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  • CUB 76402

    TRADUCTION

    DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par
    H.S.

    - et -

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission de l’assurance-emploi à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à Saint John (Nouveau-Brunswick) le 27 mai 2010

    DÉCISION

    Le juge-arbitre DAVID H. RUSSELL

    Le prestataire suivait une formation d’apprenti au moment où il s’est rendu en Alberta pendant l’été 2007 pour chercher un emploi entre deux sessions de formation. En 2010, la Commission a informé le prestataire qu’une enquête a révélé qu’il avait quitté volontairement son emploi au cours de l’été en question, ce qui a entraîné l’établissement d’un trop-payé et une pénalité totalisant 3 070 $. Le prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral, qui a accueilli l’appel en ce qui concerne le départ volontaire, la pénalité et l’avis de violation. La Commission interjette appel de ces décisions.

    Le prestataire a assisté à l’audience.

    Le prestataire a été interrogé en 2010 à propos de plusieurs emplois de courte durée qu’il avait occupés en Alberta trois ans auparavant. Il avait d’abord oublié de mentionner un des emplois, mais il a ensuite corrigé son erreur. Il soutient qu’il a travaillé pour l’entreprise Alberta Motorworks pendant une semaine. Un jour ou deux après avoir quitté cet emploi, il a commencé à travailler pour l’entreprise Fire Tech Protection. Il y a travaillé pendant trois semaines, puis est allé travailler pour Flint Integrated et, enfin, pour Canadian Tire. Il est ensuite retourné au Nouveau-Brunswick pour reprendre sa formation d’apprenti.

    La Commission a fait valoir ce qui suit devant le conseil (pièce 16-3) :

    La Commission a conclu que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration en fournissant des renseignements faux ou trompeurs lorsqu’il n’a pas déclaré dans sa demande renouvelée de prestations qu’il avait quitté son emploi chez Alberta Motorworks Ltd. La Commission lui a donc infligé une pénalité de 921 $ (pièce 9-1) et lui a envoyé, le 21 mars 2010, un avis de dette à cet égard (pièce 10). Une pénalité lui ayant été infligée, le prestataire a reçu un avis de violation, en application du paragraphe 7.1(4) de la Loi. La découverte des faux renseignements a entraîné l’établissement d’un trop-payé de 2 149 $ (pièce 10). Par conséquent, la Commission a déterminé que le prestataire s’était rendu responsable d’une violation grave aux termes du paragraphe 7.1(5) de la Loi (pièce 9-3).
    [Traduction]

    Voici la position du prestataire, qui se trouve dans la même pièce :

    Le prestataire conteste la décision de la Commission. Il fait valoir qu’il a quitté son emploi chez Alberta Motorworks parce qu’il ne voulait plus travailler pour cette entreprise qui se spécialise dans les voitures BMW. Il est parti et a immédiatement commencé à travailler pour une autre entreprise. Son agent d’apprentissage du Nouveau-Brunswick a communiqué avec lui pour l’informer qu’il pouvait revenir et suivre sa formation au collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Il estime que la réclamation n’est pas fondée et a l’impression d’avoir été injustement ciblé. Lorsqu’il quittait son emploi dans une entreprise, il en trouvait toujours rapidement un autre ailleurs (pièce 11).
    [Traduction]

    Le conseil a tiré les conclusions suivantes à l’égard du droit et des faits :

    Le conseil tient pour avéré que le prestataire n’a pas quitté son emploi chez Alberta Motorworks sans justification. Après avoir travaillé quelques jours seulement, il a constaté que l’emploi ne lui convenait pas. Il a trouvé un autre emploi immédiatement après avoir quitté cet emploi, évitant ainsi de se retrouver en chômage. Selon les décisions CUB 18665 et 15860, un prestataire qui « essaie un emploi » est fondé à quitter cet emploi après une courte période s’il se rend compte que l’emploi ne lui convient pas.

    Le conseil tient pour avéré que le prestataire a occupé plusieurs emplois de façon continue.

    Le conseil tient pour avéré qu’étant donné que le prestataire était fondé à quitter son emploi chez Alberta Motorworks, les questions en litige deux et trois ne sont plus pertinentes.
    [Traduction]

    Dans ses observations au juge-arbitre, la Commission a fait valoir ce qui suit :

    La Commission soutient que les éléments de preuve contredisent clairement la conclusion du conseil arbitral selon laquelle le prestataire a trouvé immédiatement un autre emploi après avoir quitté celui qu’il occupait chez Alberta Motorworks (pièces 3, 4, 5 et 6.2). En effet, les éléments de preuve montrent clairement que le prestataire a commencé à travailler chez Alberta Motorworks le 7 juin 2007, qu’il a démissionné le 15 juin 2007 et qu’il a commencé à travailler pour Flint Integrated Services le 14 août 2007, soit 2 mois plus tard. Il a été congédié le 28 août 2007 et ce n’est que le 15 octobre 2007 qu’il a commencé à travailler chez CCM Enterprises Ltd. La Commission est d’avis que la décision du conseil arbitral a été rendue de façon abusive ou arbitraire, compte tenu des éléments de preuve. Par conséquent, le conseil arbitral a commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi il n’avait pas pris en considération la preuve documentaire, rendant sa décision non conforme aux dispositions de l’article 114 de la Loi sur l’assurance-emploi.
    [Traduction]

    Bellefleur c. Canada (P.G.), 2008 CAF 13

    Les éléments de preuve présentés au conseil étaient contradictoires. Le prestataire a-t-il travaillé entre le moment où il a quitté son emploi chez Alberta Motorworks et celui où il a commencé à travailler pour Flint Integrated? Le conseil a examiné la preuve et a accepté la preuve du prestataire selon laquelle il avait effectivement travaillé entre-temps pour Fire Tech Protection, (même si l’entreprise n’est pas nommée).

    Dans l’affaire Bellefleur c. Procureur général du Canada 2008 CAF 13, le juge Létourneau a, au nom de la Cour, écrit ce qui suit :

    Un conseil arbitral doit justifier les conclusions auxquelles il en arrive. Lorsqu'il est confronté à des éléments de preuve contradictoires, il ne peut les ignorer. Il doit les considérer. S'il décide qu'il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d'une erreur de droit ou taxée d'arbitraire.

    En l’espèce, le conseil a bien justifié ses conclusions. Dans sa constatation des faits, il a conclu que le prestataire a effectivement travaillé de façon continue au cours de l’été 2007 et qu’il n’était pas en chômage.

    Il s’agit ici de questions qui portent autant sur le droit que sur les faits. En pareil cas, la norme de contrôle judiciaire est celle du caractère raisonnable. De plus, le conseil a jugé que le prestataire était crédible lorsqu’il a déclaré au conseil qu’il avait travaillé immédiatement après avoir quitté son emploi chez Alberta Motorworks. Le conseil a clairement rejeté la position de la Commission selon laquelle le prestataire n’avait pas travaillé entre le 15 juin et le 14 août 2007. Le conseil était en droit de conclure comme il l’a fait en se fondant sur la preuve qui lui a été présentée. La conclusion de fait du conseil n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire.

    Dans la décision CUB 18665, le juge Muldoon a écrit ceci :

    Dans l’affaire Sicoli (CUB 15680), le juge-arbitre a déclaré ce qui suit :

    Après une courte période (non définie) pendant laquelle il essaie l'emploi offert, un prestataire à la recherche d'un emploi convenable a autant le droit d'invoquer un motif valable pour avoir volontairement quitté l’emploi s'il s'agit d'un emploi non convenable, que le prestataire qui refuse l’emploi parce qu’il n’est pas convenable a le droit d’invoquer un motif valable pour le refuser. Une période raisonnable (non définie) pourrait être environ un mois dans le nouvel emploi pour bien se familiariser avec les tâches qu'il comporte, car normalement après cette période, le prestataire, à titre d'employé, semblerait n’avoir plus aucune objection concernant le caractère convenable de l’emploi et, en toute justice, on pourrait l’empêcher - ou tout simplement ne pas lui permettre - de démissionner volontairement sans un "motif valable" démontrable de façon indépendante.

    En l’espèce, le prestataire a travaillé le nombre d’heures requis au cours de l’été pour pouvoir reprendre sa formation d’apprenti et recevoir des prestations. Le conseil a estimé que l’erreur commise par le prestataire dans une de ses déclarations à la Commission avait été corrigée, le prestataire n’ayant pas omis sciemment de déclarer son emploi chez Fire Tech Protection. Le conseil a ensuite appliqué les dispositions de la loi aux faits et ses conclusions peuvent se justifier au regard des faits et du droit. Je suis d’avis que les conclusions du conseil sont raisonnables.

    L’appel de la Commission est rejeté.

    David H. Russell

    JUGE-ARBITRE

    FREDERICTON, (Nouveau-Brunswick)
    Le 14 février 2011

    2011-01-16