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  • CUB 77259

    TRADUCTION

    DANS L’AFFAIRE de la LOI SUR L’ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d’une demande de prestations présentée par
    G.P.

    et

    d’un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire
    à l’encontre de la décision rendue par un conseil arbitral
    à Edmonton (Alberta) le 22 décembre 2009

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GERALD T.G. SENIUK

    Le prestataire fait appel de la décision rendue par un conseil arbitral qui, s’appuyant sur la conclusion d’inconduite de la Commission, a confirmé à l’unanimité la décision de le déclarer non admissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était titulaire d’un numéro valide d’assurance sociale et de l’exclure du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté son emploi volontairement et sans justification.

    Le prestataire a assisté à l’audience et était représenté par Y.K., du Edmonton Community Legal Centre. La Commission était représentée par X.A., du ministère de la Justice du Canada.

    M. G.P. a travaillé pour la Black Sand Executive Lodge à titre de travailleur étranger ayant le statut d’immigrant, et ce, jusqu’en décembre 2008, en raison du congé de Noël prévu par l’employeur. L’employeur s’attendait à ce que M. G.P. revienne au travail en janvier 2009, ce que le prestataire n’a pas fait, parce qu’il était en prison (pièce 10-2). Le prestataire a donc perdu son emploi au sein de l’entreprise. Après avoir été libéré de prison, le 24 avril 2009, il a présenté une demande de prestations régulières (pièce 2). Dans sa demande de prestations, il a mentionné que son permis de travail le plus récent avait expiré le 25 mars 2009, et qu’il attendait qu’on lui envoie ses nouveaux documents, ce qui pourrait prendre jusqu’à 120 jours (pièces 4, 5 et 7).

    Comme le permis de travail de M. G.P. n’était pas à jour, celui-ci n’avait pas de numéro d’assurance sociale quand il fait sa demande de prestations en avril. Pour cette raison, on a refusé sa demande de prestations en vertu des articles 49 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi. Les articles 49 et 50 indiquent essentiellement que, si le prestataire ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par la législation, il n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu'il n'a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence. Pour recevoir des prestations, il est notamment nécessaire d’être titulaire d’un numéro valide d’assurance sociale. Aux termes de l’article 89 du Règlement d’application de la Loi, à l’échéance d’une carte d’assurance sociale, la Commission en délivre une nouvelle au titulaire de la carte si celui-ci confirme l’identité et le statut du titulaire conformément à la réglementation. La Commission et le conseil arbitral ont aussi conclu que, puisque M. G.P. avait été incarcéré et ne s’était par conséquent pas présenté au travail, il avait perdu son emploi en raison de son inconduite et n’était pas admissible au bénéfice des prestations aux termes de la législation.

    Le prestataire fait valoir qu’il avait le droit de recevoir une nouvelle carte d’assurance sociale, carte qu’il a obtenue ultérieurement, et que le retard dans le traitement de sa carte par le système ne devrait pas avoir pour effet de le rendre non admissible au bénéfice des prestations. Il affirme aussi qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. Le fait qu’il ne soit pas retourné au travail ne résulte pas d’une faute qu’il a commise, mais du fait qu’il a été emprisonné et qu’au moment où il a été libéré, en avril, les conditions de sa remise en liberté lui interdisaient de retourner à son lieu de travail. De toute façon, il avait déjà perdu son travail à ce moment. Toutes les accusations portées contre lui ont été retirées ultérieurement.

    Sans un numéro valide d’assurance sociale, M. G.P. n’était pas admissible au bénéfice des prestations. Il est demeuré non admissible jusqu’au moment où il a satisfait à cette condition, au mois de novembre. Il s’agit d’une exigence spécifique qui ne peut pas faire l’objet d’une correction rétroactive. Par conséquent, le prestataire n’a pu se conformer aux exigences de la Loi qu’après avoir obtenu une carte d’assurance sociale valide et à jour.

    En ce qui a trait à l’inconduite alléguée du prestataire, la position de celui-ci est bien fondée. On n’a pas présenté de preuve d’inconduite devant la Commission ou le conseil arbitral, mais seulement des renseignements voulant que le prestataire ne soit pas retourné au travail comme prévu, qu’il n’ait pas avisé son employeur de son absence et qu’il ait été empêché de se rendre au travail parce qu’il était en prison. Je conviens que le fait d’être arrêté sur la foi d’allégations qui ne sont pas corroborées ultérieurement peut donner lieu à une certaine confusion. Je conviens aussi que, même si une personne emprisonnée a la possibilité de faire des appels téléphoniques, elle doit pour ce faire prendre des dispositions spéciales, ce qui complique encore davantage l’état psychologique du prestataire dans les jours qui suivent immédiatement son arrestation. Compte tenu des circonstances de l’arrestation et de l’incarcération, on ne peut pas dire que le fait que le prestataire ne soit pas retourné au travail ou a négligé d’informer son employeur de son absence témoignent du caractère délibéré de sa conduite, élément essentiel à une conclusion d’inconduite au sens de la Loi.

    Toutefois, de nombreuses autorités ont soutenu que le fait d’être mis en prison peut être un motif établissant l’inconduite. Cet argument est logique, vu qu’une incarcération et une condamnation résultant d’une infraction criminelle constituent un élément de preuve irréfutable, bien que sommaire, qui démontre qu’une personne a commis sciemment un geste répréhensible et que pour cette raison, elle a perdu son emploi. Le caractère délibéré du crime démontre la présence des éléments qui caractérisent un départ volontaire et sans justification. Dans ce cas-ci, par contre, les accusations ont été retirées. La seule interprétation juste ou légalement correcte qu’on peut tirer du retrait des accusations est que M. G.P. n’est coupable d’aucun méfait. Le conseil n’a été saisi d’aucune accusation ni d’aucun élément de preuve qui permette d’établir que la conduite du prestataire avait le caractère délibéré qui caractérise l’inconduite. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il ne s’est pas présenté au travail et qu’il n’a pas avisé son employeur de son absence. Il ne s’agit pas là d’éléments démontrant le caractère délibéré qui caractérise l’inconduite, surtout quand on sait que les omissions en question résultaient de l’incarcération du prestataire, laquelle n’a pas été sanctionnée par une condamnation.

    Dans la décision CUB 73218, le juge-arbitre a rendu une décision analogue :

    En ce qui concerne l'inconduite, rien ne permettait de prouver que le prestataire s'était rendu coupable d'inconduite. Les éléments de preuve montraient uniquement qu'une accusation avait été portée contre lui à la suite d'une plainte concernant un incident qui serait survenu des années plus tôt. Étant donné qu'il est impossible de prouver que le prestataire s'est rendu coupable d'inconduite, comment peut-on conclure qu'il a été congédié en raison de son inconduite?

    J'ai pris en considération la position de la Commission ainsi que les dispositions de la Loi, et je conclus que l'appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision rendue par le conseil arbitral doit être rejeté.

    Même si le prestataire n'était pas en mesure de se présenter au travail durant son incarcération, il n'a pas agi de façon volontaire. La seule disposition de la Loi qui pourrait s'appliquer à la situation du prestataire se trouve à l'article 18, où il est indiqué que le prestataire doit démontrer qu'il est disponible pour travailler tout jour ouvrable de sa période de prestations. En l'espèce, le prestataire était non disponible pour travailler uniquement pendant la courte période où il a été incarcéré, soit environ 19 jours, après quoi on peut supposer qu'il était disponible pour reprendre son emploi ou en chercher un autre.

    L'avocat de la Commission m'a demandé de renvoyer l'affaire devant la Commission, ce qui sera fait. Toutefois, il est inacceptable que le prestataire ait été injustement privé du bénéfice des prestations auquel il avait droit, aux termes des articles 29 et 30, et l'appel qu'il a interjeté relativement à cette question doit être accueilli. En ce qui concerne la disponibilité, il s'agit d'une autre affaire sur laquelle la Commission devra peut-être se pencher.

    Il faut rappeler que le fait qu'une personne soit incarcérée ne signifie pas automatiquement qu'elle s'est rendue coupable d'inconduite. Il faut prouver qu'il y a eu inconduite. Pour ces motifs, l'appel de la Commission est rejeté.

    En conséquence, jusqu’à ce que le prestataire reçoive son numéro d’assurance sociale, en novembre, il n’était pas admissible au bénéfice des prestations puisqu’il ne pouvait pas se conformer à l’une des conditions relatives à la présentation d’une demande. Par ailleurs, vu les circonstances exceptionnelles de cette affaire, le prestataire ne s’est pas rendu coupable d’inconduite, étant donné que son incarcération n’a pas résulté en une condamnation pour un acte criminel et que rien ne prouve qu’il a commis un geste d’inconduite qui l’aurait empêché de retourner au travail comme il le devait.

    J’accueille donc l’appel du prestataire relatif à l’allégation d’inconduite.

    Gerald T.G. Seniuk
    JUGE-ARBITRE

    Saskatoon (Saskatchewan)
    Le 27 mai 2011

    2011-09-26