TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Burnaby (Colombie-Britannique) le 28 février 2007
Le juge-arbitre GUY GOULARD
La prestataire a présenté une demande initiale et une période de prestations d'assurance-emploi débutant le 3 juillet 2005 a été établie à son profit. La Commission a appris que la prestataire avait reçu une prime d'encouragement de 2 804,97 $. Elle a déterminé que cette prime constituait une rémunération aux termes du paragraphe 35(2). Conformément aux dispositions du paragraphe 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi, elle a réparti cette somme sur les semaines allant du 26 juin 2005 au 1er juillet 2006, période durant laquelle la prestataire a rendu les services qui ont mené à l'établissement de la période de prestations et dont il a été tenu compte dans le calcul du montant de la prime d'encouragement. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 68 $.
La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, lequel a rejeté l'appel, mais déterminé que la prime d'encouragement que la prestataire avait reçue devait être répartie conformément aux dispositions de l'alinéa 36(19)b) du Règlement, soit à partir du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective de la prestataire. La Commission a porté en appel la décision du conseil arbitral; cet appel a été instruit à Vancouver (Colombie-Britannique) le 3 novembre 2008. La prestataire n'était pas présente, mais elle était représentée par son délégué syndical.
Les faits de cette affaire n'ont pas été contestés. Toutes les parties ont convenu que la prime d'encouragement qui a été versée à la prestataire constituait une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement sur l'assurance-emploi. Le litige faisant l'objet de l'appel a trait uniquement à la répartition de ladite prime. La Commission considérait que la prime à la signature était liée aux services rendus en cours d'emploi par la prestataire pendant l'année qui a précédé la signature d'une convention collective ayant donné lieu au versement de la prime, et que cette dernière devait par conséquent être répartie, conformément aux dispositions du paragraphe 36(4) du Règlement, sur la période au cours de laquelle les services ont été rendus. La prestataire estimait, pour sa part, que la prime était liée à la signature de la nouvelle convention collective et qu'elle était versée principalement pour inciter les employés à accepter cette nouvelle convention. Elle a soutenu qu'il fallait alors répartir la prime conformément aux dispositions de l'alinéa 36(19)b) du Règlement, soit après le 30 juin 2006, date de la signature de la lettre d'entente qui a mené au paiement de la prime.
Comme on l'a dit précédemment, le seul litige sur lequel porte l'appel est la répartition de la somme reçue sous forme de prime d'encouragement.
Le conseil arbitral a examiné la preuve, de même que la jurisprudence pertinente et a conclu ce qui suit :
Le conseil arbitral tient pour avéré que le protocole d'entente a été ratifié le 21 juin 2006 et que la convention collective est entrée en vigueur le 1er juillet 2006.
Dans le CUB 65257, le juge arbitre Guy Goulard a indiqué ce qui suit : « La preuve a établi que la prime reçue par le prestataire constituait de la rémunération aux sens du Règlement et devait être répartie conformément à l'alinéa 36(19)b), soit à la date de la ratification de la convention collective ».
[...]
Le conseil estime que la répartition de la rémunération doit se faire selon l'alinéa 36(19)b) du Règlement, à partir du 1er juillet 2006, premier jour d'entrée en vigueur du contrat.
Dans son argumentation d'appel à l'encontre de la décision du conseil arbitral, la Commission a soutenu que le conseil arbitral avait commis une erreur de droit et de fait en rendant sa décision. Elle a maintenu son point de vue selon lequel la prime était versée aux employés non seulement pour les inciter à accepter une nouvelle convention collective, mais également pour les récompenser des services rendus antérieurement, étant donné que le montant de la prime avait été calculé d'après le nombre de jours au cours desquels les employés admissibles avaient travaillé l'année précédant la signature de la lettre d'entente qui a mené au paiement de ladite prime. Selon la Commission, le conseil arbitral n'a pas tenu compte de cette deuxième raison justifiant le paiement de la prime. Elle a souligné que la prime dont il était question dans la décision CUB 65257, sur laquelle s'était fondé le conseil arbitral, était en fait un montant forfaitaire de 500 $ versé à tous les employés qui possédaient six mois d'ancienneté, quel que soit le nombre d'heures travaillées. Elle a aussi fait valoir que la deuxième décision citée par le conseil, à savoir la décision CUB 53378, avait été infirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt A-610-01, dans lequel celle-ci a établi que le versement d'une prime pour inciter des employés à signer une nouvelle convention n'empêchait pas que le paiement puisse aussi servir à indemniser des employés pour des services rendus antérieurement.
Le représentant de la prestataire a aussi allégué que le conseil arbitral avait commis une erreur de droit et de fait en décidant de rejeter l'appel de la prestataire, parce que son appréciation des faits et son interprétation des dispositions législatives pertinentes appuyaient la position de la prestataire.
La seule question à trancher était de savoir si la répartition de la prime d'encouragement devait être faite conformément aux dispositions du paragraphe 36(4) ou selon celles des alinéas 36(19)a) ou 36(19)b) du Règlement. Ces dispositions législatives sont les suivantes :
36(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.
36(19) La rémunération non visée aux paragraphes (1) à (18) est répartie :
a) si elle est reçue en échange de services, sur la période où ces services ont été fournis;
b) si elle résulte d'une opération, sur la semaine où l'opération a eu lieu.
Pour bien comprendre la nature de la prime versée conformément à la lettre d'entente signée par les parties, et en particulier quelle était « l'intention dominante » des parties, quand elles ont accepté le versement de cette prime, il est important de tenir compte du texte de la lettre d'entente. La partie pertinente de cette dernière est ainsi rédigée :
Les parties signataires de la présente lettre d'entente sont les conseils scolaires de la Public School Employers' Association et les syndicats du personnel de soutien.
Les modalités décrites ci-dessous constituent un règlement complet et final de tous les litiges en suspens en matière de coûts entre les parties signataires de la présente. Toutes les revendications liées aux coûts non réglées, dont il n'est pas expressément fait mention ci-après, sont réputées être retirées.
Après signature de la présente, les parties locales prépareront et signeront un protocole d'entente dans lequel seront précisées les modalités prévues dans la présente, de même que toute autre question qui n'a pas trait aux coûts et dont les parties auront convenu.
Il est entendu et convenu que les obligations des districts scolaires décrites dans la présente lettre d'entente seront inopérantes si les parties locales concernées n'ont pas conclu, avant le 30 juin 2006, une convention collective qui sera ratifiée par la suite.
Durée
Du 1er juillet 2006 au 30 juin 2010
Augmentation générale des salaires
1er juillet 2006 2 %
1er juillet 2007 2 %
1er juillet 2008 2 %
1er juillet 2009 2 %
Paiement d'une prime d'encouragement
Si les parties signent une convention d'ici le 30 juin 2006 et si cette convention est ensuite ratifiée, chacun des membres de l'unité de négociation qui était un employé du district scolaire à la première de ces dates - celle de la ratification de la convention ou le 30 juin 2006 - pourra toucher en guise de prime d'encouragement un montant forfaitaire qui lui sera versé en un seul paiement.
Les principes suivants guideront les parties dans la détermination du montant forfaitaire :
(souligné par mes soins)
Les juges-arbitres et la Cour d'appel fédérale ont traité de la question de la répartition des primes d'encouragement dans un certain nombre de décisions et ont déterminé que ces primes constituaient une rémunération provenant d'un emploi aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement sur l'assurance-emploi (décisions CUB 41845, 53378 et 65257, et arrêt A-610-01). La prestataire en l'espèce a reconnu que la prime d'encouragement versée constituait une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement.
La jurisprudence a également établi que dans le cas d'une prime d'encouragement, la question de savoir si les sommes reçues doivent être réparties sur la période pendant laquelle les services ont été rendus ou à partir de la date de la signature de l'entente menant au versement de la prime - l'« opération » au sens de l'alinéa 36(19)b) - dépend de l'intention dominante des parties qui ont convenu du versement de la prime. Dans l'arrêt A-610-01 (précité), le juge Evans a écrit ce qui suit :
L'avocat du prestataire a fait remarquer que toutes les dispositions d'une convention collective visent à encourager son acceptation et dépendent de sa ratification. J'aimerais uniquement ajouter que les conditions auxquelles la « prime à la signature » était payable en l'espèce donnent à entendre qu'elle visait à récompenser les employés pour le travail déjà accompli et à induire ces employés-là à voter en faveur de la ratification de la nouvelle convention collective. La présence de cette dernière intention n'a pas nécessairement pour effet de soustraire la « prime à la signature » à l'application du paragraphe 36(4), à moins peut-être qu'il ne soit possible d'inférer à l'aide des conditions d'une entente et des circonstances afférentes que telle était l'intention dominante.
En l'espèce, le conseil a examiné la preuve et déterminé que la prime d'encouragement avait été versée par suite de la signature de la nouvelle convention collective. Même s'il n'a pas expressément conclu que l'intention dominante ayant motivé le paiement de la prime était d'inciter les parties concernées à signer la lettre d'entente, il a effectivement conclu qu'elle avait été versée par suite de la signature d'une nouvelle convention collective, que la nouvelle convention constituait l'opération qui avait mené au paiement de la prime et que la répartition devait se faire conformément aux dispositions de l'alinéa 36(19)b) du Règlement. Nonobstant cette conclusion, qui va à l'encontre de la décision de la Commission, le conseil a rejeté l'appel de la prestataire.
Dans l'arrêt A-610-01 (précité), la Cour a indiqué que le montant de la prime à la signature est calculé en fonction du nombre d'heures de travail effectuées, mais ce n'est là qu'un des facteurs à prendre en considération pour déterminer comment la prime doit être répartie.
En l'espèce, il est prévu, dans la lettre d'entente, des augmentations de salaire pour les années comprises entre le 1er juillet 2006 et 2010. La durée de l'entente y est précisée : du 1er juillet 2006 au 1er juillet 2010. On y indiquait en outre que la prime ne serait versée que si les parties parvenaient à s'entendre au plus tard le 30 juin 2006. Les employés absents pour certains congés précisés auraient droit à la prime d'encouragement. Ils n'auraient pas reçu de salaire pendant ces congés. Dans le cas de certains d'entre eux à tout le moins, la prime ne pouvait pas être considérée comme une augmentation de salaire pour la période de leur congé. De plus, des éléments de preuve sous forme de déclarations provenant du gouvernement et du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) étayaient l'opinion selon laquelle l'intention dominante ayant motivé le paiement de la prime à la signature était de garantir la ratification de la nouvelle convention collective avant le 30 juin 2006. Une note de service du SCFP précisait ce qui suit :
La négociation s'est déroulée dans des circonstances exceptionnelles. Le(s) représentant(s) des employeurs a(ont) transmis l'ordre du principal bailleur de fonds, le ministère de l'Éducation, par l'entremise du ministre des Finances, qui exige que le régime de rémunération s'accompagne de conditions.
Ces conditions sont les suivantes :
[Traduction]
Dans l'arrêt A-610-01 (précité), la Cour a déclaré que la décision d'un conseil arbitral concernant la répartition d'une prime à la signature ne devait pas être annulée par un juge-arbitre à moins qu'il n'ait été établi que la décision du conseil arbitral était déraisonnable, compte tenu de la preuve dont il disposait. Dans cette affaire, la Cour a estimé que la décision du conseil arbitral était dûment fondée sur la preuve qui lui avait été présentée et que même si un autre conseil arbitral aurait pu en arriver à une conclusion différente, la décision en l'espèce n'était pas déraisonnable.
En l'espèce, rien ne prouve que le paiement de la prime d'encouragement était lié aux services rendus par la prestataire pendant l'année qui a précédé le versement de la prime, sauf en ce qui concerne le calcul du montant de la prime. Par ailleurs, comme il a été dit précédemment, la preuve suffit amplement à étayer la position selon laquelle l'intention dominante de l'employeur, en offrant cette prime, était de garantir l'approbation de la nouvelle convention collective par les employés au plus tard le 30 juin 2006.
Dans cette affaire, l'appréciation des faits par le conseil arbitral est parfaitement compatible avec la preuve qui lui a été présentée et avec l'interprétation judiciaire des dispositions des paragraphes 36(4) et 36(19) du Règlement. Le conseil n'a toutefois pas rendu une décision conforme à son appréciation des faits et à l'interprétation de la jurisprudence qu'il a citée.
Par conséquent, la décision du conseil arbitral est annulée. Je me fonde sur les faits établis par le conseil pour rendre la décision que ce dernier aurait dû rendre. L'appel de la Commission est rejeté et la prime d'encouragement qu'a reçue la prestataire sera répartie sur la semaine du 30 juin 2006.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 27 janvier 2009