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  • CUB 75301

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    U.V.

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un Conseil arbitral rendue le 29 juin 2010 à Alma QC

    DÉCISION

    L.-P. LANDRY, juge-arbitre

    La Commission se porte en appel de la décision du Conseil qui a accueilli l'appel du prestataire suite à la décision de la Commission de refuser la demande de prestation du prestataire au motif qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

    Le prestataire était au service de son employeur depuis septembre 2008 à titre de mécanicien. L'atelier où travaillait le prestataire comprenait un autre mécanicien. Les deux mécaniciens ont formulé en mars 2009 une demande d'accréditation syndicale laquelle a été accordée en mai 2009. Par la suite, sans doute dans le cadre des négociations en vue d'une convention collective, les deux mécaniciens ont fait une grève entre le 22 juillet et le 24 septembre 2009. Le retour au travail a eu lieu le 24 septembre.

    Suivant la preuve retenue le prestataire n'avait jamais éprouvé de difficulté dans ses relations avec son employeur avant la demande d'accréditation. Or pendant la négociation, soit le 25 mai 2009 le prestataire a reçu de son employeur une lettre lui reprochant un retard au travail de 7 minutes et le menaçant de sanctions si ceci devait se reproduire. Un second avis lui a été transmis pour des absences dans les jours précédant la grève. De même Le Conseil note que suite à la reprise du travail le prestataire a fait l'objet de suspensions et de mises à pied répétitives. Ainsi lors de la première journée de travail après la grève, le 24 septembre, le prestataire s'est présenté au travail à 13h00. L'employeur lui a immédiatement imposé une suspension de deux jours pour ce retard. (P-16-1)

    Le 14 octobre 2009 le prestataire ne s'est pas présenté au travail et sa conjointe a prévenu l'employeur que le prestataire était malade et qu'il ne se présenterait pas au travail ce jour là. Par la suite et ce jusqu'au 3 novembre, le prestataire ne s'est pas présenté au travail et ce sans aucun autre avis à son employeur. Cette dernière période d'absences a donné lieu à son congédiement en date du 3 novembre 2009.

    La Commission a donc conclu que ce congédiement résultait d'une inconduite du prestataire et en conséquence sa demande de prestations a été refusée.

    Le Conseil a accueilli l'appel du prestataire au motif que le prestataire n'a pas agi de manière délibéré ou négligente et qu'en conséquence les absences reprochées ne constituent pas des actes d'inconduite.

    Les éléments retenus par la Conseil pour en arriver à cette conclusion peuvent se résumer comme suit. Tout d'abord le Conseil note la situation stressante où s'est retrouvé le prestataire suite à la demande d'accréditation et la grève de l'été. La réprimande écrite du 25 mai pour un retard de 7 minutes ainsi que la suspension imposée dès le retour au travail le 24 septembre illustrent le climat tendu qui a pu exister à cette époque.

    En octobre le prestataire ne se sentait pas bien. Le 14 octobre il a consulté un médecin qui l'a référé à un psychologue. Suivant un rapport psychologique produit le prestataire avait, pendant la grève, utilisé des stimulants illégaux et certaines autres substances prohibés ce qui a contribué à l'état dépressif où il s'est retrouvé en octobre.

    De même le comportement du prestataire s'est modifié et il a agressé sa conjointe également en octobre. Suite à cet incident il a fait l'objet d'accusations et a fait un séjour en prison d'environ deux semaines entre le 12 et le 17 novembre..

    En avril 2010 le prestataire s'est rendu lui-même à un hôpital psychiatrique afin d'y recevoir des soins. Il a été hospitalisé pendant deux semaines. C'est suite à cette hospitalisation qu'un rapport psychologique fort circonstancié a été élaboré. Ce rapport a été produit devant le Conseil. (P-22)

    Le psychologue dans son rapport rapporte ce qui suit quant aux effets de la grève et des relations du prestataire avec son employeur :

    "Lors de la grève, monsieur a commencé à consommer régulièrement des amphétamines (speed) pour, selon lui, rester éveillé, car il pouvait piqueter douze heures de suite, et ce, à tous les jours. Les symptômes suivants sont apparus : irritabilité, anxiété, isolement, perte de motivation et d'intérêt, humeur en dent de scie, tristesse présente à tous les jours (pleur) et perte de poids d'environ 40 livres. Pour diminuer son anxiété et sa colère monsieur écrivait tout ce qui se passait au travail lorsqu'il arrivait chez lui."

    Après le mois d'octobre les incidents relatifs à l'agression sur son épouse et la séparation du couple ont aggravé la situation.

    La Conseil a entendu le témoignage du prestataire et a reçu les interventions de ses parents.

    Considérant ces éléments de preuve le Conseil a conclu que le prestataire n'avait pas en octobre agit de manière volontaire et délibérée au sens de la Loi. Le Conseil conclut que le prestataire s'est retrouvé malade suite au contexte de travail difficile et stressant qu'il avait vécu depuis la demande d'accréditation. Il a consulté un médecin et il n'a pu rapidement obtenir les soins psychologiques que son état pouvait requérir. L'employeur a été informé le 14 octobre que le prestataire était malade. Entre le 14 octobre et le 3 novembre, le prestataire n'a pas communiqué avec son employeur et l'employeur n'a pas non plus jugé utile de prendre des nouvelles de la santé du prestataire.

    La conclusion du Conseil à l'effet que dans ces circonstances le prestataire n'avait pas agi de manière délibérée ou négligente au sens de la Loi trouve donc appuie dans la preuve. Plus particulièrement le rapport psychologique produit donne ouverture à cette conclusion. Cette conclusion paraît donc raisonnable. Le juge-arbitre ne peut donc intervenir dans l'évaluation de la preuve retenue par le Conseil.

    Pour ces motifs l'appel de la Commission est rejetée.

    Louis-Philippe Landry

    JUGE-ARBITRE

    Gatineau (Québec)
    Le 23 septembre 2010

    2011-01-16