TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
X
et
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Burnaby (Colombie-Britannique) le 9 juin 2009
Le juge David G. Riche
Il s’agissait pour le conseil arbitral de déterminer si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.
Les faits en l’espèce sont les suivants : la prestataire a été congédiée parce qu’elle portait des bijoux au travail, ce qui était contraire à la politique de l’employeur. Cette politique était fondée sur les règlements de l’Agence canadienne d'inspection des aliments. Selon les éléments de preuve présentés contre la prestataire, elle avait reçu des avertissements par écrit le 25 mars 2008, puis en avril et en mai 2008 et, enfin, en janvier 2009.
Il semble que le problème ait été causé par le fait que la prestataire portait des boucles d’oreille. La politique de l’employeur était fondée sur le Règlement sur l’inspection du poisson. Il y a eu un désaccord devant le conseil quant à savoir si la prestataire avait reçu quelque avertissement que ce soit, écrit ou verbal, de la part de l’entreprise. Le fait est que les avertissements ont été donnés verbalement; il ne s’agissait que de notes écrites de l’employeur, et non pas d’un avertissement officiel qui aurait été donné à la prestataire et qu’elle aurait signé.
Le conseil a conclu que la question de savoir s’il était permis ou non de porter des bijoux au travail n’était pas en litige.
Le conseil a ensuite examiné la jurisprudence en matière d’inconduite et la majorité des membres a déterminé que l’appel de l’employeur dans cette affaire devait être accueilli.
La Commission a exposé sa position devant le conseil en décrivant le dernier incident, où la prestataire avait mis ses boucles d’oreille avant de quitter son travail : « On pourrait dire qu’il ne s’agit pas d’une véritable violation de la politique de l’employeur si la prestataire était en train de se préparer à quitter son travail, ce jour-là, lorsqu’est survenu le dernier incident. Aucun détail n’a été fourni quant au temps qu’il restait à la prestataire avant de terminer sa journée de travail; on ne s’est donc pas acquitté de la charge de la preuve quant à sa conduite lors de ce dernier incident. Par conséquent, il est donc possible de conclure que l’inconduite qui a mené au congédiement n’a pas été prouvée de façon satisfaisante » [Traduction]. La Commission a donc maintenu que l’inconduite n’avait pas été prouvée.
J’ai examiné les éléments de preuve au dossier, de même que les notes de l’employeur. Il n’existe pas d’avertissements officiels écrits, signés par la prestataire. Il s’agit en fait de notes écrites à la main par un représentant de l’employeur.
Quand j’ai examiné le présent appel, j’ai constaté que la politique de l’employeur était fondée sur les lois et les règlements provenant de l’Agence canadienne d'inspection des aliments. Cela constitue le fondement de la politique de l’entreprise afin de se conformer aux règlements. Je note que dans ce règlement, on lit ce qui suit au sujet des exigences sanitaires : « Il est interdit à quiconque participe à la manutention ou à la transformation du poisson de porter des bijoux, du vernis à ongle ou des parures personnelles susceptibles de contaminer le poisson en cours de transformation ou d'y être incorporés ».
Dans la présente affaire, on a prétendu que la prestataire avait mis ses boucles d’oreille. On a dit que cela allait à l’encontre de la politique de l’employeur visant à se conformer au règlement. Une lecture raisonnable du règlement amène à penser que la personne qui manie ou transforme le poisson ne doit pas porter de bijoux, ni de vernis à ongle, ni autres parures qui puissent entrer en contact avec le produit transformé. Or, le fait est que la prestataire portait des boucles d’oreille et selon ce que j’ai observé chez les personnes qui portent des boucles d’oreille, il semble presque impossible que celles-ci entrent en contact avec le poisson transformé, à moins, bien entendu, que la personne qui transforme le poisson ne plonge la tête dans le produit pendant qu’elle effectue son travail.
Je remarque également que le membre dissident signale que quatre travailleurs ont été licenciés en même temps que la prestataire; deux d’entre eux parce qu’ils ne s’étaient pas lavé les mains, deux autres parce qu’ils portaient des bijoux, et que d’autres travailleurs ont été immédiatement embauchés à leur place, mais aucun de ces travailleurs n’avait reçu d’avis écrit concernant les actes dont ils étaient accusés. De plus, le quatrième avertissement avait été donné à une heure qui n’a pas été prouvée, mais bien au moment ou presque au moment du départ de la prestataire, et une fois de plus on a nié que cet avertissement ait été donné. Le membre dissident a déclaré qu’il y avait beaucoup d’éléments contradictoires et qu’il fallait décider lesquels étaient crédibles. En présence de déclarations contradictoires, on doit accorder le bénéfice du doute au prestataire.
Après avoir examiné les éléments de preuve dans cette affaire et l’application de la politique conformément au Règlement de l’Agence canadienne d'inspection des aliments, je conclus que les membres majoritaires du conseil ont commis une erreur en décidant que la prestataire était coupable d’inconduite, alors que l’inconduite présumée n’avait pas été prouvée selon la prépondérance des probabilités. D’abord, aucune preuve suffisante n’a été présentée pour pouvoir établir que les avertissements avaient bel et bien été donnés et, deuxièmement, il n’a pas été prouvé que les actes de la prestataire contrevenaient au Règlement. Le Règlement et la politique de l’employeur sont, selon moi, imbriqués de telle sorte que la politique de l’employeur doit être interprétée comme étant conforme au Règlement sur l’inspection du poisson au Canada.
Pour ces motifs, la décision majoritaire du conseil est annulée et l’appel de la prestataire est accueilli.
David G. Riche
Juge-arbitre
Le 29 juin 2010
St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)