EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge -arbitre par la prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue le 25 mai 2007 à Ste-Foy, Québec
GUY GOULARD, juge-arbitre
La prestataire a travaillé pour un employeur jusqu'au 18 décembre 2006. Elle a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi qui fut établie à compter du 24 décembre 2006. La Commission a déterminé que la prestataire avait droit à des prestations de maladie. Toutefois, la Commission a déterminé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une durée indéterminée prenant effet à la fin des prestations de maladie.
La prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui rejeta son appel dans une décision majoritaire. Elle porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Québec, Québec le 17 février 2009. La prestataire n'a pas comparu mais elle était représentée par une avocate.
Ayant entendu les représentations de la prestataire et de la Commission, j'en suis venu à la conclusion que cette affaire doit être retournée devant un autre conseil arbitral pour une nouvelle détermination. Cette décision est fondée sur le fait que les membres majoritaires du conseil ont omis d'expliquer pourquoi ils avaient rejeté le témoignage de la prestataire qui, dès ses premières communications avec la Commission et tout au long de son appel au conseil arbitral, avait nié les allégations de l'employeur à son égard. Je souligne en particulier la pièce 4 dans laquelle la prestataire résume les faits entourant les allégations de l'employeur à son égard et ses réponses et arguments.
La majorité du conseil a préféré accepter la preuve de la Commission qui était fondée exclusivement sur la lettre de congédiement qui se retrouve à la pièce 6. Comme l'a souligné le membre minoritaire du conseil, les allégations de l'employeur étaient fondées sur du double ouï-dire dont la source émanait de deux nouvelles stagiaires qui, selon le témoignage de la prestataire, avaient intérêt à la voir perdre son poste. De plus, la majorité du conseil ne pouvait ignorer le fait que la prestataire avait travaillé une dizaine d'années pour son employeur sans incident ou reproche.
L'employeur indiquait avoir mené une enquête suite aux plaintes des stagiaires. Aucune preuve n'avait été fournie sur la nature et les résultats de cette enquête ou de la part d'autres employés ou résidents avec lesquels la prestataire travaillait. La décision majoritaire du conseil soulignait l'argumentation de l'avocate de la prestataire à l'effet que la doctrine donne toujours préséance à un témoignage direct qu'à une preuve fondée sur du ouï-dire et à celle fondée sur les déclarations d'un agent de la Commission qui ne sont pas corroborées. Les membres majoritaires ont néanmoins rejeté le témoignage de la prestataire sans expliquer pourquoi ils le faisaient. Ils pouvaient rejeter ledit témoignage mais devait expliquer pourquoi il le faisait.
Le paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi exige que le conseil arbitral explique pourquoi il rejette les éléments de preuve soumis par une ou l'autre des parties au litige. Ce paragraphe se lit comme suit :
114 (3) La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle comprend un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.
Dans l'affaire Parks (A-321-97) le juge Strayer écrivait :
« Nous sommes tous d'avis que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu'il a omis de se conformer au paragraphe 79(2). En particulier, nous sommes d'avis qu'il incombait au conseil de dire, au moins brièvement, qu'il a rejeté des parties cruciales de la preuve du demandeur et d'expliquer pourquoi il a agi ainsi. En l'espèce, le conseil disposait de plusieurs documents de l'employeur qui constituaient des éléments de preuve de la nature du ouï dire. Le témoignage par affidavit et les déclarations orales du réclamant devant le conseil étaient incompatibles, sous plusieurs aspects, avec des documents. Le conseil s'est contenté de faire état de ses conclusions sans expliquer pourquoi il a préféré une version des événements à l'autre.
Même si en vertu de l'interprétation que nous donnons au paragraphe (2), nous n'estimons pas que le conseil arbitral soit tenu de décrire en détail ses conclusions de fait, nous sommes d'avis que, pour se conformer à ce paragraphe , le conseil arbitral doit, lorsque la crédibilité fait l'objet d'une question litigieuse, dire au moins brièvement, dans le cadre de ses "conclusions [...] sur les questions de fait essentielles", qu'il rejette certains éléments de preuve sur ce fondement et pourquoi il a rejeté ces éléments. Lorsqu'il omet d'agir ainsi, il commet une erreur de droit. »
Dans McDonald (A-297-97) le juge Linden écrivait :
« Il faut absolument que le conseil arbitral aborde soigneusement les points litigieux réellement soulevés devant lui, et qu'il explique ses conclusions dans un raisonnement cohérent et logique. Tout ce qui est moindre est inacceptable. »
En l'espèce la décision majoritaire du conseil arbitral ne rencontre pas les exigences du paragraphe 114(3) de la Loi. La majorité du conseil a donc erré en droit dans sa décision qui doit être annulée.
Puisque la détermination de la question en litige, à savoir si la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite, implique en grande partie une détermination de faits et qu'en matière d'appels sous la Loi sur l'assurance-emploi la détermination de faits relève du conseil arbitral, ce dossier doit retourner devant un nouveau conseil.
La décision du conseil arbitral est annulée. Le dossier sera retourné devant un conseil différemment constitué pour une nouvelle détermination. La décision du conseil datée le 25 mai 2007 sera retirée du dossier d'appel.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 12 mars 2009