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  • CUB 76454

    CUB CORRESPONDANT : 76454A

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-154-11

    TRADUCTION

    DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par
    W.H.

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission
    de l’assurance-emploi du Canada à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à North York (Ontario) le 28 avril 2010

    DÉCISION

    Le juge R.J. Marin

    Cet appel de la Commission a été instruit à Toronto, le 27 janvier 2011.

    La Commission porte en appel la décision du conseil arbitral qui a annulé la décision de la Commission portant que le prestataire n’avait pas droit à une antidatation, en vertu des dispositions du paragraphe 10(4) de la Loi.

    La Commission allègue que la décision du conseil est erronée en droit et que le prestataire n’a pas droit au bénéfice des prestations en raison du long délai qui s’est écoulé entre la date initiale à laquelle le prestataire aurait dû présenter sa demande de prestations et la date à laquelle il l’a effectivement fait.

    La Commission me rappelle que le principe, avancé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Albrecht (A-172-85), n’a pas été correctement appliqué. Le critère juridique à appliquer pour établir l’existence d’un motif valable consiste à déterminer si le prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui confère la Loi.

    Les dispositions pertinentes de la Loi se trouvent au paragraphe 10(4) qui est ainsi libellé :

    Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard. (L’italique est de moi)

    Comme on l’a fait ressortir, il faut que le prestataire ait, durant toute la période écoulée, un motif valable justifiant son retard. En l’instance, la période a duré presque deux ans. Il incombe donc au prestataire de prouver qu’il agit comme une personne raisonnable dans des circonstances semblables.

    Le prestataire a déclaré au conseil arbitral qu’il a consulté le site Web de Service Canada mais qu’il n’y a pas trouvé les directives appropriées sur l’obligation de présenter une demande de prestations en temps opportun. La découverte par sa conjointe de son droit au bénéfice des prestations a déclenché sa propre demande 23 mois plus tard. Rien dans la preuve n’indique que le prestataire a fait des démarches ou s’est informé au cours de toute la période de 23 mois. Peut-on dire qu’il a fait preuve de diligence dans ses recherches pour vérifier ses droits et obligations? Le conseil aurait dû aborder cette question.

    À la pièce 13-4, le conseil a établi comme fait que ce n’est qu’au moment où sa femme a présenté une demande de prestations et qu’un agent lui a fait remarquer que le fait de déménager pour rejoindre un conjoint constituait une justification pour quitter volontairement un emploi, que le prestataire a déposé une demande de prestations et demandé une antidatation. Dans son analyse, le conseil a fait allusion à la question du site Web et a convenu avec le prestataire que le site était indûment compliqué et ne présentait pas adéquatement les renseignements dont le prestataire avait besoin pour présenter sa demande.

    Les dispositions législatives ne sont pas excessivement complexes; toutefois, il incombe au prestataire de convaincre un tribunal ou un conseil qu’il a agi de manière raisonnable tout au long de la période prolongée du retard. Si le site était trop compliqué ou incomplet, il avait l’obligation d’explorer d’autres avenues pour obtenir les renseignements voulus. Le prestataire admet qu’il a déjà présenté des demandes de prestations auparavant et qu’il connaît jusqu’à un certain point le système. Toutefois, il prétend que le site Web n’est pas bien conçu et qu’il ne communique pas les renseignements dont il avait besoin.

    Comme l’avocat du prestataire l’a fait observer, il faut traiter chaque appel au cas par cas en tenant compte des faits particuliers à chacun. Le fait demeure que, pour respecter les dispositions législatives élaborées au fil du temps, le prestataire doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable tout au long de la période et qu’une erreur au sujet de sa disponibilité ou de la confusion entourant l’obligation de déposer une demande ne constitue pas un motif valable justifiant le retard. À cet égard, voir les décisions Brace, 2008 CAF 118, Beaudin, 2005 CAF 123, Carry, 2005 CAF 367, et Kokavec, 2008 CAF 307.

    Sauf le plus grand respect que je dois au conseil, je ne peux souscrire aux décisions qui ont été portées à mon attention, lesquelles font fi des principes clairs établis par la Cour d’appel fédérale à cet égard. Cet appel diffère considérablement d’autres appels où le prestataire a été mal informé par un employé de la Commission ou encore qu’un prestataire, en raison d’un grave problème de santé, a été empêché de rechercher activement de l’information.

    Je ne peux laisser intacte une décision entachée d’une erreur de fait et de droit de la part du conseil. Elle est donc annulée. L’appel de la Commission est accueilli, et la décision initiale de la Commission est confirmée.

    R.J. MARIN

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 14 février 2011

    2012-10-25