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  • CUB 71447

    TRADUCTION

    Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
    L.C. 1996, ch. 23

    et

    d'une demande de prestations

    et

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 26 novembre 2007

    L'appel a été instruit à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 8 octobre 2008

    DÉCISION

    Le juge-arbitre R. C. STEVENSON

    La Commission interjette appel de la décision rendue par le conseil arbitral, qui a accueilli l'appel que la prestataire a interjeté après que la Commission eut établi qu'elle ne pouvait lui verser de prestations à partir du 2 septembre 2007 parce qu'elle avait volontairement quitté son emploi le 31 août 2007 sans justification et qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler pendant qu'elle suivait un cours de formation.

    Au départ, la prestataire travaillait à bord de navires, puis à titre de préposée à la billetterie. Selon sa demande de prestations et son relevé d'emploi, sa dernière période d'emploi s'étend du 25 septembre 2006 au 31 août 2007. La prestataire occupait un poste bilingue, mais craignait d'être remplacée par un employé qui maîtrisait mieux le français qu'elle, ou qui suivait une formation afin de mieux le maîtriser. Comme il manquait à la prestataire une année d'études pour obtenir son baccalauréat ès arts, elle a décidé de retourner à l'université pour perfectionner son français et terminer les cours nécessaires à l'obtention de son diplôme. L'employeur ne lui a pas accordé de congé d'études, mais il lui a permis de retourner aux études à temps plein. C'est la prestataire qui a pris la décision de faire un retour aux études; l'employeur ne lui a jamais demandé d'améliorer sa capacité de parler le français.

    La prestataire indique que la majorité du travail offert aux personnes dans sa situation est saisonnier, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup plus de travail pendant l'été que pendant la basse saison, où une personne peut être appelée à travailler seulement deux ou trois quarts par semaine.

    Même si la Commission a déclaré le 5 octobre 2007, qu'elle ne pouvait verser de prestations à la prestataire parce que celle-ci avait volontairement quitté son emploi sans justification, dans les observations écrites qu'elle a présentées au conseil arbitral, elle a correctement mentionné que l'appel concernait l'inadmissibilité imposée à la prestataire en application de l'article 32 de la Loi sur l'assurance-emploi pour avoir volontairement pris une période de congé sans justification.

    Les dispositions applicables dans une telle situation se trouvent à l'article 32 et l'alinéa 29c) de la Loi sur l'assurance-emploi :

    32.(1) Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n'est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période :

    a) d'une part, cette période a été autorisée par l'employeur;

    b) d'autre part, l'employeur et lui ont convenu d'une date de reprise d'emploi.

    (2) Cette inadmissibilité dure, selon le cas, jusqu'à :

    a) la reprise de son emploi;

    b) la perte de son emploi ou son départ volontaire;

    c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de congé, du nombre d'heures d'emploi assurable exigé à l'article 7 ou 7.1.

    29. Pour l'application des articles 30 à 33 :

    c) le prestataire est fondé à [...] prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, [...] ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas [...]

    Personne ne conteste le fait que la prestataire a volontairement pris un congé. Par ailleurs, les éléments de preuve démontrent clairement que le congé a été autorisé par l'employeur et qu'il existait une entente selon laquelle la prestataire retournerait au travail le 1er mai 2008.

    En conséquence, la principale question que le conseil arbitral devait se poser était de savoir si la prestataire avait pris un congé sans justification.

    À ce propos, le conseil arbitral a mentionné ce qui suit :

    « Le départ de la prestataire était-il la seule solution raisonnable?

    La prestataire craignait de voir ses heures de travail réduites et souhaitait retourner aux études afin de s'assurer de conserver un bon niveau de bilinguisme. Elle avait discuté de cette question avec les responsables des Ressources humaines et élaboré un plan avec eux. Il semble que le projet de la prestataire ait été mûrement réfléchi et qu'elle ait envisagé les autres solutions raisonnables qui lui auraient permis de conserver son emploi tout en suivant des cours.

    La prestataire était-elle fondée à quitter son emploi?

    Un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé de celui-ci si son départ ou son congé était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de quatorze circonstances prédéfinies.

    La prestataire craint de perdre des heures de travail en raison des changements unilatéraux chez son employeur découlant de la décision de rendre bilingue le poste de préposé à la billetterie. L'entreprise a envoyé cinq employés en formation au Québec et la prestataire redoute de perdre des heures de travail et de l'ancienneté. Elle avait discuté de cette question avec les responsables des Ressources humaines et élaboré un plan avec eux dans le but de pouvoir parfaire ses habiletés en français à l'université.

    [...]

    Déterminer si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi le 6 septembre 2007, aux termes de l'article 32 de la Loi sur l'assurance-emploi. L'appel de la prestataire est accueilli à l'unanimité. »

    Déterminer si un prestataire était fondé à prendre volontairement un congé est une question de fait et de droit. En pareil cas, la norme de contrôle judiciaire à appliquer à la décision du conseil arbitral est celle du caractère raisonnable.

    La Cour d'appel fédérale a constamment soutenu qu'un employé qui quitte volontairement son emploi pour suivre un cours de formation qui n'est pas autorisé par la Commission a certes, sur le plan personnel, un excellent motif pour agir, mais le fait que cet employé puisse faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision va à l'encontre des principes qui sont à la base du système d'assurance-emploi. Ce principe a d'ailleurs été énoncé dans l'arrêt A-1691-92, Canada (Procureur général) c. appelant et, plus récemment, dans l'arrêt A-465-07, Canada (Procureur général) c. appelant 2008 CAF 133. Compte tenu du principe susmentionné, j'estime que la décision du conseil arbitral en ce qui a trait à la première question en litige n'était pas raisonnable.

    Selon les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi, la prestataire n'était pas fondée à prendre un congé; en conséquence, l'appel de la Commission est accueilli à ce sujet. Cependant, comme il est démontré plus bas, la prestataire a recommencé à travailler occasionnellement le 19 octobre 2007. Son inadmissibilité s'étend donc jusqu'à cette date et, par conséquent, l'appel est accueilli en partie seulement. (Voir l'arrêt A-694-96 de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada.)

    Le conseil a mentionné ce qui suit à propos de la disponibilité :

    En ce qui concerne sa disponibilité, la prestataire a avec elle son téléphone cellulaire, son uniforme de travail se trouve dans sa voiture, elle est disposée à accepter n'importe quel quart de travail et c'est ce qu'elle fait. Elle est disposée à répondre aux appels pendant les cours et à quitter la classe pour aller effectuer un quart de travail. Par ailleurs, la prestataire a passé plusieurs entrevues chez un autre employeur.

    [...]

    En ce qui concerne la disponibilité, le conseil conclut que la prestataire est tout à fait disponible et qu'elle l'a prouvé, puisqu'elle travaille pour cet employeur et est disposée à accepter n'importe quel quart de travail.

    Peu de temps après le retour de la prestataire à l'université, l'employeur et le syndicat ont pris des mesures afin de permettre à la prestataire de travailler pendant son congé. Dans la demande qu'elle a présentée au soussigné, la prestataire a indiqué ce qui suit :

    « [...] Mon employeur m'a téléphoné afin de m'aviser que si je le souhaitais, mon nom pouvait soit figurer à nouveau sur la liste d'appel soit être retiré jusqu'au 1er mai 2008 [...] À partir de ce jour-là, j'ai répondu à TOUS mes appels, et je me suis même absentée de mes cours à plusieurs reprises. Je gardais mon uniforme de travail dans la voiture afin de pouvoir me rendre directement de l'université au travail, plutôt que d'avoir à retourner à Glace Bay avant de me présenter au travail, à North Sydney. En février, j'ai dû travailler et manquer une semaine de cours, ce qui prouve que j'étais disponible pour travailler. »

    [Traduction]

    La décision du conseil arbitral était raisonnable à l'égard de la question de la disponibilité.

    Pour ce qui est de la première question, l'appel de la Commission est accueilli en partie, et la décision du conseil arbitral est modifiée pour qu'il y soit précisé que la période d'inadmissibilité s'étendait jusqu'au 18 octobre 2007 seulement.

    En ce qui concerne la question de la disponibilité, l'appel est rejeté.

    Ronald C. Stevenson

    JUGE-ARBITRE

    FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
    Le 18 novembre 2008

    2011-01-16