EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
A.B.
Seq. 3
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 18 juin 2009 à Gaspé, Québec
GUY GOULARD, juge-arbitre
Le prestataire a présenté une demande de prestations le 27 décembre 2006 et une période de prestations fut établie à compter du 24 décembre 2006. Dans sa demande de prestations, le prestataire avait indiqué qu'il demeurait à Pabos Mills, Québec. Il a remis des relevés d'emploi d'employeurs situés dans la région de Montréal et qui donnaient une adresse de Montréal pour le prestataire. Le permis de conduire du prestataire indiquait aussi qu'il demeurait à Montréal. La Commission a déterminé que le lieu de résidence réel du prestataire était Montréal et qu'il n'avait pas accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable requis pour faire établir une période de prestations. Il n'avait accumulé que 478 heures d'emploi assurable durant sa période de référence et le minimum d'heures d'emploi assurable requis en vertu du paragraphe 7.1(2) de la Loi sur l'assurance-emploi pour être admissible aux prestations était 910 heures compte tenu que son lieu de résidence était à Montréal plutôt qu'en Gaspésie. La Commission a annulé la période de prestations. Cette décision a entraîné un trop-payé au montant de 8 260,00$. La Commission a également déterminé que le prestataire avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses en indiquant qu'il habitait dans une région autre que celle de son lieu de résidence actuel. La Commission a imposé une pénalité de 2 478,00$ et un avis de violation.
Le prestataire en appela des décisions de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit unanimement l'appel sur la question de l'imposition d'une pénalité et d'un avis de violation et majoritairement sur la question de l'annulation de la période de prestations causant un trop-payé. La Commission porta la décision du conseil sur la question du lieu de résidence du prestataire et de l'annulation de la période de prestations causant un trop-payé devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Percé, Québec le 14 juillet 2010. Le prestataire était présent et représenté par Me C.D.
Cet appel fut entendu conjointement avec des appels de la Commission de décisions du même conseil arbitral rendues à l'égard de périodes de prestations établies respectivement le 5 décembre 2004 et le 25 décembre 2005. La question en litige ainsi que la preuve dans les trois dossiers d'appel étaient à toute fin pratique les mêmes dans les trois dossiers et la même décision s'applique aux trois dossiers. Pour fins d'argumentation et de références aux pièces dans les dossiers, le dossier touchant la période de prestations établie le 24 décembre 2006 a été utilisé. Je note que ces dossiers avaient fait l'objet d'appels devant moi en février 2009. Il s'agissait à ce moment là aussi d'appels de la Commission. J'avais alors retourné les dossiers devant un nouveau conseil arbitral avisant le conseil qui allait entendre les appels qu'il devait prendre en considération toute la preuve au dossier.
Tel qu'indiqué, la seule question en litige était à savoir quel était le lieu de résidence habituel du prestataire aux fins de déterminer le nombre d'heures d'emploi qu'il devait avoir accumulé pour avoir droit aux prestations en vertu du paragraphe 7.1 d le Loi sur l'assurance-emploi.
Les éléments de preuve sur lesquels la Commission a fondé sa décision en ce qui a trait au lieu de résidence habituel du prestataire durant les périodes pertinentes aux appels sont les suivants :
Dans son appel au conseil arbitral, le prestataire a réitéré qu'il considérait son lieu de résidence habituel comme la Gaspésie et qu'il ne se rendait à Montréal que parce qu'il y avait de l'emploi. Il a maintenu qu'il séjournait à Montréal exclusivement pour fins d'emploi et qu'il n'avait jamais eu l'intention de devenir résident de Montréal. Il a indiqué que son institution bancaire était en Gaspésie. Le prestataire a ajouté que, pour travailler dans une région autre que la sienne, il devait avoir une adresse dans la région où il travaillait.
Le prestataire a expliqué que lors de sa déclaration statutaire du 24 mai 2007, il vivait des problèmes conjugaux et de consommation ce qui l'avait porté à être confus et à négliger ses affaires. Il avait remis une confirmation de traitement pour problèmes de consommation. Il avait décidé de se prendre en main et était revenu en Gaspésie pour suivre une cure de traitements.
À l'appui de sa position, le prestataire avait remis les documents suivants :
Le prestataire a expliqué qu'il n'avait pas conservé plus de documentations pour les années antérieures en raison de son état durant cette période.
Dans ses soumissions écrites au conseil arbitral (pièce 24), le représentant du prestataire avait donné d'autres explications à l'égard des réponses fournies par le prestataire dans sa déclaration statutaire. Il avait réitéré que le logement du prestataire à Montréal n'était qu'en fonction de son emploi et qu'il possédait en fait plusieurs effets personnels en Gaspésie. Le représentant s'est référé à une jurisprudence.
Dans sa décision, le conseil arbitral a revu en détail la preuve au dossier ainsi que celle présentée à l'audience. Le conseil a accepté les explications du prestataire à l'égard des réponses qu'il avait fournies dans sa déclaration statutaire. Le conseil a souligné que, pour travailler dans l'industrie de la construction, il faut avoir une adresse dans la région du travail et que les employeurs doivent demander un changement d'adresse aux travailleurs Gaspésiens avec preuve à l'appui.
Le conseil a conclu comme suit :
« De nombreux travailleurs des régions éloignées des grands centres se retrouvent dans une situation similaire. Le conseil arbitral est d'avis que la résidence du prestataire pour les périodes pertinentes au litige était en Gaspésie. Montréal n'occupe dans la vie du prestataire qu'une fonction utilitaire. »
Le conseil a aussi fait référence à de la jurisprudence et a accueilli l'appel du prestataire dans une décision unanime.
En appel de la décision du conseil arbitral, la Commission a soumis que le conseil avait erré en droit en ne considérant pas tous les éléments de preuve au dossier d'appel et en omettant d'expliquer pourquoi il avait rejeté les déclarations initiales du prestataire dans sa déclaration statuaire du 24 mai 2007 en faveur de son témoignage lors de l'audience.
Me C.D. avait produit une transcription de l'audience devant le conseil. Il a soumis que la décision du conseil était bien fondée sur l'ensemble de la preuve et que le conseil avait bien résumé cette preuve et avait bien expliqué pourquoi il acceptait les explications du prestataire à l'égard de ses réponses dans sa déclaration statutaire. Il a soumis que le conseil avait accepté que le prestataire avait indiqué son adresse comme étant à Montréal puisqu'au moment de sa déclaration, il vivait dans cette ville. Le représentant a souligné les nombreux documents sur lesquels le conseil pouvait fonder sa conclusion à l'égard de la résidence habituelle du prestataire.
Me C.D. a soumis que les membres du conseil arbitral, qui sont des résidents de la Gaspésie, avaient bien compris que plusieurs travaillants de cette région doivent aller travailler dans d'autres régions, compte tenu du manque de travail en Gaspésie.
Me C.D. a soumis que la détermination de la question à savoir quelle était la résidence habituelle du prestataire durant les périodes pertinentes relevait d'une détermination de fait et que cette détermination relève du conseil arbitral et ne doit pas être rejetée à mois qu'elle soit déraisonnable. Me C.D. s'est référé à de la jurisprudence et a soumis que l'appel de la Commission devrait être rejeté.
Contrairement à ce qu'a soumis la Commission, je suis d'avis que, conformément aux directives que j'avais données dans ma décision du 27 février 2009, le conseil arbitral a revu et résumé les différents éléments de preuve au dossier et a expliqué pourquoi il avait donné plus de poids au témoignage oral du prestataire qu'à ses réponses dans sa déclaration statutaire. Le conseil a fait référence aux nombreuses pièces déposées par le prestataire et a souligné l'explication du prestataire pour la pénurie de documents pour les années précédentes. Le conseil a aussi souligné l'explication du prestataire à l'égard de sa réponse à l'effet qu'il ne demeurait pas avec sa mère, c'est-à-dire qu'il croyait que la question s'adressait au moment même où il avait fourni cette réponse.
Dans l'arrêt Dufresne (A-1044-96), le juge Décary soulignait que le conseil avait confronté le prestataire à ses déclarations écrites et avait retenu ses explications orales. Il a indiqué que le juge-arbitre ne pouvait alors conclure que le conseil avait ignoré les déclarations écrites du prestataire.
Dans le CUB 61554, le juge Dubé avait écrit :
« Les termes « résidence habituelle » ont été employés par le législateur pour distinguer une résidence coutumière d'une résidence temporaire. Un jeune homme qui vit habituellement chez ses parents ne vit que temporairement à l'endroit où il travaille jusqu'à ce qu'il déménage de chez lui pour s'établir ailleurs. C'est ce qu'à compris le Conseil arbitral quand il a décidé que la « demeure principale » du prestataire était chez ses parents à Leech (région de Tracadie).
Dans les circonstances, il n'y a pas lieu d'infirmer cette décision du Conseil arbitral attendu qu'il n'a pas erré en droit et n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, absurde, arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. »
Dans le CUB 21968, le juge Strayer indiquait que la semaine qui devait être prise en considération pour déterminer la résidence habituelle d'un prestataire était la semaine précédant la présentation de sa demande de prestations. En l'espèce, le prestataire avait présenté sa demande en Gaspésie car il était revenu chez-lui à ce moment.
Et dans le CUB 69529, le juge Riche avait écrit :
« Il ne fait aucun doute que le prestataire avait vécu à Salmon Creek pendant une longue période durant l'année pour y travailler, mais il est retourné à Norton à la fin de la saison. À mon avis, ce fait est suffisant pour montrer qu'il s'agissait de son lieu de résidence habituel. Le fait d'aller travailler ailleurs n'a pas modifié son lieu de résidence. Les termes utilisés aux alinéas 17(1)a) et b) font référence à la région où le prestataire avait son lieu de résidence habituel durant la semaine précédant la présentation de sa demande de prestations.
La jurisprudence (Guay (A-1036-96), Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), McCarthy (A-600-93), Ash (A-115-94), Ratté (A-255-95) et Peace (A-97-03)) nous enseigne qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Dans le dossier en l'espèce, la décision du conseil est entièrement compatible à la preuve.
Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte. Au contraire, la décision du conseil est bien fondée sur de nombreux éléments de preuve dont il était saisi et sur la jurisprudence pertinente.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 12 août 2010