DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-109-10
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
X
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Brantford (Ontario) le 23 décembre 2008
Le juge-arbitre DENIS DUROCHER
La Commission porte en appel la décision rendue le 23 décembre 2008 par un conseil arbitral qui a infirmé la décision précédente de la Commission refusant à la prestataire le bénéfice des prestations d'assurance-emploi.
Mme X n'était plus capable de remplir les fonctions attachées à son emploi d'ouvrière d'usine, parce qu'elle souffrait de graves douleurs aux mains, aux poignets et aux bras, tel qu'attesté par son médecin. Une chirurgie n'était pas indiquée dans son cas, mais un changement d'emploi s'imposait. La prestataire a décidé qu'un emploi de « préposée au soutien personnel », travail qui n'est pas trop exigeant pour les mains et les bras, lui conviendrait. Comme elle n'avait jamais travaillé qu'en usine, il lui fallait, pour pouvoir décrocher ce poste, suivre un cours de cinq mois qui était offert. Elle a fait une demande d'inscription au cours et elle a dû payer les frais de scolarité avant le début du cours.
Après entente avec son employeur, la prestataire a quitté son emploi et demandé immédiatement les prestations ainsi que l'autorisation de suivre le cours. On lui a répondu qu'elle pourrait le faire et elle a rempli une fiche de renseignements sur le cours de formation (pièces 5-1 à 5-3), tel que demandé. On ne lui a pas dit à ce moment-là qu'il lui fallait présenter une demande de préautorisation du cours, et elle a commencé le cours de cinq mois.
Dans une première décision, le conseil arbitral s'est penché sur la question de la disponibilité pour travailler et a décidé que la prestataire était disponible pour travailler. L'erreur d'un employé de la Commission ne constituait pas une base valide pour priver la prestataire des prestations. Le conseil arbitral a cru la prestataire qui affirmait que c'est parce qu'elle avait été induite en erreur qu'elle avait déclaré qu'elle consacrerait son temps à ses cours de formation plutôt qu'à trouver du travail. Je note que sur le même formulaire (pièce 5-2), la prestataire répond qu'elle accepterait « un travail de bureau, sans dactylographie/mouvements répétitifs » [Traduction] à la question « Quel type de travail accepteriez-vous pendant que vous suivez votre cours? » [Traduction].
Le conseil arbitral a énoncé la jurisprudence sur laquelle il fondait ses conclusions, citant « in extenso » la décision CUB 49959, dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi et d'une demande de prestations présentée par X, où le juge-arbitre citait lui-même la jurisprudence pertinente.
Le conseil arbitral a ainsi conclu : « ... le conseil demande à la Commission de revoir le dossier de la prestataire plutôt que les renseignements présentés à l'audience d'appel. Le conseil arbitral a décidé d'accueillir l'appel de la prestataire, à condition que le cours réponde aux exigences établies par la Commission. »
La Commission a réexaminé le dossier et, dans des observations additionnelles, a indiqué que « la prestataire a communiqué avec le "Return to Work Action Centre" qui lui a refusé l'autorisation. La Commission n'a aucune autorité sur de tels programmes et elle ne peut intervenir » [Traduction] (pièce 13). Elle a demandé au conseil arbitral de compléter sa décision concernant la question en litige, c'est-à-dire la disponibilité pour travailler. La prestataire a fourni une liste d'emplois qui étaient annoncés et qu'elle était incapable d'exercer.
Le conseil arbitral a réitéré à peu de choses près sa décision précédente, en y ajoutant quelques éclaircissements et se montrant satisfait des réponses de la prestataire. Le conseil arbitral a accueilli l'appel de la prestataire.
La Commission fait valoir dans son appel devant le juge-arbitre qu'un étudiant à temps plein est présumé non disponible pour travailler. Toutefois, la prestataire n'aurait pas dû se fier à ses impressions. Elle a commencé par dire qu'elle n'était pas disponible pour travailler avant d'affirmer le contraire lors des audiences devant le conseil arbitral. Ce dernier n'aurait pas dû croire la prestataire quand elle affirmait qu'elle était disponible pour travailler.
L'appel de la Commission est rejeté pour les motifs suivants.
La présomption précitée est une présomption de fait et elle peut donc être réfutée. Une telle présomption est dérivée des faits. Lorsque les faits sont contradictoires, une présomption n'en découle pas automatiquement. Et il revient au décideur de statuer sur la question de savoir si ces faits créent ou non une présomption.
La question de savoir si un étudiant à temps plein est disponible pour travailler est une question de fait. Le conseil arbitral, en l'espèce, a jugé la prestataire crédible.
Le juge-arbitre n'interviendra pas dans les questions de fait pour substituer son point de vue sur les faits à celui d'un conseil arbitral, à moins que ce dernier ne soit pas défendable à la lumière de la preuve présentée. Tel n'est pas le cas ici puisque le conseil arbitral est deux fois parvenu à la même appréciation des faits. J'ai déjà mentionné que sur le formulaire fourni par la Commission (pièce 5-2), la prestataire a déclaré qu'elle accepterait du travail de bureau tout en suivant ses cours.
Il n'appartient pas au juge-arbitre de réévaluer la crédibilité de la prestataire, le conseil arbitral est mieux placé pour ce faire.
Et en outre, comme le processus est de la nature d'une révision judiciaire au niveau du juge-arbitre, ce dernier doit se borner à vérifier si le conseil arbitral avait devant lui les éléments de preuve l'autorisant à rendre la décision qu'il a rendue. Le juge-arbitre ne peut pas substituer ses propres opinions si la décision est raisonnable et fondée sur la preuve, même s'il aurait peut-être personnellement tiré une autre conclusion.
Les motifs du conseil arbitral en l'espèce sont fondés sur la preuve contenue dans le dossier présenté à l'audience et ne vont pas à l'encontre de la loi.
Je rejette donc l'appel de la Commission.
Denis Durocher
JUGE-ARBITRE
Montréal (Québec)
Le 22 janvier 2010