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  • CUB 77643

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    R.A.

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
    par la Commission de la décision d'un Conseil arbitral
    rendue le 25 mars 2010, à St-Romuald, Québec

    DÉCISION

    JACQUES BLANCHARD, juge-arbitre

    Le Conseil arbitral a fait droit à l’appel du prestataire en ce qui a trait:

    a) l’inadmissibilité imposée aux termes des articles 9 et 10 de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était en chômage;
    b) quant à l’imposition d’une pénalité aux termes de l’article 38 de la Loi pour avoir fait sciemment une ou des fausses déclarations;
    c) concernant l’avis de violation émis en vertu de l’article 7.1 de la Loi, suite à la pénalité infligée pour avoir perpétré un acte délictueux.

    La Commission interjette appel de la décision rendue par le Conseil arbitral rescindant les prises de position de cette dernière.

    Faits :
    Le prestataire a établi une période de prestations prenant effet le 13 avril 2008 (pièce 2).

    Il appert que le prestataire, après avoir perdu son emploi, s’est porté actionnaire d’une entreprise.

    Cette entreprise fut enregistrée le 10 avril 2008 et le prestataire en est le président et administrateur (pièce 5). Deux autres personnes sont également actionnaires et les trois ont le même pourcentage d’actions.

    Les pièces 3-3 à 3-11 démontrent l’ensemble des opérations de l’entreprise suivant des informations fournies par le prestataire en juin 2009.

    Suivant les pièces 4-1 à 4-10, des précisions sont apportées sur l’exploitation de l’entreprise. Précisions sur le rôle de l’entreprise, les frais encourus et la participation du prestataire.

    Il importe de souligner que contrairement à ce qu’il est dit à la pièce 24-2, un actionnaire qui détient 33 % des actions d’une compagnie peut être président et administrateur et déclarer être actionnaire minoritaire n’est pas une fausse déclaration.

    Relativement aux pièces comptables, il appert que de juin 2008 à mars 2009, le prestataire a perçu 27 236,24$ à titre de frais de déplacement, hébergement et repas alors que les deux autres actionnaires ont reçu respectivement 22 725,06$ et 27 133,98$ (pièces 8-5 à 8-10). Quant aux frais de téléphone cellulaire, ils se chiffrent à 758,25$ pour le prestataire et 3 845,79$, 1 712,66$ pour les deux autres actionnaires pour juin 2008 à mars 2009 (pièces 8-13 à 8-15).

    Cette nouvelle entreprise a un déficit de 65 000$ en septembre 2009, malgré les tentatives de démarrage et rencontres avec divers clients potentiels. C’est pourquoi, le prestataire déclare ne pas travailler à son compte ou avoir été payé pour un travail quelconque.

    Le prestataire, participant de façon très limitée aux activités de l’entreprise, ne peut concevoir que cette dernière pouvait être considérée comme étant un moyen de subsistance.

    Analyse de la décision du Conseil arbitral :
    La lecture de la décision du Conseil arbitral nous révèle que ce dernier s’est penché sur l’étude des pièces au dossier.

    Le prestataire a témoigné et il appert qu’il ne travaillait que 6 heures par semaine pour l’entreprise.

    Le prestataire, suivant le Conseil arbitral, fait la preuve de son état de chômage nonobstant le rôle joué dans l’entreprise.

    Sur ce point, ils ont porté une attention particulière aux éléments considérés dans l’exploitation d’une entreprise tout en prenant en considération les critères prévus au paragraphe 30(3) du Règlement.

    Le Conseil arbitral a analysé la documentation produite tout comme la preuve testimoniale. Après étude de la jurisprudence, le Conseil arbitral a maintenu l’appel du prestataire.

    Décision :
    Le Conseil arbitral est maître des faits et lui seul peut en tirer des conclusions.

    Le juge-arbitre se doit d’envisager le tout en fonction de l’application de la Loi et si dans son analyse le Conseil arbitral a commis une erreur de droit.

    Le juge Cullen dans CUB 23822 disait :

    « (...) Par conséquent, dès lors qu’on a établi le prestataire avait un emploi au sens du paragraphe (1), il s’agit de déterminer si l’appelant y consacre si peu de temps qu’on peut faire exception à la règle générale d’inadmissibilité. Il faut tenir compte de six facteurs pour déterminer si l’emploi est négligeable. Ce sont le temps consacré à l’entreprise, le capital et les ressources investis, la réussite financière ou l’échec de l’entreprise, la stabilité et la nature de l’entreprise, et la volonté du prestataire de trouver un autre emploi (critères établis initialement par le juge Dubé, Juge-arbitre dans le CUB 5454).

    Ce serait une erreur de droit pour le conseil de ne pas tenir compte de l’exception mentionnée à l’article 43(2) et des six facteurs susmentionnés pour évaluer si le prestataire est en chômage (CUBs 19015, 19013, 13687). »

    Le Conseil arbitral s’est penché sur les six critères et en a tiré les conclusions qu’il croyait justifiées en l’espèce.

    D’ailleurs, ce principe a été reconnu par la Cour d’appel fédérale dans Gates (A-600-94) où le juge Linden écrivait :

    « (...) Le régime d’assurance-chômage n’a pas été mis en place pour assurer une rémunération à toutes les personnes qui veulent créer une nouvelle entreprise et qui nient considérer cette activité comme un travail. Malgré leur prétendue ignorance, la Commission et le Conseil arbitral peuvent, selon la preuve et le bon sens, refuser de croire ces prestataires et décider qu’ils connaissaient effectivement la fausseté de leurs déclarations.

    La preuve relative à la connaissance doit être évaluée par la Commission ou par le Conseil arbitral, qui doivent tirer des conclusions quant aux faits et à la crédibilité. Il ne suffirait peut-être pas d’affirmer que le prestataire n’était pas crédible ou que sa crédibilité est « douteuse », le juge des faits peut être tenu d’aller plus loin, Monsieur le juge MacGuigan l’a reconnu, dans l’affaire McDonald, précitée :

    « Toutefois, je ne peux adopter un point de vue aussi indulgent quant à la conclusion d’absence de crédibilité de la partie requérante relativement à la question des déclarations trompeuses. Le simple scepticisme à l’égard du témoignage de la partie requérante ne constitue pas un fondement suffisant pour justifier la conclusion du conseil qu’elle a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. Il y a un autre élément à prouver, relativement à l’état d’esprit de la partie requérante, dont la charge, comme je l’ai déjà dit, incombe à la Commission. La conclusion du conseil que la crédibilité de la partie requérante était « douteuse » ne permet pas de conclure que la Commission s’est acquittée de son obligation :...

    Pour décider si le prestataire avait une connaissance subjective de la fausseté des déclarations, la Commission ou le Conseil peuvent toutefois tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs. En d’autres termes, si un prestataire prétend ignorer un fait connu du monde entier, le juge des faits peut, à bon droit, refuser de le croire et conclure qu’il connaissait bel et bien ce fait, malgré qu’il le nie. Le fait que le prestataire ignore une évidence peut donc mener à une inférence légitime selon laquelle il ment. Le critère appliqué n’est pas objectif pour autant : mais il permet de tenir compte d’éléments objectifs pour trancher la question de la connaissance subjective. Si, en définitive, le juge des faits est d’avis que le prestataire ne savait effectivement pas que sa déclaration était fausse, l’irrégularité visée par le paragraphe 33 (1) n’a pas été commise. Les motifs prononcés par le juge Cattanach dans l’affaire Q.G. (CUB 6661A, 23 septembre 1982), portant que le bénévolat et le travail dans un jardin ne sont pas considérés comme un « travail » aux fins de l’assurance-chômage, démontrent qu’il est possible qu’une certaine confusion puisse exister, honnêtement, relativement à la signification du terme « travail ». »

    Le dossier témoigne de la volonté du prestataire de chercher un emploi à temps plein auprès de diverses entreprises. Rien ne contredit cet élément et ceci indique bien objectivement que le prestataire ne pouvait subvenir à ses propres besoins dans la nouvelle entreprise. La notion de travail à temps plein ne consiste pas à la compilation des heures de travail mais bien au temps consacré.

    En l’espèce, ce temps est insignifiant et le juge-arbitre n’a pas à intervenir.

    En définitive, aucune erreur de droit n’est décelée dans la décision du Conseil arbitral.

    Pour ces motifs, l’appel de la Commission est rejetée et la décision du Conseil arbitral maintenue.

    Jacques Blanchard
    JUGE-ARBITRE

    Québec, Québec
    Le 19 août 2011