TRADUCTION
DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d’une demande de prestations présentée par
X.H.
- et -
d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission
à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
à Richmond Hill (Ontario) le 22 avril 2010
Le juge-arbitre RUSSEL W. ZINN
INTRODUCTION
M. X.H a quitté l’Iran, où il était titulaire d’un doctorat en médecine vétérinaire, pour venir s’installer au Canada. Pour pouvoir exercer la médecine vétérinaire au Canada, il devait passer certains examens menant à l’obtention d’un permis d’exercice. Il a une femme et un enfant et a accepté un emploi dans une entreprise spécialisée en électronique où il était payé à commission.
Il ne fait aucun doute qu’il a quitté son emploi le 8 août 2009. La question fondamentale consiste, d’une part, à déterminer s’il a quitté son emploi dans une des circonstances énumérées à l’alinéa 29b) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 et, d’autre part, si son départ constituait la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui à ce moment-là.
DÉCISION DE LA COMMISSION
La Commission a rejeté la demande de prestations de M. X.H. L’agent a déterminé que celui-ci n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi immédiatement. La Commission l’a donc exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée. Elle a également déterminé qu’il n’était pas disponible pour travailler puisqu’il suivait un cours de médecine vétérinaire depuis le 1er février 2010, date à laquelle sa demande de prestations est entrée en vigueur. M. X.H. avait également demandé que sa demande de prestations soit antidatée afin qu’elle prenne effet le 9 août 2009, soit le lendemain de son dernier jour de travail. Il n’avait pas présenté sa demande de prestations à ce moment-là parce qu’il croyait qu’il fallait avoir été mis à pied pour pouvoir demander des prestations. Lorsqu’il a appris que c’était faux, il a présenté une demande, mais celle-ci était en retard.
DÉCISION DU CONSEIL ARBITRAL
Le conseil arbitral a rejeté l’appel de M. X.H. concernant sa demande d’antidatation. La décision portant sur cette question n’a pas été portée en appel.
Le conseil arbitral a accueilli l’appel relatif à la question du départ volontaire. Le conseil a conclu que M. X.H. avait agi de façon raisonnable en quittant son emploi parce que sa commission avait été réduite de moitié, ce qui correspondait à une perte de salaire de 600 $ aux deux semaines et lui laissait un revenu insuffisant pour subvenir aux besoins de sa famille. Le conseil a conclu que la situation de M. X.H. était visée par l’alinéa 29c) de la Loi, en ce sens qu’il avait fait l’objet d’une « modification importante de ses conditions de rémunération ».
Le conseil a également accueilli l’appel concernant la disponibilité pour travailler. Le conseil a accepté le témoignage de M. X.H. selon lequel il avait cherché du travail avant de quitter l’emploi qu’il occupait, qu’il avait continué à en chercher après son départ et que, en ce qui concernait l’obtention d’un permis pour exercer sa profession, il avait dit clairement qu’il avait mis ce projet en veilleuse.
QUESTIONS EN LITIGE
Les questions à trancher dans cet appel consistent à déterminer, d’une part, si le conseil a commis une erreur en concluant que la situation de M. X.H. correspondait à l’exception relative à une « modification importante de ses conditions de rémunération » et, d’autre part, s’il était disponible pour travailler.
DISCUSSION ET ANALYSE
La Commission soutient que le conseil a commis une erreur en concluant que le départ du prestataire constituait la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui puisque le salaire à commission qu’il touchait avait été réduit. La Commission précise que le dossier ne contient aucun élément de preuve étayant cette conclusion, mis à part le témoignage du prestataire lors de l’audience en tenant compte du fait qu’il n’avait jamais invoqué cette raison pour justifier son départ. Il avait déclaré précédemment qu’il avait quitté son emploi dans le but d’obtenir son permis afin d’exercer la médecine vétérinaire.
La Commission se fie aux déclarations que M. X.H. lui a faites en ce qui concerne la raison pour laquelle il avait quitté son emploi, notamment la déclaration écrite suivante qu’il a annexée à sa demande d’appel devant le conseil arbitral.
J’ai émigré au Canada en 2001 à titre de docteur en médecine vétérinaire. J’ai travaillé chez Future Shop (Best Buy Canada) comme associé aux ventes pendant environ 8 ans.
Au cours des 4 dernières années, j’ai fait tout mon possible pour conserver mon emploi à plein temps tout en poursuivant des études dans le but de franchir toutes les étapes menant à l’obtention d’un permis d’exercice de la profession de vétérinaire.
Je me suis inscrit à trois reprises à l’examen nord-américain d’accréditation en médecine vétérinaire (NAVLE) et je l’ai échoué parce que je n’étais pas capable de bien étudier pendant que je travaillais comme employé à temps plein dans un magasin de détail.
En 2007, l’Association canadienne des médecins vétérinaires a ajouté des examens de sciences de base et cliniques (ESBC) comme préalable à l’examen nord-américain d’accréditation en médecine vétérinaire (NAVLE).
Un an et demi plus tard, alors que je travaillais à temps plein, j’ai réussi cet examen (ESBC) et je pouvais donc me présenter à nouveau à l’examen nord-américain d’accréditation en médecine vétérinaire (NAVLE).
Les droits pour chaque examen NAVLE s’élèvent à 892,50 $ et les candidats ne peuvent se présenter à cet examen plus de cinq fois.
Mon emploi à plein temps chez Future Shop (Best Buy Canada) ne me permet même pas de payer mes frais de subsistance et je devais emprunter de l’argent auprès des banques pour survivre.
Le seul moyen que j’avais d’améliorer mon sort et celui de ma famille était d’obtenir mon permis d’exercice. Je me suis donc inscrit de nouveau, soit pour la quatrième fois, à l’examen NAVLE et j’ai dû quitter mon emploi pour pouvoir étudier à temps plein afin de réussir cet examen et recommencer à exercer ma profession initiale, 9 ans après avoir émigré au Canada, et cette-fois-ci j’ai réussi l’examen. Pendant tout ce temps, je me fiais uniquement à l’argent emprunté auprès des banques pour subvenir aux besoins de ma famille.
[Traduction]
Le conseil a examiné cette déclaration ainsi que les autres éléments de preuve documentaire tout en tenant compte de la déclaration que le prestataire avait faite lors de l’audience selon laquelle il y avait beaucoup de malentendus dans le dossier et il voulait clarifier les choses. Compte tenu du fait qu’il avait émigré au Canada récemment, les risques qu’il y ait de tels malentendus étaient peut-être plus élevés.
Le conseil a conclu que la situation dans laquelle M. X.H. avait été placé correspondait à une modification importante de ses conditions de rémunération. Comme son revenu avait été réduit de moitié, il n’était pas déraisonnable de tirer une telle conclusion. Il est vrai que la réduction semble avoir été faite graduellement sur une longue période; cependant, il n’est question d’aucun délai à l’alinéa 29c)(vii) de la Loi. Le conseil a accepté le témoignage de M. X.H. selon lequel il ne pouvait pas subvenir aux besoins de sa famille avec un salaire à commission coupé de moitié et devait en fait emprunter de l’argent pour joindre les deux bouts.
Un employé peut réussir à se débrouiller avec un revenu réduit pendant un certain temps et peut chercher un emploi pendant qu’il examine les possibilités qui s’offrent à lui. Cependant, tôt ou tard, ses choix deviennent plus limités. Quant à M. X.H., comme il n’avait pas réussi à trouver un autre emploi, il a décidé de se concentrer sur l’obtention de son permis d’exercice de la médecine vétérinaire.
Même si cette déclaration de M. X.H. peut porter à croire qu’il a quitté son emploi dans le but d’étudier à plein temps, le conseil a accepté le témoignage qu’il avait fait à l’audience, selon lequel il avait cherché un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupait, qu’il avait poursuivi sa recherche d’emploi après son départ et qu’il était disponible pour travailler. Le conseil a admis que M. X.H. avait quitté son emploi parce qu’il était incapable de subvenir aux besoins de sa famille avec un salaire réduit et semble avoir reconnu que la seule solution qu’il avait trouvée à ce moment-là pour réussir à faire vivre sa famille était d’obtenir son permis d’exercice de la médecine vétérinaire.
Je remarque que même dans la déclaration susmentionnée qui avait été présentée au conseil, et sur laquelle la Commission s’est fondée, M. X.H. a déclaré que son emploi à plein temps chez Future Shop (Best Buy Canada) ne lui permettait même pas de payer ses frais de subsistance et qu’il devait emprunter de l’argent auprès des banques pour survivre [j’ai ajouté le caractère gras].
Dans le cas qui nous occupe, le conseil a apprécié la preuve dont il disposait. Il n’a écarté aucun élément de preuve et il a accordé plus de poids au témoignage que M. X.H. a fait ainsi qu’aux explications qu’il a données lors de l’audience. Cela fait partie de son mandat et il n’incombe pas au juge-arbitre d’examiner de nouveau la preuve, même si, à ce titre, j’aurais peut-être tiré une conclusion différente.
Comme je l’ai déjà mentionné, le conseil a accepté le témoignage de M. X.H. selon lequel il était toujours disponible pour travailler. Il semble y avoir eu un malentendu au sujet du cours qu’il espérait suivre au printemps 2010. S’il l’avait suivi, il n’aurait donc pas été disponible pour travailler. Cependant, il n’a pas suivi ce cours et était disponible pour travailler.
Pour les motifs susmentionnés, je ne peux conclure que la décision du conseil était déraisonnable. L’appel interjeté devant le juge-arbitre est donc rejeté.
Russel W. Zinn
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 7 avril 2011