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  • CUB 72163

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations

    et

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire
    à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à Mississauga (Ontario) le 29 février 2008

    DÉCISION

    Le juge David G. Riche

    La question en l'espèce était de savoir si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Dans une décision majoritaire, le conseil a rejeté l'appel de la prestataire. La décision du membre dissident étant favorable à la prestataire, je vais examiner les motifs énoncés dans la décision rendue à la majorité et dans celle du membre dissident.

    Avant d'aborder la décision du conseil, je dois tout d'abord souligner que lorsque j'ai instruit le présent appel, la prestataire a prétendu qu'elle n'a pas eu une audience équitable devant le conseil, puisque le président l'empêchait constamment de témoigner en lui demandant de répondre par oui ou non.

    La majorité des membres du conseil ont déclaré que les éléments de preuve présentés à l'audience démontrent que la prestataire avait été embauchée comme auxiliaire médicale. Lorsqu'elle a commencé à exercer son emploi, la prestataire a découvert qu'elle n'exécutait pas le travail d'auxiliaire médicale mais qu'elle devait effectuer d'autres tâches en plus de cela. Un jour, alors qu'elle s'acquittait de ses tâches habituelles, y compris monter et descendre les escaliers pour diriger des patients vers d'autres médecins, elle a eu mal aux genoux et à la tête et a demandé si elle pouvait se reposer. Le médecin qui l'avait embauchée lui a alors suggéré de se procurer un billet du médecin, puisque tout le monde a mal aux genoux. Ce commentaire a vexé la prestataire, qui a répliqué qu'elle démissionnait. Le lundi suivant, la prestataire est retournée à la clinique et a tenté de négocier une modification de ses fonctions avec le directeur de la clinique, mais ce médecin lui a dit de retourner chez elle, de réfléchir à sa décision et de revenir dans une semaine si elle voulait encore le poste. La prestataire n'est pas retournée à la clinique.

    La majorité des membres du conseil ont estimé que la prestataire n'a pas lu le contrat de travail lorsqu'elle a accepté l'emploi et qu'elle aurait dû, à ce moment-là, éclaircir tout malentendu au sujet du poste. Ils ont déclaré que la prestataire est une personne intelligente et qu'elle aurait dû lire le contrat avant de le signer. Ils ont soutenu que l'insatisfaction d'un employé au sujet de ses conditions de travail ne constitue pas une justification pour quitter son emploi, sauf si l'employé peut démontrer que ses conditions de travail étaient intolérables à un point tel que son départ constituait la seule solution raisonnable.

    Le membre dissident a déclaré que la Commission avait déterminé que la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle était fondée à quitter volontairement son emploi parce qu'elle n'avait pas démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

    Au moment de l'entrevue d'embauche, la prestataire, qui travaillait déjà comme réceptionniste médicale, avait dit qu'elle cherchait un poste d'auxiliaire médicale, pour lequel elle était qualifiée. La prestataire déclare n'avoir postulé que pour un poste d'auxiliaire médicale et estime que l'employeur n'aurait pas dû lui faire accomplir d'autre travail que celui-là. Elle a contesté la déclaration de l'employeur, selon laquelle il lui aurait dit qu'elle pourrait devenir auxiliaire médicale si elle continuait de travailler pour lui pendant deux ans, car elle estimait être déjà une auxiliaire médicale et trouvait que son employeur ne l'avait pas traitée correctement.

    Il semble qu'alors qu'elle travaillait pour cet employeur depuis environ quatre mois, la prestataire aurait fait l'objet de remarques désobligeantes, et s'est sentie rabaissée. Des commentaires lui auraient également été adressés concernant sa capacité à s'exprimer en anglais.

    Un jour qu'elle avait mal aux genoux et la tête, elle a demandé si elle pouvait se reposer, mais cette requête lui a été refusée. C'est la raison pour laquelle elle a quitté son emploi ce jour-là. Elle a de nouveau tenté d'en venir à une entente avec la clinique, mais l'employeur ne lui a offert aucune modification de ses fonctions. La prestataire a souligné que si elle avait voulu continuer à être réceptionniste médicale, elle aurait conservé son ancien emploi.

    Le membre dissident a conclu que l'employeur n'a pas fourni de description de travail à la prestataire, et que la prestataire avait effectivement signé un contrat de travail. Avant son départ, la prestataire avait aussi cherché un autre emploi. Le critère juridique à appliquer en cas de départ volontaire repose sur trois facteurs. Premièrement, le conseil arbitral détermine que les éléments de preuve sont fondés. Deuxièmement, le conseil arbitral rejette les éléments de preuve fournis par l'employé. Troisièmement, le conseil détermine que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

    La prestataire s'est présentée devant le conseil et a été jugée crédible. Selon elle, elle devrait être admissible au bénéfice des prestations en application de l'article 29 de la Loi, qui fait référence à une modification importante des fonctions. La prestataire estimait également avoir fait l'objet de discrimination, dans une certaine mesure, en raison de sa langue. Cependant, le membre dissident n'a pu donner de poids à cette allégation d'admissibilité au titre de l'article 29 de la Loi. Le membre dissident a estimé que la prestataire avait effectivement tenté de trouver un emploi avant de démissionner, et il a conclu qu'il y avait eu une modification importante de ses fonctions et qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce que la prestataire accepte ces changements afin de conserver son emploi. Ses conditions de travail sont devenues suffisamment stressantes pour qu'elle ne puisse plus continuer de travailler pour cet employeur. Pour ces motifs, ce membre du conseil a rendu une décision en faveur de la prestataire.

    J'ai examiné les éléments de preuve présentés dans cette affaire et constaté que le contrat de travail ne fournit aucune information sur les fonctions du poste. Il ne porte que sur la rémunération et les heures de travail. L'employeur, qui a présenté une copie du contrat, a déclaré que, dès les premiers jours de travail, alors que la prestataire était orientée sur la nature de ses fonctions à la clinique, sa description de tâches, qui comportait des tâches de bureau et des tâches mineures d'auxiliaire médicale, lui aurait été clarifiée. J'ai aussi examiné la lettre de la prestataire, dans laquelle elle indique qu'à son embauche le titre du poste était auxiliaire médicale, ce qui correspondait à sa majeure en éducation. Elle a déclaré aussi qu'elle avait confirmé le titre et les fonctions du poste auprès de l'employeur, mais qu'après son embauche, l'employeur s'est arrangé pour qu'elle fasse un travail de réceptionniste, ce qui était totalement différent du titre de poste pour lequel elle était engagée.

    J'ai examiné les éléments de preuve présentés en l'espèce et je suis convaincu que la prestataire a été induite en erreur par l'employeur lorsqu'elle a postulé l'emploi d'auxiliaire médicale. La prestataire ne s'attendait pas à être réceptionniste, comme dans son emploi précédent. Il me semble qu'il n'y avait incompatibilité entre la vision de l'employeur et celle de l'employée quant à la nature des tâches à exécuter. Le contrat n'est d'aucune utilité pour trancher cette question. En conséquence, j'estime qu'il n'y a pas eu de contrat de travail en l'espèce, puisque le travail pour lequel la prestataire pensait avoir été embauchée et le travail que l'employeur pensait obtenir d'elle étaient deux choses bien différentes. À défaut de preuve démontrant que la nature de l'emploi avait été précisée à la prestataire par l'employeur, il semble que cette embauche était une erreur depuis le tout début.

    En outre, il semble que, même si la prestataire a tenté de négocier avec l'employeur une modification de ses tâches, ce dernier n'était pas disposé à faire des changements pour qu'elle travaille comme auxiliaire médicale.

    Dans les circonstances, j'estime que la décision minoritaire du conseil doit être confirmée, car la prestataire n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi puisqu'elle n'a pas réussi à obtenir de l'employeur qu'il modifie ses tâches pour qu'elles correspondent au poste qu'elle croyait avoir décroché à la clinique.

    Dans les circonstances, j'estime que la décision majoritaire du conseil doit être annulée, car il ne s'agit pas ici de l'insatisfaction d'un employé au sujet des conditions de travail. Il s'agit d'une affaire où la prestataire a été embauchée pour un poste, alors qu'en réalité elle devait exécuter un autre travail. Pour ces motifs, je conclus que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire a tenté de trouver un autre emploi, mais le fait demeure qu'elle avait été amenée à croire qu'elle serait une auxiliaire médicale alors qu'en réalité elle a été embauchée pour autre chose. Le contrat de travail n'est d'aucune utilité pour déterminer en quoi le poste ou les tâches de la prestataire étaient censés consister.

    Pour les motifs susmentionnés, l'appel de la prestataire est accueilli et la décision majoritaire du conseil est annulée.

    David G. Riche

    Juge-arbitre

    Le 27 mars 2009
    St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

    2011-01-16