TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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d'une demande de prestations
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à London (Ontario) le 15 avril 2008
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 5 octobre 2007, et une période initiale de prestations commençant le 30 septembre 2007 a été établie à son profit. Le prestataire a demandé que sa demande soit antidatée de façon à ce qu'elle prenne effet le 2 juillet 2007. Il a présenté une deuxième demande de prestations le 3 janvier 2008 et redemandé que ses déclarations soient antidatées de façon à prendre effet le 2 juillet 2007. La Commission a refusé d'antidater la demande parce que le prestataire n'avait pas démontré qu'il avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande de prestations. La Commission a aussi déterminé que le prestataire n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler et l'a donc déclaré non admissible au bénéfice des prestations pour une période indéterminée à partir du 30 septembre 2007.
Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant un conseil arbitral, lequel a accueilli l'appel en ce qui concerne l'antidatation des déclarations du prestataire afin qu'elles prennent effet le 30 septembre 2007, et a rejeté l'appel en ce qui a trait à l'antidatation de la demande pour qu'elle prenne effet le 2 juillet 2007 et à la disponibilité du prestataire. Le prestataire a interjeté appel de la décision du conseil. L'appel a été instruit à London, en Ontario, le 2 juin 2009. Le prestataire était présent et accompagné de son représentant.
Le conseil a été saisi de trois questions.
La première question concernait la demande du prestataire d'antidater la demande qu'il a présentée le 5 octobre 2007 afin qu'elle entre en vigueur le 2 juillet 2007. Le prestataire a fait valoir qu'il n'avait pas demandé de prestations avant le mois d'octobre parce qu'il attendait son relevé d'emploi et croyait commencer rapidement un nouvel emploi au Colorado. Le conseil a estimé que ces deux raisons ne constituaient pas des motifs valables pour tarder à présenter une demande de prestations (décisions CUB 17905, 17191 et 57707 en ce qui a trait au relevé d'emploi, et décisions CUB 14150, 24154 et 47921 en ce qui concerne l'espoir d'obtenir un emploi). J'estime donc que la décision du conseil à cet égard est dûment étayée par la preuve et la jurisprudence.
La deuxième question concernait la demande du prestataire d'antidater ses déclarations relatives à la demande qu'il a présentée le 30 septembre 2007. Le conseil a accueilli l'appel du prestataire à cet égard dans la mesure où il a ordonné que ses déclarations soient antidatées de façon à ce qu'elles prennent effet le 30 septembre 2007. La Commission n'a pas interjeté appel de la décision du conseil à cet égard.
En ce qui concerne la dernière question dont était saisi le conseil, à savoir si le prestataire a établi sa disponibilité pour travailler, j'estime que le conseil a erré en droit en parvenant à cette décision. Le conseil semble avoir conclu que le prestataire devait fournir un contrat signé pour prouver qu'il avait un emploi assuré. Or, la Loi sur l'assurance-emploi et la jurisprudence ne font état d'aucune exigence de ce genre. Les critères juridiques qui ont été établis par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Faucher (A-56-96) sont les suivants : le prestataire doit démontrer qu'il désire retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable sera offert, il doit manifester ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable, et il ne doit pas fixer de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail.
Dans l'affaire qui nous occupe, le prestataire a établi qu'il avait un emploi garanti. Même s'il n'avait pas de contrat signé, il a fourni une lettre de son employeur potentiel qui expliquait en quoi consisterait son poste et quel serait son salaire. Cette lettre (pièces 19-1 à 3) précisait que l'employeur avait besoin des services du prestataire, et ce, pour une période d'un an. Si le prestataire n'avait pas éprouvé de difficultés à entrer aux États-Unis, il aurait été en mesure de commencer cet emploi. Le conseil a estimé que le prestataire avait limité indûment ses possibilités d'emploi. La raison pour laquelle le prestataire n'a pas été en mesure de voyager pour commencer son nouvel emploi était totalement hors de son contrôle, comme la preuve l'a établi. J'estime que le prestataire a fait tout en son pouvoir pour résoudre ce problème, comme le démontre la pièce 7-2, ce qui est aussi confirmé par les deux lettres des services de police qui confirment que le prestataire n'aurait jamais dû se trouver dans cette position. Le prestataire avait même suivi la formation nécessaire pour son nouveau poste. Cette formation ne l'aurait cependant pas aidé à trouver un emploi dans sa région. Le prestataire a souligné que son aptitude au travail était restreinte en raison d'une blessure antérieure. Il a aussi expliqué que tout emploi qu'il aurait envisagé aurait été temporaire étant donné qu'il avait trouvé un emploi dans son domaine et pour lequel il était formé. Le conseil arbitral n'a pas tenu compte de tous ces faits. Dans la décision CUB 3863, le juge Collier a déclaré qu'il aurait été déraisonnable de suggérer que la prestataire aurait dû chercher un emploi permanent dans un domaine autre que celui pour lequel elle a été formée et dans lequel elle a travaillé pendant plusieurs années alors qu'elle attendait de reprendre son travail de professeur suppléant. Dans la décision CUB 28027, le juge Noël a déclaré que la décision de la prestataire de ne pas accepter de poste temporaire pour lequel elle n'était pas pleinement formée et qui aurait pu mettre en péril son retour à un autre poste saisonnier était la chose prudente à faire. Il a estimé que la prestataire, dans ces circonstances, avait démontré qu'elle avait un motif valable de ne pas saisir l'occasion d'emploi qui lui était offerte.
De plus, la situation du prestataire rejoint celle d'un prestataire qui attend d'être rappelé. Le prestataire avait travaillé pour le même employeur auparavant et s'est fait offrir à nouveau un emploi. La jurisprudence a établi qu'un prestataire qui attend d'être rappelé par son employeur est dispensé, du moins pour une période de temps raisonnable, de devoir démontrer une recherche d'emploi active (décisions CUB 1804, 14685, 14685 et 23283, et arrêt Charpentier [A-474-97]). Dans la décision CUB 14685, le juge Strayer a déclaré :
« Il me semble que le conseil a mal interprété la loi pour ce qui est de la disponibilité. La question restreinte qu'il devait trancher était de savoir si le prestataire aurait dû chercher un emploi temporaire entre le 23 août et le 14 septembre. (Selon la pièce 6, le prestataire avait déclaré qu'il aurait accepté un emploi temporaire si on lui en avait offert un.) Le conseil semble avoir interprété l'article 25 de la Loi sur l'assurance-chômage comme signifiant qu'un prestataire doit chercher du travail, peu importe les circonstances. En toute déférence, j'accepte plutôt la déclaration du juge Mahoney dans la décision CUB 5085. Dans cette affaire, un prestataire avait été licencié avec "promesse d'être rappelé peu après", mais aucune date de rappel n'avait été fixée. La Commission l'a déclaré inadmissible à compter du lundi suivant le vendredi de son licenciement. Le juge Mahoney a déclaré ce qui suit :
"À mon sens, une personne licenciée dans des circonstances semblables à celles qui entourent le cas dont nous sommes saisis est en droit, pendant un délai raisonnable, de considérer la promesse de rappel au travail comme le moyen le plus probable d'obtenir de nouveau un emploi et d'agir en conséquence."
En d'autres mots, les critères appliqués pour déterminer la disponibilité et l'incapacité d'obtenir un emploi convenable sont des critères objectifs qui tiennent compte des circonstances. Le conseil semble avoir jugé qu'ils exigeaient automatiquement une recherche d'emploi, peu importe l'imminence de la date connue de rappel. »
La jurisprudence a aussi établi que la Commission devait avertir les prestataires lorsque ces derniers doivent élargir leur champ de recherche d'emploi (décisions CUB 14708, 15389, 16823 et 18846). Dans la décision CUB 15389, le juge Teitelbaum a déclaré :
« Au CUB 14708, le juge en chef déclare à la page 7 :
"L'équité exigeait qu'il lui soit donné à la fois un avertissement et une possibilité raisonnable d'établir sa disponibilité soit en faisant une recherche d'emploi adéquate, soit en se faisant diriger vers le cours par la Commission."
Au CUB 12842, monsieur le juge Cullen réitère le principe qu'un prestataire devrait recevoir un avis et avoir l'opportunité de corriger la situation existante :
"D'abord, il ne convient pas d'exclure la prestataire pour les raisons mentionnées sans l'avoir d'abord avertie qu'une recherche trop restreinte pourrait influer sur son droit aux prestations. S'il y avait un problème avec sa demande, la prestataire avait certainement le droit d'être la première à en être informée. [...]
Quoi qu'il en soit, il faut donner à un ou une prestataire la possibilité de remédier à ce qui ne va pas avant de lui couper les prestations."
Je suis d'accord avec ce principe. En l'espèce, le prestataire n'a pas été averti et on ne lui a pas accordé un délai raisonnable pour se trouver un autre genre de travail. Il a été déclaré inadmissible dès la première journée qu'il aurait normalement été admissible aux prestations. Il s'agit donc ici d'une erreur de droit. »
J'estime donc que le conseil a commis plusieurs erreurs de droit en parvenant à la conclusion que le prestataire n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Je considère que le prestataire, si l'on tient compte de toutes les circonstances, a prouvé sa disponibilité pour travailler au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, telle qu'elle est interprétée dans la jurisprudence.
Par conséquent, l'appel du prestataire est accueilli relativement à la question de la disponibilité pour travailler et rejeté en ce qui concerne l'antidatation de sa demande pour qu'elle prenne effet le 2 juillet 2007. Comme la Commission n'a pas interjeté appel de la décision du conseil en ce qui a trait à l'antidatation des déclarations du prestataire pour qu'elles entrent en vigueur le 30 septembre 2007, cette décision n'est pas touchée.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 23 juin 2009