TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi
L.C. 1996, ch. 23
- et -
d'une demande de prestations
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 4 novembre 2008
L'appel a été instruit à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 27 mai 2009.
Appel à la Cour d'appel fédérale (A-300-09) retiré
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
La prestataire interjette appel de la décision d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel de la décision de la Commission de ne pas lui verser de prestations pour la période du 21 décembre 2007 au 15 janvier 2008 parce qu'elle était à l'étranger.
La prestataire a présenté sa demande de prestations en mai 2007, et une période de prestations a été établie à son profit. Son père est décédé en Sierra Leone, son pays d'origine. Comme il était musulman, il a été enterré le même jour. Grâce à la générosité de ses amis, la prestataire a pu se rendre en Sierra Leone et vivre son deuil avec sa famille, après l'enterrement. Elle avait été informée des possibilités d'emploi en Sierra Leone et, pendant son séjour là-bas, elle a participé à deux entrevues et a rencontré un employeur pour lequel elle avait travaillé par le passé.
L'article 37 de la Loi sur l'assurance-emploi dispose que sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l'étranger. Les exceptions prévues sont énumérées au paragraphe 55(1) du Règlement sur l'assurance-emploi. Voici le libellé des dispositions pertinentes :
[...] le prestataire n'est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu'il est à l'étranger pour l'un des motifs suivants :
b) assister, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, aux funérailles d'un proche parent [...]
e) assister à une véritable entrevue d'emploi pour une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs;
f) faire une recherche d'emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs.
La prestataire a quitté le Canada le 14 décembre 2007 et elle est revenue le 15 janvier 2008. Même si elle n'a pas pu arriver en Sierra Leone à temps pour les funérailles de son père, la Commission ne l'a pas déclarée inadmissible au bénéfice des prestations pour les sept premiers jours de son absence, c'est-à-dire du 14 au 20 décembre.
Le conseil arbitral a indiqué que la prestataire lui avait dit avoir assisté à deux entrevues avec les responsables d'une banque le 28 décembre et le 9 janvier et avoir rencontré un ancien employeur. La prestataire avait travaillé en Sierra Leone en 2004 dans le cadre d'un contrat de trois mois.
Le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :
Bien que la prestataire ait participé à une entrevue d'emploi pendant son séjour à l'étranger et ait rencontré un ancien employeur à deux reprises, le conseil estime qu'il ne s'agissait pas d'une recherche d'emploi sérieuse au sens des alinéas 55e) et f) du Règlement. Ces entretiens constituaient des occasions d'emploi, mais ils n'avaient pas motivé le voyage.
[Traduction]
La prestataire a présenté des éléments de preuve supplémentaires à l'appui de son appel. Une lettre écrite par son mari indique notamment ce qui suit :
Avant son départ, nous avons parlé de la forte possibilité que nous retournions nous installer en Sierra Leone si l'une des entrevues d'emploi portait ses fruits. La prestataire et moi avons travaillé en Sierra Leone par le passé, mais nous avons dû quitter le pays lorsqu'une guerre civile a éclaté. Nous aurions tous les deux saisi volontiers l'occasion de retourner travailler en Sierra Leone. La prestataire aurait travaillé dans le domaine des sciences de l'environnement et moi, dans celui du développement communautaire.
[Traduction]
Un ami écrit ceci :
Elle est en contact avec quelqu'un en Sierra Leone qui lui envoie de l'information sur les emplois disponibles là-bas. Je sais pertinemment qu'elle a postulé quelques emplois en Sierra Leone et qu'elle a été convoquée à des entrevues. Son principal problème était que les frais de déplacement pour se rendre aux entrevues étaient trop élevés, mais lorsque son père est décédé, beaucoup de gens lui ont fait des dons en argent qu'elle a utilisés pour aller en Sierra Leone.
[Traduction]
Dans ses observations écrites, la prestataire affirme ce qui suit :
Avant mon départ pour Sierra Leone, j'ai été informée de deux offres d'emploi, auxquelles j'ai posé ma candidature. Comme je ne travaillais pas, le problème était que je n'avais pas les moyens de voyager, mais les dons que j'ai reçus de mes amis lorsque mon père est décédé ont rendu ce voyage possible. J'ai participé à deux entrevues d'emploi, une le 28 décembre 2007 et l'autre le 9 janvier 2008. Puis j'ai attendu les résultats des entrevues pendant une semaine. L'entrevue du 28 décembre 2007 s'est déroulée avec le directeur exécutif de CADEM, une ONG à vocation environnementale qui était financée par une banque dans le cadre d'un programme environnemental.
[Traduction]
Le directeur exécutif de CADEM a écrit une lettre pour confirmer que la prestataire avait participé à une entrevue pour un poste de coordonnatrice de l'évaluation environnementale.
La preuve indique que la prestataire a assisté à des entrevues d'emploi, ce qui toutefois ne démontre pas clairement qu'elle effectuait une recherche d'emploi. Il s'agit peut-être d'une distinction subtile, mais les entrevues se rapportaient à un poste dont la prestataire avait eu connaissance avant de quitter le Canada.
La question n'est pas de savoir si ce sont uniquement les entrevues qui ont motivé le voyage. Il faut plutôt déterminer si la prestataire a assisté à une véritable entrevue. Il s'agit d'une question de fait. La norme de contrôle judiciaire que je dois appliquer à la décision du conseil arbitral est celle du caractère raisonnable.
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, j'estime que la conclusion du conseil selon laquelle la prestataire n'a pas assisté à une véritable entrevue n'est pas raisonnable.
L'appel de la prestataire est accueilli et la décision du conseil arbitral est annulée en ce qui concerne l'inadmissibilité imposée pour sept jours additionnels. Le trop-payé de prestations inscrit au dossier de la prestataire sera rajusté en conséquence.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 10 juin 2009