TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
W.B.
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador) le 9 mars 2010
Le juge-arbitre GUY GOULARD
La Commission a porté en appel la décision d'un conseil arbitral qui a accueilli l'appel que le prestataire avait interjeté à l'encontre de sa décision de refuser d'antidater la demande de prestations d'assurance-emploi du prestataire afin qu'elle prenne effet le 14 juin 2009 au lieu du 28 juin 2009.
Les faits relatifs à cette affaire sont un peu compliqués puisqu'ils concernent l'établissement de périodes de prestations de pêcheur. Les faits essentiels peuvent se résumer ainsi :
Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission de refuser d'antidater sa demande de prestations de pêcheur pour la pêche hivernale devant un conseil arbitral, qui a accueilli son appel. La Commission a porté cette décision en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été instruit à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador) le 2 septembre 2010. Le prestataire était présent et il était représenté par M. N.F.
La raison que le prestataire a donnée initialement pour expliquer pourquoi il n'avait pas demandé que sa période de prestations pour la pêche hivernale débute le 14 juin 2009 au lieu du 28 juin 2009 est que la personne qui avait rempli la demande pour lui avait, par erreur, inscrit la date du 28 juin comme date de prise d'effet. Le prestataire ne s'est rendu compte de l'importance et des conséquences de cette erreur que lorsque sa demande de prestations pour la pêche estivale a été rejetée.
À l'audience devant le conseil arbitral, le représentant du prestataire a fait valoir que le prestataire n'avait fréquenté l'école que jusqu'en 2e ou 3e année et qu'il ne savait ni lire ni écrire. Il devait faire appel à d'autres pour présenter ses demandes. Il a soutenu que la personne qui avait présenté la demande de prestations pour la pêche hivernale avait commis une erreur en indiquant que le prestataire voulait que la prise d'effet soit fixée au 28 juin 2009 et non au 14 juin 2009. Les années précédentes, c'était la fille du prestataire qui remplissait les demandes. Le prestataire a dit au conseil qu'il ne comprenait rien à ce genre de choses qu'il a qualifiées de « bazar » [Traduction].
Le conseil arbitral a analysé la preuve ainsi que la jurisprudence et il a constaté que le prestataire était incapable de comprendre le processus d'antidatation. Il a conclu que le prestataire avait démontré qu'il avait, entre le 14 juin 2009 et le 21 janvier 2010, un motif valable justifiant son retard à présenter une demande de prestations au sens de l'article 10 de la Loi sur l'assurance-emploi (la Loi). Le conseil a donc accueilli l'appel du prestataire.
En appel la décision du conseil arbitral, la Commission a allégué que le conseil avait commis une erreur de droit et n'avait pas pris en considération l'ensemble de la preuve lorsqu'il avait conclu que le prestataire avait démontré qu'il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Elle a soutenu que le nœud de la question n'était pas de savoir si le prestataire avait compris le processus d'antidatation, mais bien s'il avait démontré qu'il avait un motif valable pour justifier l'erreur commise en indiquant la date à laquelle il voulait que sa demande prenne effet demandé. Elle a en outre fait valoir que le prestataire connaissait le processus de présentation des demandes de prestations de pêcheur parce que ce n'était pas la première fois qu'il y avait recours. Elle a allégué que la décision du conseil arbitral devait être annulée et que l'appel interjeté par le prestataire à l'encontre de sa décision de lui refuser l'antidatation devait être rejeté.
Le représentant du prestataire a souligné que ce dernier était très peu instruit, qu'il ne savait ni lire ni écrire, qu'il n'avait jamais bien compris le fonctionnement de l'assurance-emploi et qu'il s'était toujours fié à d'autres pour présenter ses demandes. Les difficultés du prestataire à comprendre le processus avaient été accentuées par la possibilité de faire établir deux périodes de prestations de pêcheur la même année. Le représentant du prestataire a fait valoir que le conseil arbitral avait reconnu que les raisons données par le prestataire pour demander une antidatation constituaient un motif valable au sens du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi et que l'appel de la Commission devait être rejeté.
Le paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi est ainsi libellé :
10(4) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu'une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.
En l'espèce, le prestataire avait déposé sa demande dans le délai prescrit. Le problème qu'il a rencontré, et qui nécessitait l'antidatation de sa demande, résulte d'une erreur de la personne qui a rempli et présenté sa demande. Le conseil arbitral a accepté cette explication.
J'estime que le conseil arbitral pouvait conclure que les raisons que le prestataire a fournies pour demander l'antidatation de sa demande justifiaient cette antidatation. Le 14 juin 2009, le prestataire pouvait faire établir une période de prestations et il l'aurait fait si la personne qui a rempli la demande pour lui ne s'était pas trompée en inscrivant la mauvaise date. Il ne s'agit pas d'une situation de retard dans le dépôt d'une demande, mais d'un cas où le prestataire demande qu'une erreur soit corrigée en antidatant sa demande de quelques jours.
Un appel devant le juge-arbitre est interjeté aux termes des paragraphes 115(1) et (2) de la Loi. Les seuls moyens d'appel sont précisés au paragraphe 115(2), dont voici le libellé :
115.(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants :
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
En l'espèce, la Commission n'a pas établi que le conseil arbitral avait commis, soit dans l'interprétation ou l'application des dispositions législatives ou de la jurisprudence pertinentes, soit dans ses conclusions de fait, une erreur justifiant que je substitue mon opinion à celle du conseil.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 24 septembre 2010