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  • CUB 73603

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    X

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire de la décision d'un Conseil arbitral rendue le 16 décembre 2008, à St-Romuald, Québec

    DÉCISION

    DENIS DUROCHER, juge-arbitre

    Le Conseil arbitral a maintenu la décision de la Commission refusant la demande du prestataire en raison de son congédiement pour inconduite. Ce dernier en appelle au juge-arbitre.

    Certains des faits ne sont pas contestés, de part et d'autre. Le prestataire se rend à son rendez-vous médical du vendredi 29 août 2008. En fin de l'après-midi on l'informe, avec d'autres, aussi, qu'il ne pourra être vu. Le lundi est un jour férié. Il se présente le mardi, 2 septembre 2008. On l'informe qu'il doit faire de la physiothérapie ce jour-là et le lendemain, mercredi le 3 septembre 2008. Il reconnaît ne pas avoir avisé l'employeur de ses absences du mardi et mercredi.

    Il entre au travail le jeudi 4 septembre 2008 muni d'un billet médical qu'il remet à l'employeur. Il est congédié immédiatement.

    D'autres faits divergent selon la partie qui les relate. Selon les propos recueillis de l'employeur, M. X aurait dit qu'il viendrait au travail le vendredi après-midi. M. X affirme avoir dit : « si c'était possible ».

    L'employeur, toujours selon ses réponses au téléphone, dit que M. X s'absentait souvent. M. X le nie, ajoutant qu'en raison de la blessure subie au travail il devait voir le médecin une fois la semaine et recevoir des traitements en physiothérapie. L'employeur était avisé à l'avance et recevait une attestation après la visite. Notons que la question des autres absences dans le contexte de ce congédiement est d'une pertinence douteuse, envisagée dans l'optique de la Loi, et des circonstances montrées au dossier et par la preuve.

    Le juge-arbitre soussigné trouve que l'appel du prestataire doit être accueilli.

    Il n'est pas inutile de rappeler que le fardeau de démontrer l'inconduite au sens de la Loi est celui de la Commission. Et, en présence de preuve équivalente de part et d'autre, le prestataire doit bénéficier du doute.

    Les principes énoncés par le Conseil arbitral à sa décision sont exposés correctement (pièces 19-3 et 19-4). Par contre, le Conseil arbitral a tiré des conclusions qu'il ne pouvait pas raisonnablement tirer de la preuve et des faits.

    Le Conseil arbitral retient, tout comme l'employeur l'alléguait, que le prestataire s'est absenté de façon contraire aux dispositions de la convention collective : « Les dispositions de la convention collective sont explicites en cas d'absentéisme de plus de trois (3) jours tel qu'il appert de la pièce 10-2 », peut-on lire à la décision (pièce 19-5).

    L'article 5.06 de la convention, reproduit à la pièce 12.2 se lit ainsi :

    « 5.06. Perte de l'ancienneté.
    Le salarié perd son ancienneté et son emploi dans les cas suivants :
    c) s'il est absent de son travail pendant plus de trois (3) jours consécutifs sans donner avis ou sans excuse raisonnable. »

    La lecture de la décision montre que le Conseil arbitral retient cet élément comme important dans ses motifs. Or, il est évident que le prestataire ne s'est pas absenté pendant trois jours consécutifs, ni plus de « pour plus de trois jours ». Il avait comme à l'habitude, avisé de son absence, la veille du vendredi. L'employeur l'admet (pièce 9-1), nonobstant, l'employeur retient contre lui son absence du vendredi, à la pièce 10-2. Les pièces 13-1, 13-2 et 14 contredisent la position de l'employeur, retenue par le Conseil arbitral.

    Il s'agit là d'une erreur importante quant aux faits et déraisonnable.

    Mais l'élément principal de notre conclusion repose sur la règle de droit relative à la preuve. D'une part c'est à la Commission ou à l'employeur qu'il appartient de démontrer l'inconduite au sens de la Loi, le prestataire devant bénéficier du doute.

    Ces exigences de la Loi demandent que la preuve soit empreinte d'une certaine qualité. En l'instance, en plus du défaut énoncé ci-dessus, on doit constater que la preuve obtenue par la Commission, et émanant de l'employeur, est déficiente à plusieurs égards. Le prestataire a d'ailleurs contredit certaines parties, le Conseil arbitral négligeant de se prononcer à ce sujet.

    Le juge-arbitre soussigné est d'avis que dans ces circonstances, l'employé doit bénéficier du doute, ce que le Conseil arbitral ne lui a pas accordé, contrairement à la Loi.

    Le prestataire nie s'être absenté souvent dans le passé, contrairement à l'affirmation de l'employeur. Cette dernière n'est soutenue par aucune preuve documentaire.

    La lettre de congédiement est datée du mercredi 3 septembre 2008. À ce moment, l'employé s'était absenté le vendredi et le mardi (pièce 10-2). Le même jour on lui remet un avis reprochant son absence du mardi (pièce 10-3). Une lettre du 2 septembre 2008 lui reproche son absence du vendredi (pièce 10-4). M. X avait avisé de cette dernière auparavant et il remettait un billet médical d'excuse raisonnable pour l'absence du mardi. Ces éléments à notre avis affaiblissent considérablement la preuve de la Commission. Les pièces 4 et 5 contiennent des éléments douteux dans les circonstances. Aussi tous les avis ont été remis en même temps que l'avis de congédiement à M. X, ce dont il a témoigné. À la pièce 5, l'employeur affirme que « la procédure de gradation a été faite ». Et à la pièce 9-1, qu'il « y a eu des avis de remis à monsieur X avant qu'il ne soit congédié ». Les avis qu'il transmet (pièces 10-2, 10-3 et 10-4) démontrent le contraire. C'est aussi une erreur de tenir compte des absences passées en égard à la convention collective, et aussi sans tenir compte de la négation du prestataire dans la balance. Il n'y a eu que deux avis, et non trois.

    Ces faits sont ici relevés non pas pour refaire la preuve, mais simplement pour en souligner la faiblesse, face aux exigences de la Loi.

    Le Conseil arbitral observe que « la crédibilité du prestataire est affectée par ses réponses lorsque confronté par l'agent au dossier, tel qu'il appert à la Pièce 6 ». Le Conseil arbitral n'évalue pas le style de cette confrontation, qui affecterait toute personne raisonnable. Il n'a pas tenu compte des excuses raisonnables présentées à l'employeur.

    C'est une question de droit qui découle du fardeau de la preuve et de la règle du doute. On ne peut errer à ce sujet, dans son application. Le juge-arbitre soussigné est d'avis que le Conseil arbitral n'a pas évalué la preuve de la Commission correctement à cet égard. C'est à tort qu'il a aussi mal évalué celle du prestataire. Cette dernière est corroborée par plusieurs éléments au dossier et même par celle émanant de l'employeur et de la Commission. Le Conseil arbitral a ignoré les arguments et la preuve présentée par le prestataire.

    Certes les normes de l'employeur et de la convention collective ne sont pas nécessairement celles que la Commission et le Conseil arbitral doivent suivre. Il est, par contre, indiscutable que ce sont celles que ces deux instances ont choisi d'appliquer. Mais même en faisant abstraction de ces normes, on ne saurait dire que le comportement du prestataire constitue de l'inconduite prouvée, au sens de la Loi. E n présence des explications, des arguments et de la preuve au dossier, le bénéfice du doute devait favoriser le prestataire.

    Pour ces raisons, le juge-arbitre maintient l'appel du prestataire et annule la décision du Conseil arbitral du 16 décembre 2008; retourne le dossier pour désignation d'un autre conseil arbitral qui devra tenir pour acquis que le prestataire a droit au bénéfice du doute en sa faveur, et droit aux prestations prévues à la Loi.

    Denis Durocher

    UMPIRE

    Montréal, Québec
    Le 20 novembre 2009

    2011-01-16