volontairement son emploi, entraîne, suivant l'article 30.1, l'exclusion du prestataire du bénéfice des prestations pour toute la durée de sa période de prestations, n'est pas un simple manquement de l'employé à n'importe quelle obligation liée à son emploi; c'est un manquement d'une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement. »

    (c'est moi qui souligne)

    (L'article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage est maintenant l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi).

    Dans la présente affaire, le prestataire ne savait pas que son comportement pouvait entraîner son congédiement. Ce point de vue a également été confirmé par son supérieur immédiat. Comme je l'ai déjà mentionné, il n'y a aucune preuve que l'employeur a subi des dommages ni qu'il y a eu des conséquences négatives sur le rendement du prestataire.

    Il est clairement établi dans la jurisprudence que le conseil arbitral est le principal juge des faits dans les affaires relatives à l'assurance-emploi, et que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec la preuve portée à sa connaissance (A-547-01, A-600-93, A-115-94, A-255-95 et A-97-03).

    Dans l'arrêt A-97-03 (précité), le juge Sexton a déclaré ce qui suit :

    « Dans l'arrêt A-610-01, précité, la Cour a conclu que l'application de l'analyse pratique et fonctionnelle, lorsqu'un juge-arbitre examine une décision rendue par conseil, laquelle décision comporte une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans l'arrêt Canada (Procureur général), 2003 CAF 377, la Cour a également conclu que la question de savoir si un employé est fondé à quitter son emploi est une question mixte de droit et de fait qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

    Dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, la Cour suprême a déclaré qu'une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l'a fait sur la base de la preuve soumise. »

    Comme je l'ai déjà mentionné, la décision du conseil arbitral en l'espèce est entièrement compatible avec les éléments de preuve portés à sa connaissance.

    La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a rendu une décision entachée d'une erreur.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 17 octobre 2008

    2011-01-16