EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue le 27 mars 2008 à Alma, Québec
GUY GOULARD, juge-arbitre
Le prestataire a présenté une demande de prestations qui fut établie à compter du 15 janvier 2006. La Commission a, par la suite, déterminé que le prestataire n'était pas en chômage parce qu'il consacrait son temps à une entreprise et que son but était de faire de cette entreprise son principal gagne-pain. Une inadmissibilité fut imposée à compter du 16 janvier 2006 en vertu du paragraphe 30(1) du Règlement sur l'assurance-emploi. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 11 143,00$.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui rejeta l'appel. Le prestataire porta la décision du conseil devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Dolbeau, Québec le 4 mai 2009. Le prestataire était présent et était représenté par avocat. Cet appel a été entendu conjointement avec un appel concernant une période de prestations établie le 24 octobre 2004.
Après une analyse du dossier d'appel et une lecture de la transcription de l'audience devant le conseil arbitral et ayant entendu les représentations des avocats du prestataire et de la Commission, j'en suis venu à la conclusion que ce dossier doit être retourné devant un autre conseil arbitral pour une nouvelle détermination. Cette décision est fondée sur le fait que le conseil a omis de prendre en considération les six critères prévus au paragraphe 30(3) du Règlement sur l'assurance-emploi afin de déterminer si l'ampleur de l'implication du prestataire dans son entreprise était telle à le rendre inadmissible aux prestations d'assurance-emploi.
Les paragraphes 30(1), 30(2) et 30(3) du Règlement prévoient comme suit:
30(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.
(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne représenterait pas normalement son principal moyen de subsistance, il n'est pas considéré, à l'égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
(3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
a) le temps qu'il y consacre;
b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
c) la réussite ou l'échec financiers de l'emploi ou de l'entreprise;
d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
f) l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi.
La jurisprudence a établi qu'afin de déterminer l'ampleur de l'implication d'un prestataire dans une entreprise, un conseil arbitral doit revoir et analyser toutes les circonstances du prestataire à l'égard de chacun des six critères prévus au paragraphe 30(3). Dans le CUB 23822 le juge Cullen écrivait:
« Par conséquent, dès lors qu'on a établi le prestataire avait un emploi au sens du paragraphe (1), il s'agit de déterminer si l'appelant y consacre si peu de temps qu'on peut faire exception à la règle générale d'inadmissibilité. Il faut tenir compte de six facteurs pour déterminer si l'emploi est négligeable. Ce sont le temps consacré à l'entreprise, le capital et les ressources investis, la réussite financière ou l'échec de l'entreprise, la stabilité et la nature de l'entreprise, et la volonté du prestataire de trouver un autre emploi (critères établis initialement par le juge Dubé, Juge-arbitre dans le CUB 5454).
Ce serait une erreur de droit pour le conseil de ne pas tenir compte de l'exception mentionnée à l'article 43(2) et des six facteurs susmentionnés pour évaluer si le prestataire est en chômage (CUBs 19015, 19013, 13687). »
Ce principe a été confirmé par la Cour d'appel fédérale dans les arrêts Miller (A-772-00) et Charbonneau (A-699-02), où la Cour a indiqué que le fait que le conseil n'ait pas effectué une analyse des six critères relativement aux circonstances d'un prestataire constitue une erreur cruciale de la part du conseil. Dans Charbonneau (supra), le juge Décary soulignait que les facteurs les plus importants sont le temps consacré par un prestataire à son entreprise ainsi que sa volonté de se chercher un autre emploi.
Dans son analyse de la question en litige, le conseil s'en est tenu aux commentaires du prestataire dans une déclaration à la Commission et a ignoré les explications et commentaires additionnels du prestataire lors de l'audience. Le prestataire avait entre autres indiqué qu'il avait eu très peu de travail durant la période avant le mois de juillet 2005 alors qu'il n'avait reçu des prestations qu'à partir d'octobre 2004 et que l'inadmissibilité avait été imposée à compter du 3 janvier 2005. Le prestataire avait aussi indiqué qu'il avait travaillé pour un autre employeur d'octobre 2005 à janvier 2006. Cet emploi devait être pris en considération à l'égard du commentaire du prestataire dans sa déclaration à l'effet que son entreprise était son principal moyen de subsistance. Le conseil a aussi omis de se pencher sur quatre des six facteurs prévus au paragraphe 30(3) du Règlement.
Je souligne également que les décisions du conseil arbitral dans les deux dossiers en appel sont identiques, en particulier à l'égard des revenus de l'entreprise pour les deux périodes visées, bien que les faits étaient différents pour ces deux périodes. Il incombait au conseil de se pencher sur toutes les circonstances du prestataire à l'égard de chacune des périodes visées, tout en tenant compte des six facteurs prévus au paragraphe 30(3) du Règlement.
Bien que la décision du conseil arbitral soit muette à cet égard, un des membres du conseil semble s'être mépris en droit relativement aux conséquences du fait de détenir une majorité des actions d'une entreprise. Ce membre indiquait à la page 25 de la transcription : « Vous pouvez pas détenir plus que 40 pour cent de l'entreprise. Si vous détenez plus que 40 pour cent de l'entreprise, vous avez pas droit aux prestations. » Tel n'est pas le sens de l'article 30 du Règlement.
Je conclus donc que le conseil arbitral a erré en fait et en droit en omettant de prendre en considération toute les circonstances et les représentations du prestataire ainsi que toute la preuve soumise par celui-ci pour déterminer les questions en litige dans les deux appels du prestataire. Les décisions du conseil seront, en conséquence, annulées.
L'analyse de la question à savoir si la situation du prestataire lui permettrait de bénéficier de l'exception prévue au paragraphe 30(2) du Règlement implique une détermination de faits. Conformément à la Loi sur l'assurance-emploi, la détermination de faits relève du conseil arbitral. Ces dossiers devront donc retourner devant un nouveau conseil.
Les décisions du conseil arbitral sont annulées. Les dossiers seront retournés devant un conseil différemment constitué pour une nouvelle détermination. Les décisions du conseil datées le 27 mars 2008 seront retirées des dossiers d'appel.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 17 juillet 2009