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  • CUB 75998

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par
    F.W.

    - et -

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par l’employeur, Tim Mack Alberta Certified Landscaper Ltd., à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    le 16 mars 2010 à Edmonton (Alberta)

    DÉCISION

    M. E. LAGACÉ, juge-arbitre

    L’employeur interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral, qui a annulé la décision de la Commission de rejeter la demande de prestations d’assurance-emploi du prestataire parce qu’il a conclu, contrairement à la Commission, que ce dernier était fondé à quitter son emploi pour cause de harcèlement aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

    Faits pertinents
    Dans sa demande de prestations, le prestataire affirme qu’il a fait un nombre excessif d’heures supplémentaires durant sa période d’emploi. L’employeur était souvent en désaccord avec ses employés au sujet du travail à faire, et son attitude et la façon dont il traitait les employés créaient un milieu de travail stressant. Le dernier incident s’est produit lorsque, à son retour au travail, le prestataire a été agressé verbalement par l’employeur parce qu’il n’était pas disponible au cours de la fin de semaine. Le prestataire a expliqué qu’il était en congé pendant la fin de semaine et qu’il n’était pas disponible pour travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La situation a dégénéré à un point tel que le prestataire, qui n’arrivait pas à faire entendre raison à son employeur, a décidé de quitter son emploi plutôt que d’endurer la violence verbale et psychologique.

    Lorsque la Commission a communiqué avec lui, l’employeur a affirmé que le prestataire avait quitté son emploi. Interrogé par la Commission, le prestataire a confirmé qu’il avait quitté son emploi parce qu’il estimait que son employeur n’était pas sensible à sa situation familiale et ne lui avait pas laissé d’autre choix.

    Décision de la Commission
    La Commission a conclu que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi parce qu’il n’a pas démontré qu’il avait envisagé d’autres solutions raisonnables avant de démissionner. Bien que la Commission ait reçu des renseignements contradictoires des parties, elle a conclu que le prestataire avait délibérément choisi de se placer en situation de chômage.

    Décision du conseil
    Le prestataire a contesté cette décision devant le conseil, alléguant que son employeur avait fait preuve de violence verbale et psychologique envers lui et ses collègues durant une longue période et qu’il avait des attentes déraisonnables relativement aux nombres d’heures et à la quantité de travail. Il a affirmé que le comportement inapproprié de l’employeur créait un milieu de travail stressant et pénible et qu’il avait essayé de sensibiliser l’employeur à cette situation, mais sans succès.

    À l’audience devant le conseil, le prestataire a affirmé que son employeur se fâchait continuellement et qu’il avait recours à la violence verbale quand les choses ne se passaient pas comme il le souhaitait. Il s’est fait traiter de tous les noms, notamment de guignol et d’abruti, au cours de sa période d’emploi. Il n’a pas vécu seulement un incident isolé avec l’employeur; il s’agissait, selon lui, d’un problème permanent. Lors de son dernier jour de travail, il n’avait pas l’intention de quitter son emploi, mais il a été poussé à le faire quand son patron s’est mis à crier après lui parce qu’il n’était pas disponible pendant la fin de semaine pour effectuer du travail de dernière minute, même si ce dernier savait qu’il avait prévu de rendre visite à son grand-père qui était très malade. Cet incident est la goutte qui a fait déborder le vase.

    L’employeur a choisi de ne pas se présenter devant le conseil pour donner sa version des faits et contredire les déclarations du prestataire.

    Après avoir entendu le prestataire et analysé la preuve, le conseil a conclu que le prestataire était fondé à quitter son emploi parce qu’il était victime de harcèlement et que la situation de travail s’était détériorée à cause de la violence verbale exercée par l’employeur. Le conseil a également conclu que le prestataire, en raison du climat de travail intolérable, cherchait déjà un autre emploi avant le denier incident qui l’a poussé à démissionner.

    Appel de l’employeur devant le juge-arbitre
    Dans une longue déclaration factuelle jointe à son avis d’appel, l’employeur donne sa propre version des incidents qui ont amené le prestataire à quitter son emploi. L’employeur, qui s’est présenté devant le soussigné pour contester la décision du conseil, a semblé être une personne travaillante et énergique qui n’appréciait pas le fait que le prestataire le dépeigne, pour reprendre ses propres mots, comme un monstre dans sa relation avec ses employés.

    Malheureusement, c’est devant le conseil, et non devant le juge-arbitre, que l’employeur aurait dû témoigner. L’employeur l’a d’ailleurs compris lorsqu’il a reconnu qu’il aurait dû se présenter devant le conseil pour donner sa version des événements qui ont amené le prestataire à abandonner son emploi.

    Le prestataire ne s’est pas présenté devant le juge-arbitre pour contester l’appel de l’employeur. La Commission était pour sa part représentée et elle a affirmé que la décision du conseil devait être confirmée.

    Analyse

    Le conseil arbitral, après analyse de la preuve, a dû faire un choix entre deux versions contradictoires des faits; toutefois, il a entendu seulement le prestataire puisque l’employeur avait choisi de ne pas présenter sa propre version. Après avoir analysé la preuve et soupesé le témoignage du prestataire, le conseil a conclu que ce dernier avait été victime de harcèlement à de nombreuses reprises et que d’autres employés avaient démissionné avant lui pour la même raison. Le conseil a également conclu que le prestataire était fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait.

    Comme il a entendu le prestataire, le conseil était beaucoup mieux placé que le soussigné pour évaluer la crédibilité de ses déclarations. Il est vrai que le conseil avait devant lui la version écrite de l’employeur, mais cette version était moins détaillée que celle que l’employeur a jointe à son avis d’appel devant le juge-arbitre et qu’il aurait dû présenter au conseil au moment où il a été appelé à comparaître. Malheureusement, l’employeur a choisi de garder le silence même s’il aurait dû savoir que les absents ont toujours tort. Les déclarations écrites et orales qu’il a faites devant le juge-arbitre ne sont pas pertinentes à cette étape de la procédure, car elles n’apportent aucun fait nouveau ayant été découvert après que le conseil a rendu sa décision; ces éléments de preuve auraient dû être présentés au conseil avant qu’il rende sa décision.

    À cette étape du processus, le soussigné doit uniquement vérifier si la décision contestée est entachée d’une erreur de fait ou de droit qui la rend déraisonnable. Mises à part les nouvelles déclarations qu’il souhaitait faire dans le cadre de son appel, l’employeur n’a pas pu démontrer que la décision contestée était entachée d’une quelconque erreur. Malheureusement pour l’employeur, la décision du conseil semble étayée par la preuve portée à sa connaissance ainsi que par la loi et la jurisprudence applicables. Cette décision est donc raisonnable et demeurera inchangée.

    POUR CES MOTIFS,l’appel est rejeté.

    M. E. Lagacé

    JUGE-ARBITRE

    Montréal (Québec)
    Le 26 novembre 2010

    2011-01-16