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  • CUB 71377

    TRADUCTION

    Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi
    L.C. 1996, ch. 23

    et

    d'une demande de prestations

    et

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Richmond Hill (Ontario) le 19 février 2008


    Appel instruit à Toronto (Ontario) le 22 octobre 2008.


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-630-08


    DÉCISION

    Le juge-arbitre R. C. STEVENSON

    La Commission porte en appel la décision d'un conseil arbitral d'accueillir l'appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision modifiée rendue le 3 novembre 2007, selon laquelle il faut répartir la rémunération provenant de son travail indépendant, soit 814 $ par semaine, sur les 22 semaines comprises entre le 6 mars et le 6 août 2005, et établir un trop-payé.

    La prestataire a travaillé pendant plusieurs années dans une banque à charte. Le 2 août 2004, elle a donné naissance à un enfant. Elle a présenté une demande de prestations de maternité ainsi qu'une demande de prestations parentales, et elle a touché des prestations pendant le nombre maximal de semaines prévues.

    En décembre 2005, la Commission a envoyé une lettre à la prestataire pour l'informer qu'elle avait reçu des renseignements de la part de l'Agence du revenu du Canada selon lesquels elle avait obtenu un numéro d'enregistrement pour une entreprise constituée en société, et pour lui demander de remplir un formulaire sur le profil des travailleurs indépendants, qu'elle a joint à la lettre. En janvier 2006, la Commission a réitéré sa demande en envoyant une deuxième lettre, dans laquelle elle a indiqué détenir de l'information selon laquelle la prestataire avait été travailleuse indépendante ou avait participé à l'exploitation d'une entreprise du 7 janvier au 6 août 2005. La prestataire s'est entretenue avec un agent d'enquêtes et de contrôle de la Commission le 28 janvier. Voici une partie du compte rendu de leur conversation :

    La prestataire soutient que la société a été mise sur pied pour des raisons pratiques, car son époux exploitait une entreprise qui connaissait des difficultés financières. L'époux de la prestataire s'occupe de la programmation informatique et la prestataire contribue à certaines tâches, en plus de préparer la comptabilité; c'est toutefois un comptable qui tient les livres. La prestataire prétend ne tirer aucun revenu de l'entreprise. [...] Je l'ai toutefois informée que même si elle ne touchait aucun salaire, elle restait la propriétaire de l'entreprise, et j'ai confirmé avec elle qu'elle déclarerait les bénéfices dans sa déclaration de revenus. Bien que l'entreprise ait été enregistrée en janvier, elle n'a pas été opérationnelle avant le mois de juin. La prestataire a répété qu'elle n'était pas vraiment travailleuse indépendante, étant donné qu'elle avait un emploi et qu'elle ne tirait aucun revenu de l'entreprise. Je lui ai expliqué que dans les faits, elle travaillait effectivement pour l'entreprise, et qu'elle retirait indirectement des bénéfices, de par le salaire qu'elle versait à son époux.

    [Traduction]

    Le 20 juillet 2006, la prestataire a fait parvenir à la Commission, par télécopieur, une copie des états financiers de l'entreprise pour l'exercice se terminant le 31 décembre 2005, lesquels ont été préparés par un CGA. Le 14 septembre 2006, le CGA a fait parvenir à la Commission, toujours par télécopieur, une copie de l'imprimé d'un grand livre qui semble confirmer la validité des montants figurant dans les états financiers.

    Je note ici que selon le bilan, aucune action n'a été émise. À la fin de l'exercice, les avances d'actionnaires s'élevaient à 164 760 $ et les bénéfices non répartis à 29 368 $, ce qui correspond au revenu annuel net après impôts. Dans une note annexée aux états financiers, il est indiqué, sous la rubrique « Opérations entre personnes apparentées » [traduction] que les avances versées aux actionnaires sont payables sans intérêt, et qu'elles ne sont assujetties à aucune condition de règlement particulière.

    Le 20 septembre 2007, la Commission a rendu une première décision dans laquelle elle a infligé une pénalité et donné un avis de violation à la prestataire, lesquels ont par la suite été annulés. Le 18 octobre, la prestataire s'est entretenue au téléphone avec un agent de la Commission. Voici une partie du compte rendu de leur conversation :

    La prestataire indique qu'elle n'a pas participé aux activités de l'entreprise, et que son époux exploitait celle-ci en son nom. Elle occupe un emploi assurable à temps plein depuis des années et n'a déclaré aucun revenu provenant de l'entreprise.

    [Traduction]

    Voici le compte rendu d'une autre conversation téléphonique entre la prestataire et le même agent, qui a eu lieu le 3 novembre 2007.

    La prestataire a déclaré ce qui suit en ce qui concerne sa participation à l'exploitation de l'entreprise, qui n'est enregistrée qu'à son nom : Elle détient toutes les actions de l'entreprise constituée en société, et elle est la seule signataire autorisée. Elle signe régulièrement (chaque mois) des chèques pour l'entreprise, mais il s'agit là de la seule tâche qu'elle exécute. Elle fait tout cela pour faciliter l'exploitation de l'entreprise pour son époux, qui ne peut d'aucune façon enregistrer une entreprise à son nom ou détenir des actions, en raison d'actions en justice antérieures. Ainsi, elle est la seule propriétaire de l'entreprise enregistrée, et son époux, un employé qui touche un salaire. L'époux de la prestataire voit au bon fonctionnement quotidien de l'entreprise, et il prend toutes les décisions d'affaires relatives à son exploitation. Elle a indiqué qu'il était possible de communiquer avec le responsable des comptes de l'entreprise, un CGA, [...] pour obtenir de plus amples renseignements sur la situation financière de l'entreprise, car c'est lui qui tenait le registre de toutes les opérations et qui remplissait les déclarations de revenus, et qu'elle n'était pas même pas certaine de savoir comment ces opérations étaient menées. La prestataire a souligné qu'elle n'avait tiré aucun revenu de l'entreprise depuis sa mise sur pied et que ce n'était pas non plus son intention, puisque l'entreprise était celle de son époux et qu'elle occupait un emploi assurable à temps plein. Pour autant qu'elle le sache, les profits réalisés, s'il y en avait, étaient réinvestis dans l'entreprise.

    [Traduction]

    Le même jour, l'agent a fait le compte rendu d'une autre conversation qu'il a eue avec le CGA :

    Il explique que l'époux de la prestataire a dû déclarer faillite et que par conséquent, il n'a pas le droit d'être propriétaire d'une entreprise, et ce d'aucune façon, pour une période de trois ans. Pour que son époux puisse continuer à exploiter une entreprise de façon autonome, la prestataire s'est enregistrée comme la seule propriétaire, la seule actionnaire et la seule signataire autorisée, mais il s'agit là de sa seule participation aux activités de l'entreprise. Dès que l'époux de la prestataire pourra légalement utiliser son propre nom pour enregistrer l'entreprise, il le fera. Le CGA explique également que l'entreprise a été constituée en société, que la déclaration de revenus est faite au nom de celle-ci et que tout le profit net, s'il y en a, est réinvesti dans l'entreprise et sert à compenser toute perte enregistrée au cours d'un exercice. La prestataire n'a tiré aucun revenu de l'entreprise. Il soutient qu'à sa connaissance, le bilan financier fait état de toutes les opérations de l'année 2005 et qu'il a été utilisé dans la préparation de la déclaration de revenus.

    [Traduction]

    Le 3 novembre, l'agent a une fois de plus téléphoné à la prestataire pour lui dire que la pénalité et l'avis de violation seraient annulés. Dans la note, il est indiqué que selon le grand livre, les opérations commerciales n'ont pas commencé avant le 9 mars 2005. Par conséquent, les revenus ne devraient être répartis que sur les 22 semaines comprises entre le 6 mars et le 6 août 2005. La répartition a été effectuée en fonction du revenu net de l'entreprise avant impôts, soit 36 146 $.

    Dans son avis d'appel devant le conseil arbitral, la prestataire a déclaré ce qui suit :

    Je vous informe une fois de plus que je n'ai tiré aucun revenu d'emploi de l'entreprise lors de mon congé de maternité, ni en aucun autre temps. Je n'ai jamais déclaré avoir touché un salaire provenant de l'entreprise.

    Mon époux et moi avons décidé d'enregistrer l'entreprise à mon nom simplement pour une question de planification financière. Tous nos biens personnels et biens d'entreprise sont actuellement enregistrés à mon nom et par conséquent, il est seulement logique de s'aligner sur le même modèle pour l'entreprise.

    Je ne travaille pas pour l'entreprise. Je ne participe à aucune activité pour laquelle je devrais être payée. Je ne suis pas inscrite comme une employée, et c'est pour cette raison que je ne demande aucune rémunération. Je crois qu'il aurait été malhonnête et inapproprié d'agir ainsi.

    Par conséquent, je ne comprends pas les raisons qui motivent votre verdict final.

    Les profits réalisés sont réinvestis dans la société; ils ne me sont pas automatiquement transférés.

    [Traduction]

    Dans les observations écrites qu'elle a présentées au conseil arbitral, la Commission a déclaré ce qui suit :

    Le fait que la prestataire n'a touché aucun salaire par l'intermédiaire de l'entreprise et qu'elle a fait en sorte que les bénéfices restent dans la société n'est pas contesté. Toutefois, le bénéfice net a valeur de rémunération même s'il est réinvesti dans la société, et il doit être réparti sur la période de prestations.

    [...]

    [...] la prestataire a tiré un revenu d'un travail indépendant, par le biais de l'entreprise. Ce revenu lui a été versé sous forme de bénéfices non répartis. La Commission soutient que ces bénéfices ont valeur de rémunération au sens du paragraphe 35(2) du Règlement. La portée de l'alinéa 36(10)c) [...] ne peut être restreinte par des considérations ayant trait à la structure organisationnelle. Comme la prestataire était actionnaire unique, la Commission a considéré les bénéfices non répartis comme une rémunération, et elle les a répartis en application du paragraphe 36(6) du Règlement.

    [Traduction]

    Le CGA a accompagné la prestataire à l'audience devant le conseil arbitral et à l'audition du présent appel. Voici ce qu'il a déclaré dans les observations écrites qu'il a présentées au conseil arbitral :

    1. Au moment où l'entreprise a été constituée en société, l'époux de la prestataire était en faillite et ne pouvait être ni directeur, ni administrateur, ni fondateur d'une société. La prestataire a seulement fait ce que toute épouse dévouée aurait fait, c'est-à-dire aider son époux à toucher une rémunération sous la protection d'une société (et ainsi protéger ses biens et le libérer de la responsabilité envers des tiers). [...]

    2. Pour la même raison, tous leurs éléments d'actif personnels étaient au nom de la prestataire, la rendant ainsi signataire obligatoire pour tous les prêts et autres opérations bancaires impliquant son époux, et par extension, la société.

    3. Les activités de l'entreprise étaient entièrement liées au domaine des câbles à fibre optique. La prestataire ne possède ni connaissance ni formation dans ce domaine, et ne s'occupe pas du tout des activités quotidiennes de la société.

    4. La société a été constituée expressément pour permettre l'exploitation de l'entreprise de fibre optique sous propriété individuelle mise sur pied par l'époux de la prestataire bien avant qu'elle ne soit mariée à lui.

    5. Les éléments d'actifs initiaux de l'entreprise appartenaient autrefois à l'époux de la prestataire et étaient utilisés aux fins de l'exploitation de l'entreprise de fibre optique dont il était le seul propriétaire.

    6. La clientèle de l'entreprise a été constituée bien avant que celle-ci ne devienne une société. Les clients étaient alors ceux de l'époux de la prestataire. Ceux qui ont commencé à faire affaire avec l'entreprise après sa constitution en société ont été recrutés uniquement grâce au réseau de contacts et au fonds commercial de l'époux de la prestataire. Cette dernière n'a jamais communiqué avec les clients de la société pour aucune raison, et elle n'a participé à aucune forme de marketing visant à les recruter.

    Le conseil arbitral s'est ainsi exprimé :

    La prestataire estimait qu'il n'existait aucun lien tangible entre l'entreprise et elle-même, et que le fait de signer des chèques pour l'entreprise ne constituait pas un travail. Elle désirait seulement aider son époux à gagner de l'argent. Ainsi, lorsqu'elle a rempli un formulaire en ligne, comme le montre la pièce 2.18, elle n'a même pas pensé au fait que, « sur papier », elle était la propriétaire de l'entreprise. Elle a confirmé les affirmations du CGA selon lesquelles elle ne tirait aucun revenu de l'entreprise. La prestataire espère que, aussitôt que possible et lorsqu'il sera juridiquement en mesure de le faire, son époux deviendra seul propriétaire de l'entreprise, ce qui est déjà le cas, même si elle n'est pas enregistrée à son nom.

    Après avoir invoqué la décision CUB 37174, le conseil a déclaré ce qui suit :

    Dans la présente affaire, la prestataire a, de la même manière, consacré peu de temps et d'efforts dans l'entreprise. Dans l'affaire dont le conseil arbitral est saisi, la prestataire travaillait pour une banque, sauf durant la période pour laquelle elle a fait établir une demande de prestations de maternité. Lorsque sa période de prestations a pris fin, elle est retournée travailler à la banque et y travaille toujours.

    La Commission soutient que conformément au paragraphe 35(10) du Règlement sur l'assurance-emploi, il a été déterminé que le revenu de la prestataire correspondait à 100 % du revenu net de l'entreprise puisqu'elle était la seule propriétaire. Dans ses observations écrites, elle cite la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt A-136-96 (Canada [Procureur général]), ainsi que la décision que j'ai rendue dans le CUB 69395.

    Voici le libellé des articles applicables du Règlement :

    35. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

    [...] « revenu » Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d'un employeur ou d'une autre personne, notamment un syndic de faillite.

    (2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu'il faut prendre en compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l'article 19 ou des paragraphes 21(3) ou 22(5) de la Loi, ainsi que pour l'application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi [...]

    (10) Pour l'application du paragraphe (2), « revenu » vise notamment :

    c) dans le cas d'un prestataire qui est un travailleur indépendant exerçant un emploi non relié aux travaux agricoles, le reste du revenu brut qu'il tire de cet emploi après déduction des dépenses d'exploitation qu'il y a engagées et qui ne constituent pas des dépenses en immobilisations [...]

    36. (6) La rémunération du prestataire qui est un travailleur indépendant exerçant un emploi non relié aux travaux agricoles ou la rémunération du prestataire qui provient de sa participation aux bénéfices ou de commissions est répartie sur la semaine où ont été fournis les services qui y ont donné lieu ou, si la rémunération résulte d'une opération, sur la semaine où l'opération a eu lieu.

    Ces dispositions du Règlement sur l'assurance-emploi ainsi que la jurisprudence applicable ont été prises en considération par la Cour d'appel fédérale. Dans l'arrêt A-296-86 (Canada [Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada]), la Cour s'est penchée sur le cas d'un prestataire qu'elle a décrit comme étant « le seul actionnaire et l'âme dirigeante d'une compagnie exploitant un commerce de vente de vêtements pour dames ». Elle a confirmé la décision rendue par le juge-arbitre Denault dans le CUB 12019, dont voici un extrait :

    Il est vrai que normalement on tire d'une compagnie un revenu soit sous forme d'un salaire si on y travaille, soit sous forme d'un dividende s'il s'agit d'un investissement et que la compagnie a décidé de le verser aux actionnaires. À cet égard, des bénéfices non répartis appartiennent à la compagnie et non à l'actionnaire, fut-il unique. Mais la portée de l'alinéa 57(6)c) ci-haut relaté ne saurait être limitée par des considérations ayant trait au cadre corporatif. À l'égard de cet actionnaire unique, la Commission était donc justifiée de considérer les bénéfices non répartis comme un revenu et de le répartir suivant les dispositions de l'article 58 d'autant plus que le conseil arbitral, comme il avait mandat de le faire, a évalué dans sa décision que « le prestataire se tenait très près de son entreprise et de son investissement ».

    Voici maintenant ce que la Cour a déclaré :

    Nous sommes tous d'avis que le requérant, qui était le seul actionnaire et l'âme dirigeante d'une compagnie exploitant un commerce de vente de vêtements pour dames, était, au sens de l'alinéa 43(1)a) du Règlement sur l'assurance-chômage, un travailleur indépendant qui exploitait à son compte un commerce sous la forme corporative et qui, en conséquence, exerçait un emploi tel que décrit à l'alinéa b) de la définition contenue au paragraphe 57(1). Il s'ensuit que les bénéfices nets non distribués de ce commerce pouvaient être considérés comme des revenus du requérant au sens du paragraphe 57(1) et de l'alinéa 57(6)c) du Règlement. En effet, ces bénéfices représentaient des revenus que le prestataire retirait de son activité d'exploitant d'une entreprise à son compte.

    Dans l'arrêt Canada (Procureur général) A-136-96 (1997), 211 N. R. 233, le juge Marceau a déclaré ce qui suit, au nom de la Cour :

    Il s'est dégagé avec le temps dans la jurisprudence arbitrale certaines « constantes » qui ont rendu l'application des dispositions plus constantes et moins aléatoire. Premièrement, le statut juridique de l'exploitation ou de l'entreprise à laquelle le travailleur autonome s'emploie n'importe pas. Deuxièmement, le temps plus ou moins important consacré à l'exploitation ou à l'entreprise ne change rien. Troisièmement, la réception présente, i.e. pendant l'état de chômage, de revenus venant de l'exploitation ou de l'entreprise n'est pas requise, seul un droit à tel revenu suffit. Ces constantes ont certes été influencées par la seule décision de cette Cour rendue en la matière (à ma connaissance), celle de C.E.I.C. et al, dossier n° A-296-86, rendue le 2 février 1988 (CUB-12019), mais elles se sont imposées surtout, je crois, par ce qui fut perçu comme la volonté du législateur de rejoindre tout revenu rattaché directement ou indirectement au travail, par opposition au revenu de pur placement. Les arbitres ont sans doute pensé, et ça se comprend, que le moindre travail pour l'entreprise, que celle-ci soit incorporée ou non, restait à la source, du moins en partie, des revenus qu'elle produisait.

    La décision rendue par la Cour au même moment dans l'arrêt A-348-96 (Canada [Procureur général]) abonde dans le même sens.

    Dans l'arrêt A-416-97 (Canada [Procureur général]), la Cour a confirmé la décision rendue par le juge-arbitre Cullen, qui s'est penché sur le cas d'une prestataire qui était propriétaire d'une ferme à 50 %, mais qui occupait un emploi à temps plein à l'extérieur de la ferme et qui ne consacrait que 12 heures ou moins par année à s'occuper des livres. Le juge-arbitre a conclu qu'elle n'était pas une travailleuse indépendante du domaine agricole et que les activités liées à la ferme qu'elle exécutait correspondaient plutôt à celles d'un investisseur préoccupé. La Cour d'appel a souscrit à l'opinion du juge-arbitre, selon laquelle la prestataire était une investisseuse et non pas une travailleuse autonome.

    En ce qui concerne l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt A-194-97 (Commission de l'assurance-emploi), le conseil arbitral, le juge-arbitre Dubé (décision CUB 46122) et la Cour d'appel se sont tous entendus pour dire qu'il fallait répartir un pourcentage du revenu brut que la prestataire tirait de l'exploitation d'une ferme laitière dont elle détenait 20 % des actions.

    Dans l'affaire qui nous occupe, certaines questions restent sans réponse. Pourquoi aucune action n'a-t-elle été émise? Qui sont les « actionnaires » qui ont avancé de l'argent à l'entreprise? Selon les inscriptions comptables figurant dans le grand livre, la prestataire n'aurait effectué que trois paiements totalisant 7 000 $.

    La question de savoir si le prétendu actionnaire unique d'une entreprise, dont la participation se limite à signer des chèques qui seront remplis par une autre personne, peut être considéré comme touchant une rémunération au sens où l'entend le Règlement sur l'assurance-emploi relève à la fois des faits et du droit. Le critère juridique à appliquer à la décision du conseil arbitral est celui du caractère raisonnable.

    Selon la preuve prépondérante, la prestataire n'a pas participé à l'exploitation de l'entreprise, si ce n'est de la façon décrite dans le paragraphe précédent. J'ai examiné cet élément de preuve ainsi que la décision rendue dans l'arrêt A-416-97 et je suis d'avis que la décision du conseil arbitral était raisonnable.

    Je ne peux conclure que le conseil arbitral a commis une erreur de droit ou de principe, ni qu'il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

    Par conséquent, l'appel de la Commission est rejeté.

    Ronald C. Stevenson

    Juge-arbitre

    FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
    Le 4 novembre 2008

    2011-01-16