• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 71623

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 23 août 2007 à North York, Ontario

    DÉCISION

    GUY GOULARD, juge-arbitre

    La prestataire a travaillé pour un employeur jusqu'au 3 mai 2007. Elle présenta une demande de prestations qui fut établie à compter du 6 mai 2007. La Commission détermina que la prestataire n'avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail parce qu'elle n'avait pas de gardienne pour ses enfants et parce qu'elle limitait sa disponibilité à un emploi d'infirmière alors qu'elle ne détenait pas le certificat requis pour travailler comme infirmière dans une autre province. La Commission a imposé deux inadmissibilités à compter du 6 mai 2007 en vertu du paragraphe 18(a) de la Loi.

    La prestataire en appela des décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a accueilli son appel. La Commission a porté la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Montréal, Québec le 4 décembre 2008. La prestataire était présente et représentée par son conjoint.

    Dans ce dossier, la prestataire avait quitté l'emploi qu'elle avait pour suivre son conjoint dans une autre province. Le motif du départ n'était pas en question. Le retard de la prestataire à débuter un autre emploi, comme infirmière, avait été causé par deux raisons. La prestataire avait mis un certain temps à se trouver une gardienne pour son enfant et, deuxièmement, elle devait obtenir sa certification d'infirmière dans l'autre province. Elle avait commencé les démarches pour obtenir sa certification d'infirmière dès son arrivée dans l'autre province. Le processus devait prendre de six à huit semaines. Elle a indiqué qu'elle était disponible pour travailler mais devait attendre sa certification.

    La Commission a pris la position que la prestataire ne pouvait limiter ses recherches d'emploi à un travail comme infirmière puisqu'elle ne détenait pas la certification requise pour travailler dans ce domaine et qu'elle aurait donc dû se rechercher un autre emploi.

    Le conseil a revu la preuve non contestée et a conclu que la prestataire avait établi sa disponibilité pour le travail au sens de la Loi sur l'assurance-emploi puisqu'elle rencontrait les trois critères de critères de disponibilité. Le conseil a accueilli l'appel de la prestataire.

    En appel de la décision du conseil arbitral, la Commission a soumis que le conseil arbitral avait erré en droit en décidant que la prestataire avait établi sa disponibilité pour le travail au sens du paragraphe 18(a) de la Loi sur l'assurance-emploi. La Commission a soumis que puisque la prestataire ne pouvait accepter d'emploi comme infirmière avant d'obtenir sa certification ontarienne d'infirmière, elle ne pouvait être considérée comme disponible pour le travail.

    Le représentant de la prestataire a réitéré que la prestataire avait commencé ses démarches de certification ontarienne comme infirmière dès son déménagement dans l'autre province. Il a ajouté que la prestataire avait travaillé jusqu'à la veille de leur départ et qu'elle s'était recherché un emploi dès son arrivée dans l'autre ville de résidence et tout ce qui l'avait empêchée de commencer à travailler était de délai de certification. Il a réitéré que la prestataire avait tout fait pour commencer à travailler plus tôt et que le délai était hors de son contrôle. Il a aussi indiqué que lui et sa conjointe étaient depuis revenu dans leur province où la prestataire avait pu reprendre un travail d'infirmière dès son arrivée.

    En l'espèce, les faits n'étaient pas contestés. La prestataire avait été empêchée de reprendre son travail en raison des arrangements de gardienne et du délai à obtenir sa certification d'infirmière. Ces deux problèmes étaient directement reliés au déménagement dans le but de suivre son conjoint qui était déménagé pour fins d'emploi.

    Le paragraphe 29(c) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit comme suit :

    29(c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas ...

    (J'ai souligné)

    Comme l'indiquait le juge Stevenson dans le CUB 57874 :

    « Aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, pour déterminer si une prestataire est fondée à quitter son emploi, il faut tenir compte de l'ensemble de ses circonstances y compris la situation économique. Ne pas en tenir compte ou ne pas leur accorder un poids suffisant constitue une erreur de droit. Je me reporte aux décisions que j'ai rendue dans les CUBs 35229, 46437 et 54416. »

    Dans le cas d'un départ d'emploi fondé sur l'obligation d'accompagner un conjoint, une prestataire doit pouvoir bénéficier d'une période de temps raisonnable pour faire les arrangements requis suite au déménagement (CUB 57793). Dans le cas en l'espèce, ces arrangements incluaient la nécessité d'obtenir une certification pour que la prestataire puisse reprendre son emploi d'infirmière. Le conseil arbitral a déterminé que dans ses circonstances, la prestataire avait démontré qu'elle était disponible pour le travail au sens de la Loi.

    Dans le processus de révision et d'appel en matière d'assurance-emploi, le législateur a prévu un tribunal constitué de trois membres de la communauté de la région du prestataire. Ceci assure que ce tribunal sera au courant, et tiendra compte, des circonstances régionales pertinentes aux questions en litige.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt A-1036-96 :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce gui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »

    La jurisprudence (A-547-01, A-600-93, A-115-94, A-255-95 et A-97-03) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt A-115-94 (supra) la juge Desjardins écrivait:

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »

    Dans l'arrêt A-547-01 (supra), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.

    Et plus récemment dans A-97-03 (supra), le juge Sexton ajoutait :

    « Dans l'arrêt A-610-01 précité, la Cour a conclu que l'application de l'analyse pratique et fonctionnelle, lorsqu'un juge-arbitre examine une décision rendue par conseil, laquelle décision comporte une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Dans l'arrêt, A-123-03 2003 CAF 377, la Cour a également conclu que la question de savoir si un employé est fondé à quitter son emploi est une question mixte de droit et de fait qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

    Dans l'arrêt [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, la Cour suprême a déclaré qu'une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pourrait raisonnablement amener le tribunal à conclure comme il l'a fait sur la base de la preuve soumise. »

    Dans la présente affaire, le conseil a résumé et analysé la preuve au dossier et celle présentée à l'audience. Malheureusement, la décision du conseil est quelque peu laconique. Toutefois, le conseil a souligné les circonstances qui avaient empêché la prestataire de commencer à travailler plus tôt.

    La décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier.

    La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré dans sa décision.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 19 décembre 2008

    2011-01-16