EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
E.F.
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 14 janvier 2010 à Gaspé, Québec
GUY GOULARD, juge-arbitre
Le prestataire a travaillé pour Ville de Chandler jusqu’au 20 juillet 2009. Il présenta une demande initiale de prestations qui fut établie à compter du 1er novembre 2009. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait quitté son emploi sans justification et que ceci ne représentait pas la seule solution raisonnable dans ses circonstances. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d’une période indéterminée à partir du 1er novembre 2009.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit l’appel. La Commission a porté la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Percé, Québec le 15 juillet 2010. Le prestataire n’a pas comparu. Son représentant, M. A.B. du Mouvement Action Chômage avait fait parvenir des représentations écrites et avait indiqué que personne ne se présenterait à l’audience.
Dans sa demande de prestations, le prestataire indiquait qu’il avait perdu son emploi en raison d’un manque de travail. Dans le relevé d’emploi, l’employeur indiquait que le motif de la cessation d’emploi était « retraite / compression du personnel ».
L’employeur a expliqué avoir offert aux employés intéressés de se prévaloir du programme de compression de personnel mis en place suite à une fusion municipale en 2001. Quelques employés s’étaient prévalus de cette offre. L’employeur a indiqué que le prestataire avait été malade et devait revenir au travail le 1er novembre 2009 mais il avait pris une entente pour le programme assisté et devait finir de travailler le 31 octobre 2009. Il n’avait pas été remplacé et l’employeur ne savait pas s’il aurait pu continuer à son emploi. On a souligné qu’on avait gardé les employés les plus polyvalents.
L’employeur a ajouté qu’on encourageait les gens qui le pouvaient à prendre leur retraite. Par contre, on ne forçait personne à quitter. Le prestataire avait quitté volontairement. D’autres employés avaient demandé de partir mais on les avait gardés parce qu’on en avait besoin. L’employeur a ajouté que le poste du prestataire avait été aboli mais, puisqu’il était syndiqué, s’il avait voulu rester on lui aurait trouvé un poste.
Le prestataire a reconnu qu’il avait accepté de partir mais que dans ses circonstances c’était comme un manque de travail et il avait accepté l’offre de l’employeur de quitter.
L’employeur a reconnu qu’il n’y avait aucune entente avec la Commission dans le cadre d’un programme de départ assisté. L’employeur avait instauré son propre programme de compression suite à une fusion municipale qui avait causé un surplus de personnel. L’employeur a réitéré que le prestataire n’avait pas été contraint de quitter et qu’on lui aurait trouvé un poste s’il avait voulu continuer de travailler pour la ville.
Le prestataire a déclaré à la pièce 10 qu’il avait demandé un autre poste mais qu’on lui avait dit que ça se terminait le 31 octobre 2009 pour lui. Il a indiqué qu’il ne savait pas s’il avait le choix d’accepter ou de refuser le programme de compression.
L’employeur avait remis une copie du Protocole d’entente signé par l’employeur et le prestataire qui indique que le prestataire avait demandé de se prévaloir du programme de départ assisté et que sa demande avait été acceptée. La représentante de l’employeur avait indiqué, à la pièce 11-1, qu’il était exact qu’elle avait indiqué au prestataire que ça se terminait le 31 octobre 2009 lorsqu’il avait demandé s’il pouvait travailler dans un autre poste en raison du fait qu’il avait déjà bénéficié du programme de départ volontaire depuis presque trois ans.
Le prestataire a comparu devant le conseil arbitral et était représenté par M. A.B. du Mouvement Action Chômage. Ce dernier a soumis au conseil que le prestataire pouvait se prévaloir du programme de compression de personnel offert par la ville en vertu de l’article 51 du Règlement sur l’assurance-emploi. Il a souligné que le prestataire avait demandé un autre travail mais que l’employeur avait refusé.
Le conseil a accueilli l’appel du prestataire pour les motifs suivants :
« Devant ces faits et, compte tenu de la jurisprudence déposée par le prestataire et son représentant, soit le CUB 55778 et CUB 56933, où les faits sont comparables à la situation de M. E.F., le conseil arbitral, unanimement, convient que le prestataire a été incité par son employeur et le syndicat à adhérer au programme de compression du personnel et que son droit à l’assurance-emploi ne serait pas affecté. »
En appel de la décision du conseil arbitral, la Commission a soumis que le conseil avait erré en droit et en fait en concluant que le prestataire avait établi une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi pour avoir quitté son emploi. La Commission a soumis que le conseil avait omis de déterminer si le départ du prestataire représentait la seule solution raisonnable dans ses circonstances. La Commission a aussi soumis que le conseil avait omis de prendre en considération la preuve de l’employeur à l’effet que le prestataire n’avait pas été obligé de quitter et qu’il avait volontairement accepté de se prévaloir du programme de compression d’emploi offert par l’employeur. La Commission a de plus indiqué que les deux décisions auxquelles le conseil s’était référé impliquaient des situations où il y avait un programme de compression instauré conformément au paragraphe 51 du Règlement.
Dans ses représentations écrites, M. A.B. a souligné que l’employeur avait instauré un système de compression d’emploi et qu’on invitait des employés à quitter en raison d’un manque de revenu suite à une fusion municipale qui avait causé un surplus de personnel. Il a aussi souligné que le poste du prestataire avait été aboli. Il a ajouté que lors de l’audience devant le conseil, le prestataire avait indiqué qu’on l’avait appelé au bureau et qu’on lui avait demandé de signer le protocole d’entente. Il a aussi souligné que l’employeur n’avait pas contredit le témoignage du prestataire à l’effet qu’il aurait demandé un autre poste et qu’on lui avait dit que son emploi était terminé. Il a indiqué que la Commission n’avait pas versé les deux CUBs qu’il avait déposés devant le conseil. M. A.B. a soumis que le commentaire de la Commission dans son argumentation écrite au juge-arbitre (pièce 15-1) à l’effet que l’employeur aurait offert un autre poste au prestataire était contraire à la preuve au dossier puisque le prestataire avait indiqué aux pièces 9, 10 et 11 que tel n’était pas le cas et que l’employeur avait confirmé ce fait aux pièces 4 et 5 où l’employeur indiquait qu’on avait dit au prestataire que ça se terminait le 31 octobre, que le poste du prestataire avait été aboli, qu’on gardait des gens plus jeunes et polyvalents et que, si la ville aurait vraiment eu besoin du prestataire, on l’aurait gardé. Il a soumis que la décision du conseil arbitral était bien fondée sur la preuve présentée et que l’appel de la Commission devrait être rejeté.
Bien que les deux décisions mentionnées par le conseil se distinguent du cas en l’espèce en raison du fait qu’il s’agissait de situations où l’article 51 du Règlement s’appliquait, la décision du conseil ici était fondée sur sa conclusion à l’effet que le prestataire avait été incité par son employeur et son syndicat à adhérer au programme de compression du personnel.
L’alinéa 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit :
29(c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
(xiii) incitation indue par l'employeur à l'égard du prestataire à quitter son emploi
(J’ai souligné)
Dans la présente affaire, il y a plusieurs éléments de preuve qui appuient la décision du conseil arbitral à l’effet que l’employeur aurait incité le prestataire à quitter. Son poste était aboli, on n’avait pas besoin de lui, on gardait des employés plus jeunes et polyvalents. En particulier, je souligne qu’une agente de l’employeur lui avait indiqué à la pièce 4 qu’elle ne savait pas si le prestataire aurait pu rester au travail en raison du surplus de personne et, à la pièce 10 que, quand le prestataire avait demandé s’il pouvait avoir un autre poste, on lui avait dit que ça se terminait le 31 octobre 2009.
Pour ce qui est de la question de la seule solution raisonnable dans les circonstances du prestataire, si on accepte qu’il quittait en raison de l’incitation indue de l’employeur, il en découle que le prestataire n’a pas à établir qu’il aurait eu d’autres solutions raisonnables que celle de quitter dans ses circonstances.
La jurisprudence (Guay (A-1036-96), Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), McCarthy (A-600-93), Ash (A-115-94), Ratté (A-255-95) et Peace (A-97-03)) nous enseigne qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. En l’espèce, la décision du conseil à l’effet que le prestataire avait été justifié de quitter son emploi en raison de l’incitation de l’employeur est entièrement compatible à la preuve. Bien que le conseil n’ait pas mentionné que l’incitation était indue, sa conclusion à l’effet que l’alinéa 29(c)(xiii) pouvait s’appliquer au prestataire est compatible à la preuve qui indiquait que l’employeur préférait d’emblée que le prestataire quitte son emploi.
Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n’a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte. Au contraire, la décision du conseil est bien fondée sur de nombreux éléments de preuve dont il était saisi et sur la jurisprudence pertinente.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
Juge-arbitre
OTTAWA, Ontario
Le 12 août 2010