TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d’une demande de prestations présentée par
K.C.
- et -
d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire
à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à
Montréal (Québec) le 23 novembre 2009
Le juge-arbitre MAXIMILIEN POLAK
Le prestataire porte en appel la décision d’un conseil arbitral qui a accueilli l’appel interjeté par l’employeur à l’encontre de la décision de la Commission d’accepter la demande de prestations présentée par le prestataire. La Commission a conclu que le prestataire n’avait pas perdu son emploi à cause de son inconduite (pièce 5).
L’appel a été instruit à Montréal, le 23 septembre 2010. Le prestataire et l’employeur étaient présents.
Dans ce dossier, une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi a pris effet le 16 août 2009 (pièce 2). Le prestataire a travaillé pour SPEEDZ AUTOMOTIVE du 27 avril au 11 août 2009 (pièce 2-5). Selon l’employeur, il a été congédié à cause de son insolence. On lui a donné un préavis d’une semaine, mais au bout d’à peine quatre jours, on lui a montré la porte parce qu’il ne faisait pas son travail et continuait d’avoir une mauvaise attitude. Son horaire de travail était de 8 h 30 à 17 h 30. Le prestataire n’en était pas satisfait. Il voulait commencer à 7 h 30 pour terminer sa journée plus tôt. Il n’était jamais content et il cherchait toujours à faire les choses à sa façon (pièce 3).
Selon sa propre version, le prestataire a été congédié parce qu’il avait écrit au dos de sa carte perforée que l’employeur ne payait pas de pauses et qu’il y avait inscrit le montant que l’employeur lui devait en heures supplémentaires pour la semaine. Le prestataire n’était pas d’accord avec la politique de la compagnie de ne pas accorder de pause-café le matin et l’après-midi et il avait déposé une plainte au comité patronal syndical à ce sujet (pièce 4).
La Commission a conclu que les faits ne justifiaient pas une conclusion d’inconduite parce que les versions des deux parties étaient également crédibles, de sorte qu’il était impossible de les départager. Dans de tels cas, le paragraphe 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’il faut accorder le bénéfice du doute au prestataire. La Commission a donc accepté la demande de prestations (pièce 5).
L’employeur conteste la décision de la Commission. Il fait valoir que la conduite du prestataire était perturbante, que celui-ci faisait fréquemment des observations méprisantes aux clients et qu’il ne respectait pas son horaire de travail (pièce 6-1).
Il importe de citer les extraits suivants de la décision du conseil arbitral :
« [...] En cas de contradiction dans les éléments de preuve, il faut accepter ceux qui sont raisonnables, fiables et dignes de foi, compte tenu des circonstances. Si les éléments de preuve présentés de part et d’autre sont équivalents, le conseil arbitral doit accorder le bénéfice du doute au prestataire – paragraphe 49(2). ALCUITAS A-472-03, CUB 39868, CUB 39640.
En l’instance, l’employé n’est pas présent à l’audience, de telle sorte que le conseil arbitral ne peut lui accorder le bénéfice du doute. Il l’accorde donc à l’appelant, l’employeur.
[...] L’employeur confirme que par sa mauvaise attitude, le prestataire nuisait au climat de travail général et qu’il ne faisait pas bien son travail. Il lui fallait beaucoup plus de temps que les autres employés pour réparer les voitures. Dans l’affaire en question, le conseil arbitral doit accorder le bénéfice du doute à l’employeur, paragraphe 49(2).
Le conseil arbitral estime que l’employé, M. K.C., a perdu son emploi à cause de son inconduite. Cette décision est rendue en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Le conseil arbitral accueille à l’unanimité l’appel de l’employeur. »
[Traduction]
Dans son appel, le prestataire allègue qu’il a été congédié sans explication, avec une semaine de préavis. Il nie les allégations de l’employeur. Il a déposé une plainte au comité paritaire de l’automobile et l’employeur a été forcé de lui payer des heures supplémentaires plus 4 % (pièces 12-3, 12-4).
Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en déclarant :
En l’instance, l’employé n’est pas présent à l’audience, de telle sorte que le conseil arbitral ne peut lui accorder le bénéfice du doute. Il l’accorde donc à l’appelant, l’employeur (pièce 11-4).
[Traduction]
Ce même énoncé accordant le bénéfice du doute à l’employeur a été répété par le conseil arbitral dans sa réponse à la question : « Le prestataire a-t-il perdu son emploi à cause de son inconduite? » [Traduction]
En ce qui concerne la preuve, l’employeur a déclaré à un agent de la Commission :
« [...] Lorsqu’il a été congédié, son horaire de travail était de 8 h 30 à 17 h 30. M. K.C. était mécontent de cet horaire. Il aurait voulu commencer à 7 h 30 afin de terminer sa journée plus tôt. Or, le patron avait déjà tout son personnel à 7 h 30 et il n’avait besoin de personne d’autre. Même s’il n’y était pas autorisé, M. K.C. a continué de pointer plus tôt le matin, de sorte qu’il pointait son départ plus tôt dans l’après-midi également. »
[Traduction]
Le prestataire a déclaré que son horaire de travail était de 8 h à 17 h. Il ne serait jamais entré plus tôt de sa propre initiative, mais il serait arrivé que l’un des frères propriétaires lui demande de venir plus tôt pour déplacer des véhicules (pièce 4).
Les cartes perforées ne montrent aucune entrée à 7 h 30 et elles corroborent généralement la version du prestataire (pièces 6-3 à 6-10).
Dans une lettre au prestataire datée du 6 août 2009, l’employeur écrit : « La présente est pour vous informer que vous êtes congédié avec un préavis d’une semaine à compter d’aujourd’hui » [Traduction] (pièce 6-12).
Cette lettre ne contient pas un mot au sujet du motif du congédiement du prestataire ni aucune référence à des faits qui justifieraient une conclusion d’inconduite.
De toute évidence, les rapports entre l’employeur et l’employé étaient très tendus et l’employeur avait le droit de congédier le prestataire. Les versions données par les deux parties sont d’une crédibilité égale. L’employeur affiche son antipathie à l’égard du prestataire quand il écrit, dans sa lettre du 1er octobre 2009 à la Commission : « Nous croyons fermement qu’il avait l’intention de n’accomplir que les heures nécessaires pour toucher l’assurance-emploi et que la décision de RHDCC a été prise de façon trop hâtive » [Traduction] (pièce 6-1). Comme l’indique la Commission dans les observations qu’elle a présentées au conseil arbitral : « Le fait qu’une personne a été congédiée ne doit pas autoriser à présumer automatiquement que le prestataire a perdu son emploi pour cause d’inconduite. L’appréciation subjective d’un employeur du type d’inconduite qui justifie un renvoi motivé ne suffit pas nécessairement à constituer de l’inconduite aux termes de la Loi. » [Traduction] (pièce 8-2)
Les déclarations de l’employeur et de l’employé ainsi que les éléments de preuve en l’espèce sont équivalents de part et d’autre. Il faut donc accorder le bénéfice du doute au prestataire (paragraphe 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi).
En conséquence, je conclus que le conseil arbitral a rendu une décision entachée d’une erreur de fait et de droit.
Pour ces motifs, j’accueille l’appel du prestataire, j’annule la décision du conseil arbitral et je confirme la décision de la Commission.
Maximilien Polak
JUGE-ARBITRE
Montréal (Québec)
Le 28 octobre 2010