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  • CUB 77148

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par
    W.H.

    - et -

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission
    à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à Richmond Hill (Ontario) le 22 juillet 2010

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour Bad Boy Furniture Warehouse Ltd. jusqu’au 15 mars 2010. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, et une période initiale de prestations commençant le 21 mars 2010 a été établie à son profit. Par la suite, la Commission a déterminé que le prestataire avait été congédié en raison de son inconduite et l’a exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée à compter du 14 mars 2010.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a accueilli l’appel. La Commission a porté en appel la décision du conseil. L’appel a été instruit à Toronto (Ontario) le 5 mai 2011. Le prestataire était présent à l’audience.

    Dans sa demande de prestations, le prestataire a déclaré que son employeur l’avait accusé d’avoir formulé un commentaire raciste. Il a expliqué qu’il avait traité une collègue de terroriste. Cette personne était d’origine arabe, et l’employeur avait interprété ce commentaire comme une remarque raciste. Il a ajouté que la remarque en question n’avait aucune connotation raciste. Il avait traité cette personne de terroriste en raison de la façon dont elle essayait de s’accaparer tous les clients présents sur le plancher. L’employeur voulait qu’il reconnaisse que sa remarque était de nature raciste, mais il avait refusé de le faire, ce qui avait entraîné son congédiement. Le prestataire a déclaré qu’il était au courant de la politique de l’employeur en ce qui a trait aux commentaires racistes et a soutenu avec insistance qu’il n’avait jamais formulé de telles remarques.

    L’employeur a donné sa version de l’événement et a fourni des copies des plaintes formulées par la personne que le prestataire avait traitée de terroriste. En plus de l’incident où le prestataire a traité cette collègue de terroriste et d’un incident similaire survenu auparavant, on compte aussi un avertissement pour l’utilisation du juron anglais commençant par « f ». De plus, le prestataire a déjà été suspendu. Pris ensemble, les documents présentés semblent indiquer que des problèmes interpersonnels existaient entre la personne qui a été traitée de terroriste et certains de ses collègues de travail.

    Le prestataire a expliqué qu’il avait proposé qu’on lui inflige une semaine de suspension pendant une période où il devait prendre congé en raison de traitements dentaires, afin que la personne avec qui il était en conflit ait l’impression que justice avait été faite. Le prestataire a aussi soutenu que le langage qu’on l’accusait d’avoir utilisé, notamment le juron commençant par « f », était courant au travail, et que, même les gestionnaires s’exprimaient de cette façon. Il a réitéré qu’il était bien connu que la personne qui avait formulé une plainte contre lui avait des problèmes avec d’autres employés. Il a affirmé qu’il n’y avait aucune connotation raciste dans les mots adressés à cette collègue, car le mot « terroriste » faisait référence à la façon dont elle agissait sur le plancher pour obtenir des clients.

    Le prestataire s’est présenté devant le conseil arbitral et a essentiellement répété les observations qu’il avait déjà formulées. L’employeur ne s’est pas présenté devant le conseil. Le prestataire a réitéré qu’il avait travaillé avec des collègues de diverses races, qu’il avait été l’entraîneur de groupes de jeunes issus de nombreuses cultures et qu’il n’avait jamais été raciste. Il a répété que les mots qu’on l’accusait d’avoir utilisés étaient couramment prononcés au travail et que personne ne s’en plaignait. Les employés d’autres magasins qui venaient parfois se joindre à eux, entre autres pour les ventes sous le chapiteau, utilisaient aussi un tel langage. Le personnel de direction employait aussi des expressions similaires lors des réunions. Il a ajouté que l’employée qui s’était plainte de lui à la direction portait aussi souvent plainte contre d’autres employés. Il a déclaré que des employés provenant de l’une des bannières concurrentes avaient commencé à travailler à son magasin à la suite d’une mise à pied. Ces derniers avaient déclaré que la collègue qui avait porté plainte contre lui avait été à l’origine de divers problèmes chez le concurrent et qu’elle avait été congédiée pour cette raison.

    Le conseil arbitral a soigneusement examiné la preuve et la jurisprudence, puis a conclu ce qui suit :

    Le conseil arbitral tient pour avéré que les gestes qui ont mené au congédiement n’étaient pas conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, le prestataire ne pouvait savoir que ses commentaires étaient de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié. Il n’a reçu aucun avertissement auparavant. La direction a toléré ce comportement et a même utilisé le même genre de langage grossier.

    Le conseil arbitral tient pour avéré qu’il n’y a pas eu inconduite aux termes des articles 35 et 36 de la Loi.

    Décision
    À l’unanimité, le conseil arbitral ACCUEILLE l’appel.
    [Traduction]

    Dans son appel à l’encontre de la décision du conseil arbitral, la Commission a fait valoir que le conseil avait erré dans son appréciation des faits. La Commission a soutenu que le prestataire avait été congédié pour avoir formulé un commentaire raciste, et que compte tenu des avertissements antérieurs, il aurait dû savoir que ses remarques pouvaient entraîner son congédiement.

    Le prestataire a essentiellement répété les observations et les arguments qu’il avait formulés auparavant. Il a réitéré qu’il n’était pas une personne raciste et qu’il ne l’avait jamais été. Il a soutenu que les problèmes provenaient de la collègue qui avait porté plainte contre lui, et il a fait remarquer qu’elle était connue comme une fautrice de trouble. Il a ajouté que le mot « terroriste » n’avait rien à voir avec la race de la prestataire, mais plutôt avec sa façon de travailler.

    Pour établir si un prestataire a perdu son emploi à cause de son inconduite, au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi, il faut essentiellement examiner et apprécier les faits, peu importe les circonstances de l’affaire.Il est établi clairement dans la jurisprudence que le conseil arbitral est le principal juge des faits dans les affaires relatives à l'assurance-emploi.

    Dans l’arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a indiqué ce qui suit :

    « Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.
    (...)
    De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral – le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation – qui est celui qui doit apprécier. »

    Dans l’arrêt Ash (A-115-94), le juge Desjardins s’est exprimé en ces termes :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    Enfin, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle d'un juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments portés à sa connaissance.

    En l’espèce, la décision du conseil est compatible avec la preuve qui lui a été présentée. Il ne fait aucun doute qu’il existait des relations de travail problématiques au sein du milieu de travail du prestataire. Le prestataire a expliqué plusieurs fois ses commentaires et a soutenu que ses remarques n’avaient aucune connotation raciste. Il a ajouté que le langage qu’il avait utilisé était courant dans son milieu de travail. Les membres du conseil arbitral ont examiné la preuve et ont convenu que le comportement du prestataire ne constituait pas de l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux conclure que le conseil a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve qui ont été portés à sa connaissance.

    Par conséquent, l’appel est rejeté.

    Guy Goulard
    JUGE-ARBITRE

    Ottawa (Ontario)
    Le 20 mai 2011

    2011-09-26