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  • CUB 76852

    CUB CORRESPONDANT : 76852A

    En appel à la Cour d'appel fédérale (A-245-11)

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    F.S.

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission
    à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à Burnaby (Colombie-Britannique) le 27 août 2010

    DÉCISION

    Le juge-arbitre L.-P. LANDRY

    La Commission porte en appel la décision du conseil arbitral d'accueillir l'appel que la prestataire a interjeté à l'encontre de la décision de la Commission de déclarer la prestataire non admissible au bénéfice des prestations parce qu'elle n'a pas prouvé qu'elle était sans emploi.

    La prestataire a quitté volontairement l'emploi qu'elle occupait au sein de la municipalité régionale de Northern Rockies. Devant le conseil, la Commission a concédé le fait que la prestataire était fondée à quitter son emploi.

    Avant de quitter son emploi, la prestataire a tenté d'entamer une nouvelle carrière, soit une carrière d'écrivaine. Devant le conseil arbitral, elle a indiqué qu'elle avait passé une bonne partie de ses temps libres à essayer de démarrer cette nouvelle carrière, tout en continuant à chercher un emploi à temps plein.

    Le conseil a formulé ainsi les questions en l'espèce :

    « En ce qui concerne ce genre de questions, le conseil doit déterminer, entre autres, si la prestataire est capable de travailler, si elle est disposée à le faire, si elle a déployé des efforts pour trouver un emploi et si elle a établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail. En d'autres mots, si la prestataire est capable de travailler, a-t-elle cherché du travail et manifeste-t-elle le désir de retourner sur le marché du travail si un emploi convenable lui était offert? Il incombe à la prestataire de prouver qu'elle est disponible pour travailler. »
    [Traduction]

    Après avoir examiné la preuve présentée par la prestataire, le conseil a présenté la conclusion suivante :

    « En l'espèce, le conseil tient pour avéré que la prestataire est capable de travailler et juge également qu'elle est disposée à le faire puisqu'elle a cherché un emploi pendant sa période de prestations. En ce qui concerne la question de la disponibilité, la jurisprudence est très claire : le conseil doit se fonder sur l'intention de la prestataire. En l'espèce, le conseil juge que la prestataire a, de son propre aveu, déclaré lors de l'audience que si on lui offrait un emploi convenable à temps plein, elle l'accepterait. La prestataire a déclaré au conseil qu'elle avait entamé ce projet lorsqu'elle travaillait à temps plein, et qu'elle serait donc encore en mesure de poursuivre son projet tout en travaillant. »
    [Traduction]

    La prestataire a présenté une demande de prestations régulières de l'assurance-emploi le 27 avril 2010. Le 13 juillet 2010, elle a déclaré, au cours d'un entretien téléphonique, qu'elle cherchait un emploi. Toutefois, elle a également indiqué qu'elle avait l'intention de travailler entièrement à son compte, à titre d'écrivaine, et que si elle atteignait cet objectif, « elle refuserait probablement un emploi si on lui en offrait un » [Traduction] (pièce 7-1).

    Dans sa déclaration au conseil, la prestataire a expliqué qu'elle avait commencé à écrire lorsqu'elle occupait son ancien emploi et qu'elle a publié un livre pour enfants. Elle a déployé des efforts afin de vendre ce livre, et, au moment de la tenue de l'audience, elle en avait vendu sept exemplaires, ce qui lui avait rapporté un revenu d'un dollar par livre vendu.

    Devant le conseil, la prestataire a répété qu'elle souhaitait un jour devenir une auteure à succès. Elle consacre ses temps libres à l'atteinte de cet objectif, tout en cherchant un emploi. La prestataire a expliqué qu'elle vit en région éloignée, où les possibilités d'emploi sont assez limitées. Dans ces circonstances, le temps qu'elle passe à chercher un emploi est également limité. Elle consacre donc le reste de son temps à faire progresser sa carrière d'auteure.

    On ne peut pas comparer le fait d'essayer de gagner sa vie en écrivant des livres à d'autres situations plus courantes où des personnes déploient des efforts dans le but de démarrer leur entreprise par exemple en achetant de l'équipement, en louant des locaux, en faisant de la publicité et en cherchant des clients. La prestataire a écrit un livre, du moins en partie, tout en occupant un emploi à temps plein. À la lumière des éléments de preuve, le conseil a conclu que la prestataire pourrait travailler à temps plein tout en continuant de poursuivre son rêve de devenir une auteure reconnue.

    Le conseil a dû procéder à un examen des éléments de preuve présentés par la prestataire à la lumière des déclarations formulées par cette dernière le 13 juillet 2010. Le conseil était en droit de conclure comme il l'a fait que la prestataire a démontré qu'elle était disponible pour travailler et disposée à accepter un emploi à temps plein si on lui en offrait un. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, cette conclusion n'est pas déraisonnable.

    La Commission soutient que la prestataire n'était pas sans emploi pendant cette période puisque, comme la prestataire l'a déclaré, elle a consacré beaucoup de temps à l'établissement de liens sociaux par Internet et à l'amélioration de ses compétences d'écrivaine. En fait, la preuve montre que la prestataire a utilisé ses temps libres ainsi parce qu'elle était sans emploi. Elle vivait dans une petite collectivité où les possibilités d'emploi étaient très limitées. Elle n'avait pas besoin d'énormément de temps pour communiquer avec les employeurs potentiels dans sa collectivité.

    La Commission a fait valoir que le conseil n'a pas déterminé précisément si la prestataire était bel et bien « sans emploi » compte tenu du fait que la Commission avait affirmé que la prestataire occupait un emploi pendant la période en question. Selon le contexte de la décision du conseil, il est clair que le conseil a déterminé que la prestataire était sans emploi pendant cette période.

    Compte tenu de toutes les circonstances, je ne peux pas conclure que la décision du conseil est déraisonnable. Il serait difficile de juger que les efforts que déploie la prestataire pour être reconnue comme une auteure en attendant de trouver un emploi rémunéré constituent un emploi.

    En l'espèce, j'ai été informé du fait que la prestataire a bel et bien transmis sa nouvelle adresse à Calgary au Bureau du juge-arbitre. Cette information a été communiquée par téléphone. Toutefois, aucune note au dossier d'appel n'a été rédigée à ce sujet. L'avis d'appel a donc été envoyé à l'ancienne adresse de la prestataire, et Postes Canada a redirigé la lettre à l'adresse de la prestataire, à Calgary.

    La prestataire s'est déplacée à Prince George pour la tenue de l'audience. À la lumière de ces faits, je recommande que les dépenses liées aux déplacements de la prestataire entre son lieu de résidence en Alberta et Prince George lui soient remboursées.

    Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

    L.-P. Landry
    JUGE-ARBITRE

    Gatineau (Québec)
    Le 29 avril 2011

    2011-11-23